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Chapitre VI : Il faut. Je dois.
illustré par Tchoucky



Julia XXX : 
          Bip! Bip! Bip! Bip!
          Au milieu de ma foire électronique, mon capteur audio m'appelle. Je suis le bruit pour le trouver dans tout cet attirail. Je tape et je clique jusqu'à trouver la bonne fréquence ... Ca y est ! Un texte s'écrit au-dessus de la fréquence : Conversation : Spatiaux.
            Les Spatiaux ? .... Hm ... que nous réservent-ils, ceux-là ? ...Je mets mon casque, j'appuie sur le bouton de lancement, et j'attends ....
“ Jowy, abandonnez les recherches de Franck Rhoan, j'ai une mission prioritaire à vous confier.
_ Quoi ? Qu'est-ce qui peut être prioritaire à Franck Rhoan ?
_ Je n'en sais rien, mais les gradés disent que c'est de la plus haute importance. Il faut que vous retrouviez la trace d'Atrayde, ainsi que d'une créature qui doit l'accompagner, un être à moitié homme et à moitié chat. Le nom de code de cette créature : Nimrodh. Le nom de code de l'opération : Genèse. ”
             Abandonner les recherches de Franck Rohan ?! Mais c'est de la pure folie !
            Je me calme, tant bien que mal, et comprends que si cette créature est assez importante pour stopper les recherches du Pr. Rohan, c'est qu'elle doit avoir un rôle particulier ! ....
            J'enregistre la conversation dans mes dossiers Top Secrets et je plonge littéralement sur mon ordinateur pour faire un résumé de la chose. Je tape le plus rapidement possible, j'imprime deux fois pour être sûre de ne rien perdre, je réajuste mon casque et mon micro et je me branche sur le réseau de la base.
“ Commandant ! Commandant !
            Un hologramme de mon supérieur apparaît devant moi. L'expression de son visage n'étant guère souriante, je me dis que j'aurais mieux fait de l'appeler avec plus de calme.
_ Agent XXX, que nous vaut cet appel ... ?
_ Une conversation des Spatiaux, mon Commandant !
_ J'imagine qu'elle doit être importante ! ....
_ Oui, mon Commandant ! Je vous envoie le rapport complet !
             Je récupère toutes les informations en veillant au moindre détail. J'envoie le tout en protégeant les fichiers pour qu'ils ne soient pas interceptés.
_ Voilà les données audios et les écrits, mon Commandant !
_ Merci, Agent Julia ! ... Nous allons analyser le contenu des dossiers immédiatement ! ...
_ Reçu, mon Commandant ! Bonne journée, mon Commandant ! ”
              L'hologramme disparaît. Je suis fière de moi, j'ai mené ma mission à bien !
              ... Même si je suis consciente qu'elle n'est pas encore finie ! ....

Vamy Lilyah
             Nous quittâmes l'infirmerie tous ensemble et commençâmes à marcher à travers les couloirs. Curieuse de nature, je demandai où nous allions puisque je ne connaissais pas cet endroit.
             “ Je vous conduis à vos chambres." répondit la doctoresse poliment. 
              Instinctivement je répondis un merci. La politesse était un principe de base. Mon père le disait toujours avant de mourir. Sans que je me rende compte vraiment du trajet, nous fûmes rapidement arrivés. La doctoresse s'occupa de montrer au militaire et au mécanicien leurs chambres. Pour moi, ce fut sa fille _ Kara, il me semblait_ qui s'en chargea. Charmante enfant, cette petite. Elle n'était pas comme ces idiotes que j'avais connues à l'orphelinat qui passaient leur temps à se moquer de moi pour les raisons les plus sordides.
            Je pénétrai dans la chambre où je logerais un bon moment, j'en avais le pressentiment. J'observai la pièce. Il y avait une couchette qui paraissait confortable, plus que la bruyère en tout cas, un bureau et des étagères avec des livres. Là, je me plaisais. Tant que j'avais de la lecture, je pouvais m'adapter n'importe où. J'allai vers eux et en saisis un au hasard. Je l’ouvris pour voir de quoi il parlait. Comme il semblait intéressant.
              Derrière moi, Kara était entrée aussi et me regardait.
“ Vous aimez les livres, Lilyah? fit Kara.
              Je fus surprise. Je commençais à peine à me plonger dans la lecture du livre que j'avais oublié la présence de Kara. Je déposai le livre sur le lit et m'avançai vers elle.
_ J'adore ça. Depuis que je suis petite, je lis énormément. Même beaucoup plus petite que toi, répondis-je.
             J'avais parlé à cette petite fille naturellement. Cela faisait si longtemps que je n'avais pas eu une conversation avec quelqu'un. Peut être parce que Kara était une enfant. Les enfants ressentent beaucoup de choses et sont souvent incapables de mentir face à leurs sentiments.
 _ Dis, si tu aimes lire beaucoup, alors c'est grâce à la lecture que tu peux comprendre Xorth ? demanda Kara.
            Je souris malicieusement.
_ Tu as raison, petite futée, dis-je en riant. Il parle une langue ayant des origines communes avec des choses que j'ai pu apprendre grâce aux livres.
           Je me demandais ce que Kara devait en penser, si elle comprenait tout. D'un seul coup, je repensai à la créature, Xorth. Quand Kara était arrivée, elle a dit que celui-ci avait besoin de moi.
_ Dis Kara, tu as dit tout à l'heure que Xorth avait besoin de moi, non ? Je ne me trompe pas hein ? fis-je.
_ Non. Il te demandait, répondit Kara.
_ Hum je pourrais y aller mais je devrais plutôt attendre ce qu'en pense ta maman. Après tout, c'est elle qui décide, non ? dis-je.
_ Hum oui. Je lui demanderai, me répondit Kara. ”
            J’opinai de la tête. Je me demandais d'où pouvait venir Xorth. En tout cas, cela paraissait une rencontre incroyable digne d'être racontée dans un livre.

Janus Winnfield
           Un vaisseau Solarian Magellan modèle 205... Il n'était pas très vieux, mais le système informatique qui le contrôlait était bogué comme un Windows XP de l'ancien temps sans son Service Pack... Enfin bref...     Quelques minutes plus tard, j'eus accès à toutes les autorisations de sécurité. Un scanner me prévint alors:
            SUJETS NON HUMAINS DETECTES
            Je regardai avec étonnement:
            C'est quoi cette histoire ?
            Je regardai le scanner et vis alors que les formes de vie non-humaines étaient en fait des créatures mutantes réfugiés dans les niveaux en dessous... L'homme-chat se trouvait toujours dans les quartiers de l'équipage...
           Je continuai donc mes recherches pour tenter de trouver d'autres issues...
           Finalement, j'en revins au hangar... Je scannai et je vis qu'il y avait, outre le vaisseau qui nous a amenés ici, un petit chasseur de classe Silencer.
           "Exactement ce qu'il me faut..."
           Mais soudain je me mis à réfléchir : je me demandai si ça en valait vraiment la peine... Je m'étais embarqué dans cette aventure sans trop réfléchir... C'était cet homme-chat qui m'avait lancé...
           "Mais suis-je sûr que c'est lui qui arrêtera la guerre ? Et merde !"
           Je n'étais plus sûr de rien... Si je ramenais cet homme-chat aux autorités, comment réagiraient-elles ? J'ai surévalué la situation en pensant qu'il arrêterait la guerre. Ce serait sûrement juste un sujet d'étude de plus pour développer une nouvelle arme afin de continuer la guerre et faire encore plus de morts...
            "Qu'est-ce que je fais là ?"
           Je considérai l'option de prendre le Silencer tout de suite et de partir, mais je sentais que quelque chose d'important pourrait avoir lieu ici... Quelque chose d'important... Cette créature pensante et parlante en était la preuve. Je décidai alors de rester pour observer la suite des événements... Et il y avait une raison supplémentaire: Deakins cherchait la créature ou tout du moins tout ce qui se trouvait à bord du vaisseau sur lequel je m'étais embarqué... Peut être que cette aventure pourrait me faire prendre ma revanche sur lui...
            Je continuai à fouiller l'ordinateur central en quête de quelque information qui pourrait m'être utile...



