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Prologue...


Illustré par Kallisto et Tchoucky

 

Tan-Klaroz :
          Islotanra, univers perdu où l’esprit et les éléments déterminent tout…
           Brakerval, monde où la Terre, l’Air, le Feu, l’Eau, la Vie et les Ténèbres fusionnent. Tous les peuples pouvant être imaginés y vivent. Un monde régit par les Dieux.
           La paix y régnait. Désormais, seul le Chaos ordonne tout. Depuis que le Roi humain, Al-Rag ait décidé de défier tous les peuples pour s’approprier Brakerval dans sa totalité, la guerre règne sans espoirs de retour en arrière. Même les Dieux tous-puissants nous ont abandonnés à notre sort de mortels…
           A Victobourg, capitale de Brakerval, le peuple se meurt dans la misère et la guerre et seuls les riches subsistent normalement. Les voleurs, les chasseurs de primes et les coupeurs de gorges rôdent dans toutes les rues. Sur la Grande Place, enfermés dans des cages de fer et exhibés à la populace, gémissent des Elfes, des Orcs et autres créatures torturées puis exécutées comme «ennemis du peuple »…
           Et moi, je pourris dans les geôles du roi Al-Rag, pour accusation d’espionnage. Moi, Tan-Klaroz «Enfant maudit». La malédiction des « Deux contraires » m’a frappé à ma naissance. Le jour, lorsque les rayons du Soleil inondent la terre, je suis homme… Tandis que la nuit, quand la Lune est reine, je suis femme… Je vis, écartelé(e) entre deux identités différentes, que je voudrais refuser toutes les deux.
          Maintenant, cloîtré(e) dans cette cellule puante, envahie par les rats et les araignées, enchaîné(e) par les poignets, je regarde les minces traits de lumières sortant des murs, attendant mon sort.
          Un geôlier vient, comme à son habitude, m’observer avant de fermer les cachots pour la nuit. Il me jette un regard moqueur et me lance :
          « Alors ami espion ! Quel effet ça fait de rester quatre jours dans une cellule sans boire ni manger ?
          Sans boire ni manger ? J’ai passé mon temps à me nourrir de rats et à boire leur sang pour apaiser ma soif.
_ Je n’ai rien à dire… Je ne suis pas espion…
          Il me fixe de ses yeux noirs comme les ténèbres. Déjà, je vois les rayons du soleil disparaîtrent des fentes des murs…
          Mais qu’il se barre ce soldat ! Qu’il parte avant que je…
_ Bon, j’étais venu t’annoncer que tu seras pendu demain. Bonne nuit, ami ! C’est ta dernière, raille t-il avant de disparaître derrière un couloir.
          J’espère qu’ils me tueront avant le coucher du soleil, sinon ils auront un cadavre de femme entre les mains…
          La nuit tombe. Une aura bleutée m’enveloppe, mon corps s’affine, change et je me retrouve une nuit de plus dans ce corps féminin… Je lève la tête au plafond et me perds dans mes pensées.


 M. D. A. Lartos Hao :
          AH! AH! AH! AH!
          La garde du roi m'a engagé comme bourreau pour tuer le soi-disant espion... Moi, Matamune Diasel Ashcroft Lartos Hao, un tueur recherché ! Ca ne manque pas d'ironie. Mais c'est la preuve que j'ai bien fait d'émigrer dans cette ville. Les soldats y sont si bêtes qu'ils ne verraient pas un assassin, s’il se pointait sous leur nez. Bon, le pendre je veux bien, mais j'aurais préféré une décapitation. Tant pis...
         « Seigneur, je vous en prie. Dépêchez-vous de faire amener cet espion. Je meurs d'envie de tuer ! Murmurai-je »
          A ce moment, deux gardes approchent avec ce qui ressemble à un être humain qui a passé plusieurs jours sans rien boire et manger... C'est un homme. Il me fait presque pitié, mais bon. C’est le dernier meurtre que je vais commettre et j'y tiens.   
          Il monte sur la plate-forme, je prends la corde où un nœud est assez large pour passer une tête. Je m'apprête à la passer autour du cou de ce pauvre gars et... je l'attrape à l’épaule je cours tout droit, balançant un éclair ici et là pour éloigner les gardes.
          Moi, Matamune Diasel Ashcroft Lartos Hao, je sauve quelqu'un !
          Ca y est, j'aperçois le pont-levis. Il est en train de remonter..... Je monte alors à fond et PLAF ! Je balance un éclair pour nous projeter plus loin.
          Nous sommes désormais hors de danger, dans la forêt.
« Qui es-tu, petit? Demandai-je au garçon.
_Je suis Tan-Klaroz. J'ai été fait prisonnier parce que le roi a cru que j’étais un espion. Et toi, t'es qui?
_ Je suis Matamune Diasel Ashcroft Lartos Hao, mais tu peux m'appeler Lhao.
         Incroyable, je me lie d'amitié avec ce gars que j'étais sensé avoir tué. Est-ce que je commence à changer ? C’était le premier être que je sauve… et ce n'est pas désagréable d'ailleurs.