Jonas Atrayde
              Cela fait déjà une demi-heure que j'essaie de taper tous les codes possibles et imaginables sur le petit tableau numérique qui se trouvait à côté de la porte de mon compartiment. Cela ressemblait beaucoup au bloc que j'avais à la station, mais ça n'effaçait pas le fait que j'étais captif ici. Etant militaire, je m'étais forcement préparé à être prisonnier, mais je détestais par dessus tout être enfermé. Ca me rendait nerveux et agressif ! Il n'y avait que deux heures qu'on m'avait conduit dans cette pièce et j'avais l'impression que j'y étais déjà depuis une éternité. Je n'avais rien à faire, c'était horrible !
             Tant que je n'aurais pas une occasion d'accéder à un terminal du vaisseau pour communiquer avec l'extérieur, je serais livré à moi-même avec personne sur qui compter. Mike semblait avoir été moins réticent à devoir obéir à cette garce, je ne pouvais pas compter sur lui pour nous sortir de là tous les deux.
            Après avoir essayé une énième fois de taper un code sur le tableau numérique, je décidai d'abandonner... pas sans l'avoir frappé du poing au passage, décrochant presque une touche. Je me dirigeai vers ma couchette et m'y allongeai. Je regardai mon bracelet que cette femme m'avait obligé à enfiler. Cette sa**** voulait nous faire croire qu'il nous restait un semblant de liberté. Mais même si elle ne tenait pas la laisse à la main, elle nous avait mis des colliers comm
e à de vulgaires chiens. Ca me faisait enrager à chaque seconde que j'y pensais : devoir effectuer ses quatre volontés sous peine de mourir dans une atroce souffrance, le sang étouffé par je ne sais quel poison. Cela allait finir par me rendre fou ! Il fallait que je trouve quelque chose afin de m'occuper, sinon j'étais sûr que je me briserais les poings sur les murs en frappant dedans. Mais dans cette pièce, il n'y avait strictement rien à faire, rien d'autre à faire que de regarder le plafond et de penser.
            Cela faisait longtemps que j'avais laissé ce genre d'exercice de côté. Depuis la mort de Lyse, je n'avais plus besoin de penser. Exécuter les ordres de mes supérieurs et massacrer les Lambs à coups de bombes soniques ne réclamait pas cet effort.
            C'était comme si une partie endormie de mon esprit venait de se réveiller. Je finis par me dire que si je comprenais mieux la situation dans laquelle je me trouvais, je trouverais peut être un moyen de m'en sortir, moi et Mike... et faire ce que je devais faire de tous ceux qui se sont trouvés sur notre route. Jusqu'à présent, je les avais très mal jugés, en particulier cet être étrange qui répondait au nom de Xorth. Les Lambs et la pseudo Lamb semblaient vraiment fascinés par toutes ses réactions, même celles que l'on voyait chez un humain normal tous les jours. Il ressemblait à un enfant auquel on apprenait à marcher et à parler. En y réfléchissant, j'étais peut-être passé à côté de quelque chose d'extrêmement important. Même Frank Rhoan, tout scientifique qu'il pouvait être, ne semblait pas comprendre tous les agissements de cet être.

            Voilà que je devenais curieux ! J'avais toujours l'intention de le ramener à Oblivion, mais j'avais maintenant envie d'en savoir plus. Qui il était, d'où il venait, comment s'était il retrouvé dans mon vaisseau...
            Et ce savant fou. Il avait été fait évadé par cette même garce qui nous retenait prisonnier, d'après Mike. Malgré mon manque d'intérêt pour lui plus tôt, lorsque le savant s'était fait passer pour un assistant médical, j'avais cru remarquer dans leur regard qu'il y avait une certaine animosité entre lui et la doctoresse. Ca n'avait pas de sens ! Pourquoi s'ils étaient ennemis, Rhoan aurait accepté de travailler pour elle ? Elle le retiendrait par un moyen de pression ? Et surtout, qu'est-ce qu'il pouvait fabriquer ? Rhoan n'était pas connu dans la galaxie pour sa broderie fine...
           Je commençais à être fatigué de toutes ses questions. Soudain, j'entendis une voix, celle de cette *****, dans le haut-parleur.
“ Jonas, veuillez descendre et venir me voir à l'armurerie ! Je vais vous donner ce dont vous avez besoin pour votre travail ! ”
           Elle m'appelait par mon prénom et s'adressait à moi sur un ton presque mielleux... comme si j'étais son ami. Je soupirai bruyamment, mais ne connaissant pas les limites de sa patience, je me levai et avançai vers la porte qui s'ouvrit enfin. Il fallait à présent que j'établisse un plan, je ne pouvais plus compter que sur moi...

Dr Nilane Bah
            Ils sont tous installés. Je suis passé les voir, discrètement, sans me montrer, avant de descendre. Le mécanicien semble s'être bien accommodé de son sort. Il a sorti un jeu de carte de sa poche et s'est mis à faire une réussite sur sa couchette.
            Je n'irais pas jusqu'à dire que l'apparition de ces intrus chez moi est providentielle, mais je dois admettre que cette base avait bien besoin du secours d'un mécanicien. Pendant trois ans, j'ai été seule à l'entretenir, il a bien fallu que je privilégie les circuits vitaux, et que je néglige le reste. Il n'est pas un seul étage dans ce Magellan qui ne contienne pas au moins une réparation à terminer.
           La terrienne, Lilyah, s'est plongée dans l'un des livres qu'elle a trouvé au dessus de sa couchette.

Des livres de papier. On n'en trouve que sur terre. Lors de notre fuite, je n'ai rien pu emporter, sauf Kara sur mon dos, et puis quelques instruments de ma trousse de secours. Les livres de papier, je me les suis procurés par nostalgie, la seule nostalgie que je me sois autorisée à éprouver à partir du moment où j'ai obtenu la nationalité Solarianne. Une petite entorse à la légalité, mais l'avantage d'être exilée, comme moi, c'est qu'on n'est plus sensible qu'à quelques lois universelles, comme sauver des vies parce que c'est dans sa nature, empêcher sa fille de mourir, ou avoir la nostalgie des livres de papier.
            "Terre des hommes", c'est le livre qu'elle a choisi. Combien de fois l'ai-je lu ! Je peux même en réciter des passages par cœur.
             "Il faut bien tenter de se rejoindre. Il faut bien essayer de communiquer avec quelques uns de ces feux qui brûlent de loin en loin dans la campagne".
             Il faut bien tenter de se rejoindre. Elle avait l'air si tranquille, courbée sur sa banquette à tourner les pages fragiles et précieuses... Il y a chez cette fille quelque chose qui... Je ne trouve pas le mot exact. Tout en elle semble si serein, si indifférent à ce qui l'entoure. J'ai vu les autres manifester leurs émotions. J'ai vu le mécanicien ébahi, le militaire furieux, Rhoan ironique. J'ai vu l'homme-chat paniquer. J'ai vu Kara rire et pleurer, oh combien de fois !
              Elle, elle s'est laissée embarquer dans cette histoire sans broncher, répondant aux insultes du militaire, quand il lui en lançait, silencieuse la plupart du temps. Elle n'a pas bronché quand l'homme-chat s'est mis à parler. Elle n'a pas bronché quand la flotte Solarianne nous a attaqués. Les deux fois, elle a réagi, elle nous a aidés, mais ce n'était ni du sang froid, ni du courage, c'était seulement ce qu'il fallait faire, aucune émotion ne se dégageait d'elle a ce moment là. Elle nous a simplement livré son savoir.
             Elle n'a pas bronché quand je lui ai mis au poignet ce bracelet qui tue. Elle s'est laissée faire. Comme si tout cela n'avait aucune importance. Sans doute que pour elle, ça n'en a aucune. Sans doute que la vie lui importe peu, pourtant elle vit, elle vit, à l'intérieur de cette carapace de tranquillité froide. Qu'est-ce qui pousse une femme, une jeune femme, presque une jeune fille, à devenir à ce point somnambule ?

             Je ne sais pas pourquoi je suis restée si longtemps à l'observer, et à désirer la comprendre. Est-ce parce qu'elle lisait mon livre préféré ? Est-ce parce qu'elle semble aussi fragile et jeune que Kara ? Est-ce simplement parce que j'ai la certitude qu'elle est la seule dans cette base qui soit sincèrement prête à m'aider, pour l'homme-chat ?
             Je ne comprends pas pourquoi l'Histoire m'a choisie, moi. Il a débarqué comme ça au milieu de mon cauchemar, l'exil, la maladie de ma fille. Il vient à moi, au moment où je renonce à tout ce en quoi j'ai toujours cru, au moment où je décide de passer dans le camp de ceux qui n'ont aucun scrupule, de m'associer à l'homme qui a détruit notre ville, juste pour sauver Kara.
               Et, lui, cet Autre, cet Espoir, cet Inconnu, il m'arrive comme ça, le jour même où je décide de vendre mon âme au diable, le jour même où je ne suis plus digne de le recevoir.
               J'ai hésité avant de le loger. Une cabine ? A en juger ses vêtements, ses griffes, son allure souple et agile, ceux de sa race doivent plus avoir l'habitude du grand air que des espaces clos. Je l'ai conduit au dernier étage, dans la mini biosphère. Sous la coupole translucide, un petit bout de notre terre, telle qu'elle était avant, avant les forêts toxiques, avant la guerre, telle qu'elle était quand tout était vert, trônant majestueusement dans son habit d'herbes hautes et d'arbres fruitiers.
"Toi ici, lui ai-je dit.
Et, montrant le dehors.
_  Pas sortir. Enjay, dehors, tu comprends ? Enjay !
_ Pas sortir, a-t-il approuvé. ”
               Le soleil est en train de se coucher à présent. Je fais les cent pas dans l'étroit couloir qui mène au dernier sous-sol, sous le hangar aux aéroglisseurs. Les mutants vont bientôt se réveiller sous la coque. J'espère pour le militaire qu'il s'est bien reposé. Je l'attends.
               Evidemment il n'est pas content. Enfin, à supposer que ce type soit capable d'être content. A voir la mauvaise grâce avec laquelle il répond à mes tentatives d'installer un semblant de courtoisie entre nous, je commence à croire le contraire. Je me demande même ce qui lui fait si peur, dans le fait de se montrer un peu humain.
               “ Bon ! fait-il en écrasant sa cigarette en plein milieu du couloir. On y va ?
               Je me demande aussi d'où lui vient ce besoin d'avoir toujours une cigarette à la main. Est-ce par peur de constater à quel point ses mains sont vides ? Ou à quel point elles ne lui servent à rien ?
_ Enfilez ça, dis-je en lui tendant la combinaison. Entrez là-dedans pour vous changer.
_ La vue de l'anatomie masculine vous fait peur à ce point ?
_ En effet. Ca m'effraye, chaque fois que j'opère un patient. Entrez. ”
               Emettant un son dont je ne sais pas s'il s'agit d'un grognement ou d'une phrase, il entre dans le réduit que je lui indique. Je m'adosse à la paroi en attendant. Le silence tombe entre nous. Lourd. Très lourd.
“ Dites moi, me dit la voix d'Atrayde, derrière la paroi.
_ Oui ?
_ Ce Magellan, là. Ca a fait un tintouin, quand ça a disparu. Vous avez fait comment ?
                  Je ris silencieusement. Quand on pense au temps qu'il m'a fallu pour préparer ce détournement, et aux quelques minutes que le détournement lui-même a duré...
_ Dès que je suis arrivée à Etrenank, je l'avais repéré. Il flottait en orbite autour de la station, il ne servait à rien, on ne savait pas quoi en faire. On le surveillait, bien sûr, pour la forme. On empêchait les vols trop près, pour ne pas l'endommager, pour la forme aussi. Mais j'ai un peu étudié la question, j'ai pu constater que quand le satellite B612 coupait l'orbite du Magellan, celui-ci perdait pour quelques minutes tout lien radio, radar, etc... Avec Etrenank. Il suffisait de s'arranger pour être au bon endroit, au bon moment...
_ Il faut croire que vous avez un don pour vous trouver au bon endroit, au bon moment.
_ Qui s'est trouvé au bon endroit, au moment où Xorth découvrait la terre ? Vous ? Lilyah ? Rhoan ? Le mécanicien ? Personne n'avait besoin d'être là, et quoi que soit ce que cette créature cherche, nous ne la lui avons certainement pas apporté, pour l'instant.
_ Vous auriez mieux fait de nous laisser tous sur place. Vos pauvres sentiments de compassion pour le prochain, vous auriez dû les laisser de côté quand vous avez décidé de faire évader un criminel.
_ Vous finirez un jour par vous rendre compte que l'humanité est une maladie dont on ne guérit pas monsieur Atrayde. Vous aurez beau essayer de vous convaincre que vous y avez renoncé, elle vous rattrapera toujours. Toujours.

           Il ressort, vêtu de la combinaison. Je ne vois pas son visage. Je lui pose dans les mains le sonar et lui indique une trappe au sol.
_ Attendez que je sois partie pour la soulever. Et quand vous serez dans l'entre-deux étages, refermez la trappe, avant d'ouvrir celle que vous trouverez en-dessous, qui vous mènera au sous-sol.
          Je m'éloigne dans le couloir. Puis me retourne.
_ Hé ! Jonas ?
_ Quoi, encore !
_ Revenez en vie... Quand même ! ”
          Je ne l'entends pas répondre. Je n'attends même pas de voir s'il me fait un signe. Je remonte l'escalier. Voilà. Chacun a une tâche. Il va bientôt être l'heure d'aller coucher Kara. Mais il faudrait tout de même que je passe à la cuisine. Je dois faire le bilan des vivres que nous avons. J'avais prévu largement, mais pour trois personnes... Et les légumes de la biosphère, c'est bien pour survivre, mais on s'en lasse vite.

Vamy Lilyah
            Kara était partie. Il me semblait que cela faisait quelques minutes mais en regardant une horloge, cela faisait une vingtaine de minutes. Elle m'a dit qu'elle devait retourner voir sa mère.
            Je reportais mon attention sur mon livre. J'avais déjà lu deux dizaines de pages mais je ne parvenais pas à me souvenir de ce que j'avais lu. Mon esprit était préoccupé par le mystère de Xorth, l'homme félin. Il semblait incroyable. Qui était-il ? D'où venait-il ? Oh comme j'aimerais pouvoir répondre à ces interrogations. Je pouvais le comprendre grâce à mes connaissances mais il s'agissait de bribes. A ce stade, une conversation normale n'était malheureusement pas possible. Il fallait réussir à mieux le comprendre. Mais ce travail j'était la seule à pouvoir le faire. C'était grâce à mes connaissances et à ma logique que j'étais capable de le comprendre. Je devais donc trouver un moyen de parvenir à communiquer normalement avec lui. A mon sens, il existait deux possibilités. Je pouvais essayer de comprendre ses paroles, ou bien de l'aider à comprendre notre langue. Qu'importe la méthode utilisée, je devais d'abord rester calme et patiente. Ce serait un travail long et délicat.
              Je fermai mon livre et le laissai sur le lit. Je me relevai et sortis de ma chambre. J'avais décidé de commencer à travailler sur ce problème de communication avec Xorth. Je ne me demandai même pas si je devais prévenir quelqu'un que je m'élançais à la recherche de Xorth.