  

Val Harkan :

          Je me promenai tranquillement dans les rues, me dirigeant d'un pas tranquille vers la grand-place pour voir ce qui rassemblait tous ces curieux. J'avais décidé le matin même, ayant amassé une belle fortune et une réputation à toute épreuve dans ce secteur, de quitter la ville le soir même. En tout cas avant qu'un client collant vienne me proposer une affaire. Bon, étant le "meilleur de ma catégorie", je n'aurais pas refusé mais...
          Quoi qu'il en soit, je me dirigeai donc vers la grande place, que j'atteignis quelques minutes plus tard. Une grande estrade était dressée là. Un échafaud. Je détestais les exécutions. Mais, étant curieux, je m'approchai pour voir le condamné. Ce que je vis tout d'abord était le bourreau.
          Tiens, celui là je le connais, pensais-je.
          En effet, je le connaissais, du moins de réputation. Un tueur en série qui n'arrangeait pas mes affaires. Par quel jeu du hasard s'était-il retrouvé engagé comme bourreau sans même qu'on le reconnaisse ? Je m'approchai d'avantage, creusant un sillon dans la foule. Les gens s’écartaient rapidement. Evidemment, j'étais facilement reconnaissable. Le fait de porter un lourd manteau bleu nuit en plein été, ce n'est pas courant.
           Enfin, le condamné apparut. Lorsque je le vis, il me fit pitié. Il devait a peine avoir vingt ans, et se traînait presque.
         Et vive la torture.
          L'exécution commença. Le bourreau s'approcha avec la corde...et en un éclair, au propre comme au figuré, attrapa le condamné et se carapata en traînant l'autre, encore en train de se demander ce qui lui arrivait.
_ Attrapez-les! Hurla un capitaine de la garde.
         Se doutant qu'il devait y avoir des profiteurs dans l'assemblée, il s'écria dans la volée:
_ Vingt pièces d'or à ceux qui les rattrape !
          Il me fixa un instant, et je lui jetai un regard de mépris.
         C'est ça, rêve. Je suis tueur à gages, moi. Pas chasseur de prime. Surtout pour des sommes aussi médiocres.
         Je fis volte face et parti vers ma taverne habituelle.

 

Bianne :