Franck Rhoan
            J’entendis du bruit, et tournai tranquillement ma chaise vers l’entrée du réfectoire. Je n’avais eu aucun mal à pirater le système me retenant dans une cabine du vaisseau. J’avais été un instant étonné de me retrouver dans un Magellan.
            "Elle est plus futée que je le pensais", avais-je pensé.
            Je n’avais trouvé personne dans le hangar, et n’étant jamais monté dans ce genre de vaisseau, je ne voyais pas l’utilité d’y courir en tous sens pour trouver Bah. Elle finirait par me trouver où que je sois ici, alors autant la laisser se déplacer. En tombant sur un ascenseur avec l’indication des étages du Magellan, j’avais décidé de modifier légèrement mes plans. Je m’étais donc rendu au réfectoire et m’étais servis un petit repas et un café. Un café, dont je n’avais pas savouré le goût depuis huit longues années.
             La position de ma chaise me plaçait également devant une grande vitre renforcée, me permettant de voir la forêt toxique à l’extérieur, ainsi que le ciel empli d'étoiles. 

             Etrange que ce genre de forêt se développe ici. Je n’ai pourtant pas laissé un seul atome radioactif d’Itokyo.
             La porte du réfectoire s’ouvrit, et Bah entra, l’air furieuse.
             “ Puis-je savoir ce que vous faites ici ? s’exclama-t-elle.
_ Cela ne se voit-il pas, docteur ? Répliquai-je en accentuant le dernier mot. Je déguste une saveur que j’avais presque oubliée.
             Elle parut se calmer un peu, mais tira une arme de poing et la pointa sur moi. Je fis mine de n’avoir rien remarqué, et avalai une autre gorgée.
_ Dites-moi, docteur : Qu’est-ce qui favorise le développement de ce genre de végétation ? Où puisent-elles les ressources leur permettant de se développer ?
            Elle parut étonnée, mais répondit en s’avançant.
_ On ne sait pas trop. On suppose que c’est à cause des restes énergétiques des armes terriennes ou Solariannes, car ces plantes ne se développent que sur les champs de batailles.
_ Il y a donc eu une bataille ici ? Même après qu’Itokyo ait disparue ? Tsss, ces soldats, terminai-je sur un ton ironique.
            Son regard se durcit, et elle me saisit le poignet. D’une secousse, je me libérai et me levai, posant ma tasse. Elle crispa sa main sur son arme.
_ Tendez la main, Rhoan.
_ Pourquoi ? Que comptez vous faire ?
            Elle sortit un bracelet de métal de sa poche, et m’expliqua son utilité. Lorsqu’elle eut finit j’esquissai un sourire ironique.
_ Désolé, je n’aime pas être tenu en laisse.
_ Vous n’avez pas le choix, rétorqua-t-elle en montrant son arme.
            J’eus un rire sans joie, sarcastique.
_ Mais tirez donc, Miss Bah. Allons, vous ne pouvez pas vous permettre de me tuer.
_ Je peux parfaitement me permettre de vous faire perdre connaissance et vous le mettre de force.
_ Mais je vous en prie, faites donc. Je me ferais un plaisir de l’activer et ainsi de mettre un terme à vos projets en même temps qu’à ma vie. Rien que pour vous ennuyer.
           Elle voyait parfaitement que je ne bluffais pas. De toutes manières je n’attendais plus rien de la vie. Elle hésita, puis rangea le bracelet. Je me rassis et repris ma tasse.
_ Que comptez-vous faire de vos…passagers inattendus, finalement ?
_ Je ne vais pas les tuer, si c’est ce que vous voulez dire, répliqua-t-elle en se raidissant.
_ Je m’y attendais, dis-je d’un ton quelque peu condescendant. Nous risquons donc d’avoir quelques problèmes de ravitaillement. J’ai vu vos réserves : ce ne sera pas suffisant pour la durée de votre projet.
_ Nous devrions tenir suffisamment de temps.
_ Vous ne semblez pas réaliser. Vous voulez que je recrée mon “ arme ”, mais vous n’avez aucune idée du temps que cela prendra.
_ Combien de temps cela demandera-t-il ?
             Je sirotai un instant ma tasse, effectuant un rapide calcul mental.
_ Au bas mot deux ans, fis-je d’un air pensif.
_ Deux ans ? S’exclama-t-elle. Mais vous avez tous les plans en tête, vous l’avez dit vous-même ! Nous ne pouvons pas nous permettre de prendre deux ans.
_ Il m’a fallu au total quatre ans pour développer le Remanieur à Rayonnement Micromoléculaire, dit 2R2M. La plus longue partie étant la création d’un générateur suffisamment puissant pour fournir l’énergie nécessaire. Le générateur à plasma que j’ai utilisé devant Itokyo m’a pris un an.
_ Un générateur à plasma ? Releva-t-elle.
_ Oui. Même une centaine des plus puissants générateurs magnétiques ou à ions ne pouvaient apporter la puissance nécessaire, expliquai-je en continuant de boire mon café. J’ai donc dû inventer un nouveau type de générateur. Mon générateur à plasma ne faisait qu’une quinzaine de centimètres de long, mais était capable de libérer autant d’énergie qu’une étoile. Il m’a fallu deux ans pour l’inventer, dont un à le créer. Je pourrai sans problème en recréer un, mais dix mois – au mieux- me seraient nécessaires. Ajoutez à cela que je dois synthétiser l’alliage supportant le rayonnement, et le 2R2M en lui-même.
                 Je répondis à son regard incrédule par un sourire goguenard. Mais elle se ressaisit.
_ A quoi ressemblait votre générateur à plasma ? Demanda-t-elle.
_ A une batterie de l’ancien temps, répondis-je, soupçonneux. Long de quinze centimètres, large de onze et haut de cinq.
_ Combien de temps vous faudrait-il sans avoir à recréer ce générateur, continua-t-elle d’un air de triomphe.
                 Je fis aussitôt le lien, et manquai de lâcher ma tasse. L’objet le plus précieux et le plus puissant jamais créé était entre ses mains.
_ Vous l’avez, dis-je d’une voix faible. C’est cela que vous détenez.
_ J’en suis presque certaine, confirma-t-elle avec un sourire supérieur.
                Une forte inquiétude me prit.
_ J’ose espérer que vous ne vous êtes jamais amusée à faire des tests pour savoir ce que c’était. Les radiations de ce générateur, quand elles ne sont pas maîtrisées, peuvent entraîner des mutations chez certains êtres vivants.
                Elle secoua la tête, et je me détendis. Je refis à nouveau mes calculs, et poussait un soupir.
_ En ayant le générateur – et en admettant qu’il n’ait rien perdu de sa puissance- et tous les matériaux nécessaires, cela me prendra au mieux huit mois, conclus-je, optimiste.
_ Tous les matériaux que l’on puisse trouver sur cette planète et dans l’espace sont stockés dans ce vaisseau.
_ Et bien, finis-je, réellement intéressé à présent, montrez-moi donc le laboratoire où je vais passer mes huit prochains mois. ”
                 Nous sortîmes de concert, et prîmes l’ascenseur vers le premier étage.

Jonas Atrayde :
               
J'étais à présent au bord des sous-sols décrépis de cet immense vaisseau, dans un petit espace entre les deux trappes hermétiques en titane qui séparaient les deux zones. La doctoresse m'avait dit de rester en vie... Je ne savais pas comment je devais le prendre. Peut-être que c'était juste une manière de ne pas trop se donner mauvaise conscience en m'envoyant ici, ou alors qu'elle ne me détestait pas au point de m'envoyer à une mort certaine. Que cette femme était étrange... ainsi les mutants auraient le droit de me tuer s'ils en étaient capables, et moi je n'aurais seulement le droit que de les repousser en dehors du vaisseau...
             De toute manière, je n'avais pas d'autre choix que de m'exécuter, la fuite étant techniquement impossible. J'ouvris la seconde trappe au-dessous de moi avec un peu de mal, puis la soulevai. Il en sortit un voile de brume d'une couleur indéfinissable, mais j'étais pour le moins sûr qu'il était extrêmement toxique. Je sortis l'arme que la doctoresse m'avait donnée, puis je descendis l'échelle rouillée, refermant la trappe derrière moi. Ma vision dans cette combinaison était assez limitée, mais même au travers de ce brouillard toxique, je distinguais encore bien le décor qui m'entourait. C'était hallucinant ! Une végétation empoisonnée s'était presque totalement emparée des vieilles machines, des ordinateurs rouillés et des écrans brisés qu'il y avait ici. Pour le moment, j'explorais les couloirs sombres sans rien rencontrer de menaçant. Quel endroit lugubre, j'avais l'impression de me trouver dans un lieu entièrement différent du Magellan. Un si beau vaisseau... il était pourri de l'intérieur par la faute de cette ***** qui n'aurait jamais pu l'entretenir à elle seule ! Quel gâchis !
J'avançais prudemment, non seulement parce que je commençais à entendre des bruits de pas, mais aussi parce que mes propres pas faisaient grincer la vieille ferraille par endroit. J'ignorais tout des monstres qui pouvaient habiter dans le coin, qui sait s'ils ne m'avaient pas déjà vu. Je m'arrêtai un instant à un endroit où la coque avait été percée. Percée, j'aurais même dit complètement trouée ! Les contours du passage semblaient indiquer que la paroi avait fondue. Si ces monstres pouvaient faire de tels dégâts à la coque du vaisseau, je n'osais pas imaginer ce que je deviendrais s’ils arrivaient à me toucher.
            Je regardai la forêt par delà cette ouverture et du haut des quelques mètres où flottait en permanence le Magellan. J'aperçus le même genre de brume au dehors qu'à l'intérieur, les arbres mutants étaient d'une couleur orangeâtre à vomir ! Des créatures quadrupèdes immondes ressemblant à des chacals décharnés étaient en train de se bouffer les uns les autres ! Je voyais à présent ce que la Terre était devenue au fil des années, ça faisait vraiment peine à voir. J’avais pensé il y a quelques années que les dommages que notre planète mère avait subis pourraient être réversibles un jour. A présent, je pensais que le seul moyen de recréer un monde en bonne santé aurait été de tout raser d'abord...
           Je continuai mes recherches en suivant de mon mieux les bruits suspects qui étaient de plus en plus nombreux. La résonance de mes pas sur l'acier rouillé fut soudain remplacée par un bruit écœurant. Je lançai un regard sur mon pied droit, il semblait que j'avais écrasé ce qui restait d'une de ces créatures cannibales. Je vis également deux gouttes d'un étrange liquide tomber du plafond. Je chargeai l'arme sonique à toute vitesse, juste à temps avant que l'une d'entre elles ne me donne un coup de griffe, elle fut projetée au sol et s'enfuit en courant. Cette saleté avait enfoncé ses griffes dans le plafond et m'avait presque surpris ! La combinaison l'avait échappé belle. J'avais intérêt à être très vigilant dès à présent. Ses créatures n'ont aucun scrupule à se manger entre elles, mais certaines arrivaient peut être à se supporter pour former un groupe.
          Je marchai ainsi dans ce dédale pourri et sombre pendant quelques heures, marchant très lentement afin de surveiller mes arrières. J'avais déjà croisé un bon nombre de ces créatures isolées que je surprenais de dos afin de ne prendre aucun risque. Je vis la lumière extérieure se lever peu à peu par les trous dans la coque, je décidai alors d'arrêter ma chasse aux mutants. J'espérais que cette arme inoffensive serait au moins efficace pour les éloigner définitivement du vaisseau.
          Je retrouvai mon chemin vers l'entre-zone assez facilement. Lorsque j'allais passer le dernier virage pour m'y rendre, je me cachai immédiatement dans une alcôve dans le mur : trois mutants semblaient monter la garde juste au bas de l'échelle. Il fallait que je réfléchisse, encore une fois...
         C'était un cul de sac, si je tirais avec mon arme, les mutants prendraient peurs et seraient obligés de me passer sur le corps pour s'enfuir. J'observai en détail mon arme et m'aperçus que la fréquence des ondes soniques était modulable. Si j'arrivais à la régler adéquatement, elle attirerait les monstres au lieu de les repousser. Après avoir cherché un petit moment, je réglai l'arme à un niveau suffisamment élevé pour attirer les mutants suffisamment longtemps pour me permettre de passer la première trappe. J'enclenchai le tir automatique et jetai l'arme dans le couloir que j'avais emprunté pour revenir. Les trois mutants se précipitèrent vers elle et se mirent à se battre pour l'avoir, je courus vers la sortie. J'étais arrivé à l'échelle quand les créatures se retournèrent vers moi, visiblement l'arme venait de leur servir de repas. Heureusement, je réussis à fermer la trappe à temps, juste avant d'entendre l'un des monstres s'écraser la tête contre. J'enclenchai la purification d'air de l'entre-zone. Une fois l'air toxique évacué, j'enlevai le haut de ma combinaison et soufflai un bon coup. J'avoue que j'ai eu peur de ces monstres pendant un moment, j'avais honte. Je m'étais pourtant juré de ne plus rien craindre depuis la mort de Lyse, surtout pas d'être seul...
       Cette garce de docteur me paiera tôt ou tard pour ce sale boulot.


Mike Libane
“ Mouaaaaaaaaaah, qu’est ce que j’ai bien dormi.
           C’était le matin, d’après la lumière qui éclairait ma “ chambre ”. Tandis que je m’habillais, je pensais qu’il faudrait faire une réclamation au sujet du lit trop dur, et aussi à propos de ce bracelet qui me grattait horriblement, avant de me souvenir que je n’étais pas dans un hôtel.
       Quand je sortis de ma chambre, ma priorité fut de trouver des toilettes, car passer plusieurs heures à dormir d’un sommeil artificiel, ça vous donne envie de voir de belles cuvettes. Mais malheureusement, aucun plan ne me donna d’indication.
_ Raaaaah, mais on ne devrait pas chercher les toilettes dans un vaisseau digne de ce nom.
      Je regardais dans le couloir où je me trouvais. C’était un long corridor où se trouvaient les chambres des “ membres de l’équipage ”, ainsi que le réfectoire juste en face. Toutes les portes des chambres étaient ouvertes, ce qui me permit de conclure que plus personne ne dormait, et donc personne à qui demander une information.
_ Pfffff, j’ai vraiment pas de chance.
      Au bout de couloir, il y avait une salle de détente, et de l’autre côté un ascenseur.
_ Bon ben je crois que je vais devoir chercher étages par étages.
J’appelais l’ascenseur, qui arriva en 1,5 secondes grâce au déplacement électromagnétique.
_ J’ai vraiment hâte de m’occuper de ce beau joujou de vaisseau, mais d’abord, cherchons.
       Sur la commande à l’intérieur de l’ascenseur, je pouvais lire :
Rez-de-chaussée : armurerie, garage des aéroglisseurs.
1er étage : labo médical et de recherche.
2ème étage : réfectoire, chambres.
3ème étage : hangar, piste d’atterrissage.
4ème étage : pont
5ème étage : biosphère.