         Si l'on m’avait dit que je finirais par suivre cet homme-là. Que je le suivrais pour cette raison là... Si on me l’avait dit, j'aurais ris. Et pourtant, c'est ce que je fais. Je me faufile après lui, dans les rues, silencieuse. Je fais mes pas légers, sur le pavé. Le plus léger possible. Ca paye, on dirait. Il ne semble pas avoir remarqué ma présence. Je le vois tourner à un coin de ruelle, celle qui mène à la taverne à laquelle il a l'habitude de boire. Pendant une seconde, j'aperçois sa main, en train de jouer machinalement avec le médaillon qu'il a au cou. Ce médaillon là.
          Je souris intérieurement, heureuse de me sentir égale à moi même.
          Il y a quelques années, la vue de ce médaillon m’aurait mise hors de moi. Mais pourquoi serais-je en colère, puisqu'il ne peut plus t'atteindre, puisque tu es sauvé, désormais, mon bien aimé.
         Je tourne au coin de rue, quelques secondes après lui. La ruelle est vide. Je n'ai que le temps de me retourner pour éviter l'attaque. Je repousse le bras qui tente de me saisir, esquive le coup et me dégage. Nous sommes maintenant face à face, à nous toiser.
          « Vous m'avez entendue, murmurai-je. Vous m'avez entendu vous suivre, j'en suis sûre. Et cette fois je sais que je n'ai fait aucun bruit. Aucun bruit qui puisse être entendu par quelqu'un de normal.
_ Sait-on jamais ? Me répond Val Harkan, avec un sourire qui n'a rien de chaleureux. Il faut bien que vous ayez fait une erreur. Vous n'êtes pas parvenue à me prendre par surprise. Une fois encore.
         Ses grands yeux verts me transpercent froidement, avec un mélange de méfiance et d'inimitié.
_ Que me voulez-vous, dit-il. Là, je n'ai tué aucune de vos proies, et vous vous n'avez capturé aucune des miennes.
_ Je ne viens pas me battre, Harkan. Pas ce soir.
_ Vraiment, me répond-il d'un air incrédule.
_ Non, c'est un marché que je veux vous proposer.
          Il éclate d'un rire mauvais.
_ Un marché avec vous, ma chère ? Sans vouloir vous offenser, je préfèrerai un serpent dans ma botte.
_ Moi de même, très cher Harkan, croyez-le bien. Mais cette fois, le coup est bien trop gros. J'ai besoin d'un partenaire.
_ Il y en a plein les tavernes, ramassez-en où vous voulez.
_ Non, c'est de vous que j'ai besoin.
          Il secoue la tête.
_ Navré, ma jolie, mais pourquoi vous aiderai-je ?
          A nouveau, sa main joue avec son médaillon. Je ne sais pas s'il le fait machinalement ou pour me provoquer, mais ça ne m'atteint plus.
_ Par amour de l'art, Harkan.
          L'amour de l'art... Au fond, c'est bien ce qu'il l'intéresse le plus, ce colosse de cynisme. Se fixer des défis. Et celui que je lui fixe est énorme.
_ Le jeune homme qui s'est évadé...
          Il ne l'avait sûrement pas prévu. Personne ne l'avait prévu. Et Matamune Diasel Ashcroft Lartos Hao, qui est l'instigateur de cette évasion, n'a sûrement rien compris. Ni comment il a pu se retrouver engagé comme bourreau alors que son visage est placardé dans tous les postes de gardes de Brakerval. Ni quelle a pu être cette pulsion irrésistible qui l'a poussé à s'enfuir avec le jeune homme qu'il devait exécuter. Ni qu'il a pénétré dans une sphère où les hasards ne sont plus des hasards, mais les étapes d'un plan bien précis
_ Le jeune homme qui s'est évadé. C'est ma proie.
_ Ah... Et alors ?
_ Pas seulement ma proie, Harkan. Il a été condamné pour espionnage. Sans la moindre preuve.
_ Ca arrive souvent en temps de guerre.
_ Ce qui arrive moins souvent, c'est que le roi se déplace lui-même et en personne pour s'assurer que l'exécution aura bel et bien lieu.
_ Le roi, répète-t-il. S'il avait été là, ça se serait vu.
_ Il était là. Vous êtes passé devant lui. Vous lui avez même acheté une orange.
_ Le roi, ce vieux marchand ?
Il hésite un instant à me croire. La coutume veut que le roi ne se montre en public que caché derrière un masque. Il lui est donc possible de circuler dans les rues sous un déguisement sans que personne ne le remarque. Seul les nobles ont le privilège de connaître son vrai visage. Les nobles et moi.
_ Comment pouvez vous le savoir ?
_ Je le sais, voilà tout. Pourquoi inventerais-je un mensonge pareil ?
          Il me regarde, sans trop savoir comment prendre mes paroles.
_ Mais qui êtes-vous donc, à la fin ? Finit-il par lâcher.
_ Quelqu'un qui a eu le privilège de voir des choses que le commun du peuple n'a pas le droit de voir.
          Il ne cherche pas à m'en faire dire plus, il sait que c'est inutile.
          Il se tait un instant et réfléchit.
_ Qui est votre client ?
_ Vous n'espérez tout de même pas que je vous le dise !
_ Bon, il allait se faire exécuter, et vous...
_ Vivant. Je dois le ramener vivant.
           Il se tait à nouveau.
_ Navré. Mais je continue à ne pas trouver mon intérêt dans cette histoire. Je vous le redemande, pourquoi vous aiderais-je ?
          Il réagit comme je l'avais prévu. Je joue donc ma dernière carte.
_ Mon cher Harkan, on ne se paye pas le luxe de refuser, quand on est face à quelqu'un... qui sait.
          Son visage ne bouge pas. Mais moi, qui le connais, je sais que le coup a porté.
_ Que savez-vous ?
_ Des choses que vous n'aimeriez pas que je répète.
_ Vous bluffez, Bianne.
_ Peut-être. Peut-être pas. Vous êtes pret à prendre ce risque ?
          Je souris. Intérieurement, je m'affole. Je n'ai rien découvert. Je n'ai que des soupçons, pas la moindre preuve pas la moindre certitude. Mais il faut qu'il me croie. Il le faut.
_ Vous avez gagné, me dit-il enfin. Chasseuse de prime, je vous suis. »