        Je réfléchis deux secondes, et me dis qu’il valait mieux commencer par le plus bas.
_ Rez-de-chaussée, dis-je. ”
        Quand les portes s’ouvrirent, je pus voir un autre couloir, mais un peu plus grand. Au milieu de ce couloir, je voyais Jonas dans sa combinaison qui semblait sur le qui vive.
“ Hello, Jonas, comment ça va ?"

           Il se retourna brusquement, puis me reconnut et enleva la capuche de son costume vert bizarre.
_ Ah, c’est toi, fit-il d’un air dédaigneux.
_ Qu’est ce que tu fais ici ? répliquai-je.
_ Je vais me coucher, j'ai passé une nuit éreintante.
_ Ca se voit, on dirait que tu as des bagages sous les yeux.
          Il garda le silence, sans doute pour se retenir de me frapper.
_ Bon sinon, repris-je, tu ne saurais pas où sont les toilettes ?
_  A vrai dire, je n’ai pas encore eu le temps d’y faire attention.
_  Ah, bon ben je vais te laisser à ton travail de démutanseur, tchao.
           Comme je me positionnais dans l’ascenseur, il me lança :
_ Dis, t’en pense quoi de cette traîtresse qui nous a amenée ici ?
_ Elle est plutôt jolie, répondis-je avec un sourire.
_ On s’en fout de ça, ce que je veux dire, toi tu n’es pas révolté qu’elle ai trahi notre peuple et nous ai séquestré ici ?
_ Ben tu sais, elle aurait très bien pu nous laisser sur le champ de bataille, qui aurait pu être à nouveau bombardé, ou encore nous jeter dans cette forêt toxique et nous regarder mourir à petit feu. Au lieu de ça, elle nous a sauvé et nous a donné des choses à faire pour qu’on se sente utile. ”
           Il était à nouveau renfermé dans son silence, sans doute pour essayer de comprendre ce que je venais de dire. Moi pendant ce temps, je dis :
          “ Premier étage. ”
          Les portes s’ouvrirent de nouveau. J’étais encore face à un couloir, mais de la même taille que celui qui se trouve à l’étage des chambres, avec par contre une seule porte pour chaque côté. Je regardais la porte qui se trouvait à droite. Il y avait toutes sortes d’instruments dont je ne connaissais pas le nom, car ce n’était pas des outils pour les vaisseaux. Par contre, pour la porte de gauche, c’était une vaste salle avec des objets que je connaissais, comme le rayon à fusion localisée utilisé pour découper les métaux, ou encore le cyclotron. Dans cette salle, se trouvait Mistigri, qui ne m’avait pas vu. Comme je connais les gens qui travaillent sur le métal et tout ce qui sert pour les matériels électroniques, je décidais de ne pas le déranger. C’est surtout son juron retentissant qui m’apprit qu’il était très occupé. Je retournais donc à l’ascenseur et dis :
         “Troisième étage. ”
          Cette fois, c’était une immense salle, où se trouvaient des dizaines de vaisseaux.
          “Ouaaaaaaah, m’écriais-je. ”
           Car je vis que les dix vaisseaux étaient les dix pumas-54 qui avaient été fait uniquement pour l’énorme vaisseau dans lequel je me trouvais. J’avais lu qu’ils avaient la force de frappe de vingt swispeurs de l’armée… chacun. Avant de ne commencer à me jeter dessus pour tout vérifier, j’eus la force de dire :
            "cinquième étage. ”
            Quand la porte coulissa, je me demandais pourquoi j’avais dis le cinquième et non le quatrième, quand le mal au niveau de la ceinture qui m’avait réveillé me répondit et me rappela la proximité des arbres pour faire ce que j’avais besoin de faire. Je me précipitais devant un tronc, défit ma braguette, et me soulageai. Après vingt secondes, j’entendis comme un grognement derrière moi.
            Comme je me retournais et vis la provenance du bruit, je m’exclamais :
            “ Oh non, revoilà la peluche géante.
            En effet, l’homme-chat avait sortit les griffes et montrait des dents.
_ Qu’est ce qu’il y a ? Tu as un problème ? Tu veux du vermifuge ?
           Soudain, un doute me tirailla, et je me retournai pour voir que j’avais “ marquer mon territoire ” sur l’endroit où il avait fait sa couchette.
_ C’est pas vrai, j’ai vraiment pas de bol. ”
           Quand l’ascenseur s’ouvrit sur la salle de contrôle du pont, je vis que les trois femmes de l’endroit s’y trouvaient déjà. Quand la “ capitaine ” se tourna vers moi, elle poussa un cri.
           “ AAAAHH, qu’est ce que c’est que tout ce sang ? s’exclama-t-elle.
           En effet, le félin anthropoïde m’avait lacéré le visage, ce qui me donnait un air boursouflé.
_ C’est rien, fis-je, faîtes pas attention. Sinon, une question : Où se trouvent les toilettes dans ce foutu vaisseau ?
_ Et bien, répondit la femme qui avait crié, vous ne savez pas que chaque cabine avait sa propre toilette individuelle ?
             Une minute de silence passa, puis je soupirai.
_ Booooooon, fis-je. Alors, que dois-je faire ?
_ Allez donc remettre en état la connexion avec les réacteurs, vous voulez bien ?
_ Oui m’dame, mais avant, permettez que j’aille me faire soigner.
_ Oui, faites donc cela, répondit-elle, c’est à l’étage 1.
              Pendant que la porte se fermait, je répondais :
_ Je sais. ”


Kara
             Après le passage du mécanicien tout gonflé et saignant, Lilyah et "Maman" recommencent à parler entre elles.
            Qu'est-ce que le mécanicien a fait pour avoir une tête pareille ? On dirait qu'il s'était fait griffer par quelque chose ou...
Xorth ! Il a voulu faire mal à Xorth !
            Je bondis et cours le plus vite possible. Si "Maman" m'a bien dit, Xorth est au dernier étage de la "Base"...
           Je monte dans l'ascenseur en tapant du pied. Vite ! Vite !
           La porte s'ouvre et je me précipite dans l'espèce de "Forêt-serre".
           Xorth est toujours là. Il n'a rien et regarde son espèce de lit de feuilles en grimaçant. Il est en colère... Pourquoi ? A cause du mécanicien je pense...
            Je lui saute dessus en riant. Comme ça, il sera ne plus en colère ! Xorth tombe sous mon poids et se retourne brusquement. Quand il me voit, il esquisse un drôle de sourire. Il me dit :
"Cheulos Kara.
            Tiens ? Je connais pas ce mot... Cheulos... cheulos... Ca doit être un mot de... Mais oui ! C'est un mot de bonjour ! Oui c'est ça ! Xorth me dit "Bonjour" dans sa langue !
_ Cheulos Xorth, je réponds en souriant."
             Il se relève et regarde à nouveau son lit de feuilles. Je lui envoie de l'inquiétude. Qu'est-ce qui s'est passé avec le mécanicien ?
             Xorth se retourne vers moi et balaye l'air avec une de ses mains, comme pour dire qu'il n'y avait rien de grave.
            Je hoche la tête. Il a peut-être mal dormi... Voilà, il a mal dormi alors il regarde son lit pour voir si quelque chose l'a gêné.
           "Manger, je lui demande. Toi manger ?
           Xorth me regarde à nouveau et fait "oui" avec sa tête.
           Je lui prends le bras et le guide vers l'ascenseur. Arrivé dans la salle avec la grande baie vitrée, je le laisse et lui demande de rester là. Je cours dans les couloirs tous blancs vers les réserves et sort deux grosses barres de chocolat d'une caisse.
          De retour devant la baie vitrée, je donne à Xorth les barres et il se met à les manger gloutonnement, en regardant la forêt toxique.
           "Maman" m'a dit que c'était à cause des vaisseaux de guerre, à cause de la guerre. Je trouve ça... étrange et triste. C'est pas les beaux arbres verts de la "Forêt-serre", mais c'est des arbres de drôles de couleurs, sans feuilles.
            Xorth continue de manger, avec une espèce de joie. Je souris.


Vamy Lilyah
            J'étais toujours décidée à améliorer la communication avec Xorth. Je suivis donc Kara jusqu'au dernier étage de la base. J'hésitais tout de même à la déranger de peur de la froisser. Je restai donc à distance tandis qu'elle saluait Xorth, et les laissai descendre seuls à l'étage du refectoire, attendant l'ascenseur suivant, pour les rejoindre. En apercevant Xorth manger, je pensai que je devais en profiter. Il se sentait bien avec Kara et en l'associant à mes séances de communication Terro-langue de Xorth, cela pouvait rendre plus ou moins les tentatives plus faciles.
           Je m'approchai d'eux. Kara me remarqua aussitôt.
“ Lilyah ? fit Kara surprise.
           J'expliquais rapidement que je souhaitais commencer les séances de communication.
_ Si tu le veux, tu peux rester avec nous, l’invitais-je.
_ Oh oui. Je veux bien, répondit Kara. ”
           Nous commençâmes donc à nous mettre au travail. A l'aide de mes connaissances, je devais trouver un moyen d'engager la conversation avec Xorth. Kara me souffla de dire cheulos pour le saluer. Je la remerciais du conseil.
          “ Cheulos Xorth, fis-je.
_ Cheulos Lilyah, me répondit Xorth. ”
           Ensuite le début de notre communication commença. J'éprouvais parfois du mal à comprendre certaines phrases. A l'aide de signes, je lui faisais comprendre de répéter la phrase plus doucement. Dès le premier essai, j'avais inventé une série de gestes permettant de mieux se comprendre. L'un d'eux consistait à mettre la main gauche à l'oreille pour dire qu'on ne comprend pas. Un autre après faisait position sa main droite près de sa bouche mettant un doigt pour exprimer la notion de répétition et en fonction des mots non compris, je montrais un ou plusieurs doigts selon leur position dans la phrase. Si le ou les mots étaient en second ou troisième, je montrais deux ou trois doigts. Décidément je m'étonnais parfois moi même. J'avais une capacité à imaginer qui dépassait l'entendement.
            Vers la fin de conversation, Xorth avait un regard vers Kara. Dans sa langue, il me parlait de télépathie puis montant sa main droite, ce qui signifiait augmenter, et de la gauche montrant Kara. Ensuite il ajouta le mot Enjay. Je comprenais rapidement son message. Il parlait des pouvoirs télépathiques de Kara. Il connaissait un moyen de les augmenter apparemment mais cette technique pouvait s'avérer dangereuse.
            J'étais très perplexe. D'un côté, avec ce moyen, on pourrait comprendre certainement beaucoup mieux Xorth. Mais de l'autre, il existait un danger et je ne pouvais pas me permettre d'exposer Kara à un danger.

Dr Nilane Bah
            Je suis là depuis un moment, à regarder Rhoan travailler, observant chacun de ses mouvements. J'essaye de comprendre. Ses gestes sont sûrs, précis, comme les miens quand j'opère. Aucune émotion ne transparaît sur son visage, même pas un signe de son intense concentration. Son visage est lisse comme un masque de cire. C'est pourtant la mort, qu'il manipule. Et pas n'importe quelle mort. La mort des centaines, et des centaines d'habitants d'Itokyo. Etait-il si calme, lorsqu'il a construit le premier prototype ? Lorsqu'il a appuyé sur le bouton ?
Comment un homme en vient-il à détruire une ville, juste pour vérifier si son invention marche. Cet homme-là, surtout. Il avait foi en quelque chose. Il voulait arrêter la guerre. Comment en est-il venu à construire une arme, une telle arme ?
            La vie sur terre n'a jamais été simple. Nous étions pauvres. Le gros des technologies était réservé à l'armée, et pour nous, les civils, il fallait se débrouiller comme on pouvait.
          Itokyo, c'était de grands buildings en ruines, des bidonvilles, qui bordaient des casernes, les seuls bâtiments à peu près solides. C'était misérable. C'était moche. Mais c'était chez moi. Il y avait des gens que je connaissais, que je côtoyais. Je n'aime mieux pas me rappeler si je les aimais.
          Je devais tout de même être seule. Quand la lumière blanche qui efface a traversé notre ville, j'ai couru seule, toute seule, pour sauver ma vie. Il y a eu cette enfant sur ma route et je l'ai prise avec moi. Mais il n'y avait personne à côté, personne derrière. J'ai fuit seule.
          Un bruit interrompt mes réflexions, l'interphone vient de se mettre à grésiller.
“ Docteur Bah ? Docteur Bah ?
          C'est la voix de Lilyah. Je m'approche.
_ Oui ?
_ Je crois que vous devriez nous rejoindre, à la biosphère.
_ J'arrive.
           Je croise le regard de Rhoan, qui a relevé les yeux vers moi.
_ Je sais ce que vous allez dire, et ça ne m'intéresse pas, Rhoan.
_ Vous l'entendrez quand même. Vous perdez votre temps. Si vous n'avez pas le cran de tuer cette créature, relâchez la. Ce n'est certainement pas nous qui pourrons lui apprendre l'humanité.
_ Pourquoi ? Ne sommes nous pas, justement, ce que l'humanité a de plus représentatif ? ”
          Je ne l'écoute pas répondre et monte dans l'ascenseur.
Quand j'arrive dans la biosphère quelque chose me frappe sur le visage de Lilyah. Une gravité très différente de celle que je lui connais. Elle se tient debout devant moi, dans l'herbe verte. Kara, riant, s'amuse à lancer une balle à la créature, qui la lui renvoie. Mais il abandonne le jeu dés qu'il me voit, et vient se poster derrière Lilyah, en me regardant.
“ Qu'y a-t-il ? Demandai-je.
_ Nous avons réussi à communiquer un peu, me dit Lilyah.
_ Et ? ”
             Mais Lilyah se tait. Je la vois échanger un regard avec Xorth, l'homme chat, puis fixer des yeux Kara, qui, encore un peu secouée par les rires, vient se pelotonner dans mes bras. Je comprends.
          “ Ma douce, lui dis-je, que dirais-tu d'aller faire un tour dans le vaisseau, de chercher des objets que nous pourrions montrer à Xorth, pour continuer à lui apprendre à parler.
_ J'y vais, fait-elle, enthousiaste. ”
           Je la regarde disparaître par l'ascenseur, et me tourne vers Lilyah.
“ Eh bien ?
_ Je me suis dit que je devais vous en parler. Xorth m'a plus ou moins fait comprendre qu'il connaissait un moyen d'augmenter les pouvoirs télépathiques de Kara. Ce serait plus pratique pour communiquer, sans doute si Kara pouvait lui transmettre des phrases complètes...
_ Un moyen ? Quel moyen ?
_ Je ne sais pas. Mais il hésite à le faire. Il semblerait que ça comporte des risques.
           Je regarde Xorth. Il a compris que son message avait fini d'être traduit. Il s'avance vers moi.
_ Docteur "maman". Moi Kara aimer.
           Et voilà. Tout est dit. Je pose les mains sur les épaules de Xorth, doucement, pour bien lui faire comprendre que chez nous, c'est un signe de paix. Et je parle d'une voix douce.
_ Enjay ? Enjay, pour Kara ? Si je te laisse faire, il y a enjay ?
           L'homme chat se remet à parler. Lilyah lui fait plusieurs signes, lui fait répéter des mots. Elle tente de reconstituer le sens derrière les phrases. Je la vois transpirer sous l'effort.
_ En gros, je crois qu'il dit qu'il n'utilise ce moyen que pour ceux de sa race. Il dit "Nimrodh", pour sa race, mais je ne sais pas ce que ça veut dire. Il a peur, en fait, parce qu'il ne sait pas quel effet ça aurait sur un dieu.
_ Un quoi ?
_ Un dieu. C'est comme ça qu'il nous appelle.
_ Lilyah, essayez de lui faire dire d'où il vient, ce qu'il attend de nous !
            La terrienne se retourne vers l'extraterrestre et prononce quelques mots, esquisse quelques signes. Xorth se remet à parler. A parler vite, longtemps.
            Lilyah se tourne vers moi, avec un geste d'impuissance.
_ C'est trop dur ! Je comprends juste les mots "pierre noire" et puis "mourir".
           Elle fixe maintenant l'ascenseur où Kara a disparu.
_ Docteur, qu'est-ce qu'on fait ?
_ Pour l'instant, continuez. Vous vous en sortez très bien. Je sais que vous êtes capable d'y arriver.
_ Je ne sais pas, docteur...
_ Bien sûr que si ! Vous y arriverez. Il est hors de question d'exposer Kara à un quelconque danger, juste pour gagner du temps.
           Lilyah hoche la tête. Mais Xorth a attrapé mon bras. Il répète une phrase, plusieurs fois, intensément, comme si sa vie en dépendait.
_ Je... Je crois qu'il dit que le temps presse.
          Mon cœur se serre. Je sais qu'il ne ment pas. Il doit vraiment y avoir quelque part une race d'homme chat en train de courir en danger, une race qui a besoin de quelqu'un qui guérisse. Qui a besoin qu'on lui envoie du secours... Mais, je ne livrerai pas Kara. Je courrais le risque moi-même, s'il le fallait. Mais je ne ferais pas courir de risque à ma fille.
_ Je suis désolée, Xorth, dis-je simplement. ”
           Je m'apprête à partir, mais sursaute. Kara est arrivée sans que nous l'entendions. Ses bras sont chargés d'objets divers et variés. Elle me regarde. Elle a tout entendu.

Kara :
          Je regarde Xorth, puis Lilyah, puis "Maman".
           Xorth veut que je devienne plus forte. Il veut augmenter mon pouvoir, mon pouvoir à moi ! "Télépathie" je crois, oui, c'est comme ça qu'ils disent... Mais alors pourquoi "Maman" veut pas ? J'ai entendu "Enjay". Enjay pour moi. Mais Xorth dit que le temps presse. Ca doit être grave, très grave...
           Je laisse tomber les choses qui sont dans mes mains et me précipite vers "Maman".
           "Maman ! Pourquoi tu veux pas ? Pourquoi, pourquoi ?
           Elle me serre contre elle, tout doucement.
_ Tu sais pourquoi, ma Kara. Je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose, tu le sais très bien.
_ Mais...
_ Il n'y a pas de "mais" Kara.
           Je regarde "Maman" dans les yeux. Mais elle comprend pas ? Xorth a peur ! Peur pour moi mais aussi pour "Eux", pour... les hommes-félins comme lui !
           C'est vraiment grave, c'est la première fois que je sens Xorth aussi inquiet  ! S’il doit sauver les "Hommes-félins", je crois qu'il a besoin de moi, de mon pouvoir ! Il faut l'aider !
_ Maman ! Il a besoin de nous ! Besoin, très besoin ! Il a peur ! Je suis la seule à l'aider ! Tu n'as pas mon... pouvoir. Lilyah, et les autres non plus ! On doit l'aider !
           Je commence à sangloter. Lilyah me regarde et tripotant ses mains. Et Xorth ! Xorth à peur ! Et il est triste, si triste...
Je veux l'aider ! Il a dit qu'il avait peur pour moi ! Il n'est pas méchant, pas méchant...
           Je serre mes poings. "Maman"... "Maman" à peur aussi. Peur à cause de "Enjay". Mais moi je veux aider Xorth ! Si j'aide pas Xorth je sens que quelque chose de très très grave va arriver.
_ Maman... je veux aider Xorth... Il y a "Enjay" mais... si on fait rien, les gens comme Xorth...
           Je m'écroule et recommence à pleurer.
_ Je veux aider Xorth ! Je dois l'aider ! Je dois, je dois !"

Dr Nilane Bah
         Elle s'est détachée de moi, et s’est écroulée. Je veux m'agenouiller, la prendre dans mes bras, mais son dernier cri me fige sur place. "Je dois, je dois ! "
          Lilyah s'est précipitée à ma place, l'a entourée de ses bras, la berce, tandis, que, secouée de sanglots, elle continue à gémir "Je dois, je dois...".
          J'ai reculé malgré moi. Je sens dans mon dos le souffle de Xorth.
Ce n'est pas ses mots. C'est le ton sur lequel elle les dit.
          "Je dois"
           Je suis épuisée, mais je continue désespérément à travailler, l'œil fatigué par le microscope électronique. Il ne faut pas que je m'endorme. Une main sur mon épaule. Le professeur Moberg.
“ Vous êtes encore là, Göran ? Vous n'êtes pas rentré ?
_ J'étais à une soirée, j'ai décidé de repasser pour prendre un dossier. Nilane, il est trois heures du matin. Qu'est-ce que vous faites encore au labo ?
_ J'avais besoin des locaux pour vérifier quelque chose. Je ne peux pas vous en parler. C'est personnel.
_ Votre fille ?
           Je me tais. Évidemment. Göran Moberg est un homme protecteur et paternel. Il se renseigne sur la vie de ses employés, sur les soucis qui pourraient entraver leur efficacité au travail.
_ Je n'utiliserais plus les locaux, dis-je. Pardonnez-moi.
_ Rentrez chez vous, Nilane. Et demain, ne venez pas, reposez-vous.
          Je ne conteste pas. Je ne veux pas d'ennui. J’ai trop besoin de garder ma place dans ce labo de recherche.
_ Nilane ? appelle-t-il au moment où je m’apprête à partir.
_ Quoi donc ?
_ Nilane, vous vous épuisez pour rien. J'ai fait examiner votre fille par les spécialistes les plus éminents. Ils ne trouvent pas le moyen d'arrêter la propagation du cancer. Ne perdez pas le précieux temps qui lui reste sur ces microscopes.
_ Taisez vous.
_ Je regrette de vous dire cela, mais il faut bien que quelqu'un vous le dise. Votre fille va mourir, Nilane.
_ Taisez-vous, je dois la sauver. Je dois ! Je dois ! ”

           Oui. Le même ton. Exactement le même.
           Ma petite fille, combien de temps te reste-t-il, si Rhoan ne parvient pas à construire son arme à temps pour te sauver ? Deviendras-tu femme ? Vivras-tu avec ce souvenir, cette race que tu pouvais sauver, et que tu n’as pas pu à cause de moi ? Vivras-tu une autre occasion de trouver à ta vie un sens aussi fort que celui-là ?
            Je tremble. Je tremble terriblement. Tout mon être résiste, et pourtant, je le sais, je dois dire oui. Un simple oui.
            Je me retourne en sentant quelque chose de chaud se poster sur mes épaules. Xorth refait le geste que j'ai fait avec lui, en signe de paix. Il ne sait pas sourire à la manière humaine, mais ses yeux cherchent à m'apaiser.
            Je regarde Lilyah.
“ Dites-lui... Essayez de lui dire qu'il peut, mais qu'il aille doucement, qu'il fasse très attention. Et je reste à côté d'elle. Et j'ai le droit de tout arrêter des que je sens que ça va trop loin. ”
            Lilyah hoche la tête.
            J'ai une main de glace dans l'estomac.

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