 

Thurim Vessiel :

           Victobourg... Pourquoi une ville aussi importante devait-elle se trouver aussi loin d'Académie, pourtant un lieu de toute aussi grande importance? J'avais dû faire mes ballots trois jours à l'avance de ce qui était prévu, car cet imbécile de Trébonius, aussi clairvoyant qu'il puisse être, avait négligé de m'informer de la distance qui me séparait du but de mon voyage.

          C'était bien la mission sur laquelle j'étais le moins renseigné depuis au moins cinquante années. J'avais séjourné pendant quelques jours dans cette auberge plus miteuse qu'un Alit sauvage, pour trouver une personne... Cette personne s'appelait Tan-Klaroz. En entendant ce nom la première fois, je me suis dit que les parents de ce pauvre garçon avaient un étrange sens de l'humour... Je me demandai encore, en sortant de l'auberge au petit matin, mon fidèle bâton à la main et Cetil soigneusement accrochée à ma ceinture sous ma robe, pourquoi l'archimage s'était bien gardé de me donner si peu d'informations. Je ne savais point ce que je devais faire une fois ce garçon retrouvé. Ce que je devais faire ou lui dire... Ce fut tout juste si j'eus une description de son apparence physique. Par contre, je sais qu'il avait été condamné à mort. J'avais entendu quelques jours plus tôt qu'une exécution allait avoir lieu sur la place publique.           En effet, ce jour là, la Grand Place du Général Elkis était noire de monde ; plus noire que les jours de grand marché, le plus populaire en cette région. Une estrade avait été dressée en plein milieu, permettant aux badauds de ne rater aucune miette du triste spectacle qui allait se dérouler. Comment des hommes pouvaient être ainsi curieux ou même amusé de voir l'agonie d'un homme que l'on pend...
          Je vis d'abord monter sur ce plateau de la mort un elfe, plutôt mince, tenant une corde. Il avait l'air assez excité. Le bourreau en manque de sang et de corps inertes, de toute évidence. Puis, ce fut le tour d'un jeune homme, tenu par deux gardes, de monter sur l'estrade. Sa description correspondait à peu près à celle que m'en avait faite l'archimage. C'est alors que la foule s'écarta. Je me retournai, et vis un homme vêtu d'un manteau bleu sombre - peut être un rôdeur... traversant au milieu de la foule qui se bousculait presque pour le laisser passer. J'exécrais ce genre d'individus qui pensaient que les astres tournaient autour d'eux, mais je n’avais pas le temps pour de tels enfantillages. Je me tournai vers un homme, hurlant diverses insanités comme tous les autres.
« Dites moi mon brave, qu'est-ce qu'un aussi jeune homme a pu faire pour être condamné ?
_ C'est espion seigneur ! Un vil espion qui a trahi son roi ! Il mérite déjà assez bien la mort pour ça, vous ne pensez pas ?!
_ Mmm... Certes ! »
         Je m'éloignais un peu de l'haleine putride que m'avait fait reniflé ce déchet vivant.
         C'était bien lui, je n'avais pas besoin de plus de preuves ! Mais alors que je m'apprêtais à lancer quelque sortilège pour disperser la marée humaine, celui que je crus le bourreau depuis le début me devança. A l'aide de quelques simples éclairs, il réussit à animer une panique sur la place, suffisante pour lui permettre de s'enfuir... avec le jeune condamné. Je n'eus pas le temps de réagir, surpris moi aussi, qu'il se fût déjà bien éloigné en direction de la forêt tout proche. Etaient-ils courageux, ignorants, incrédules ou inconscients... car cette forêt était bel et bien maudite, je l'avais entendu maintes et maintes fois depuis mon arrivée. Je n'y croyais pas moi même. Il devait y avoir une raison à cela, tout autre qu'une vulgaire légende. Je me précipitai vers mon auberge, à l'écurie. Mon cheval était déjà sellé, et je galopai au travers des rues de la ville, me dirigeant vers cet endroit ; il ne fallait plus que je les lâches, maintenant qu'ils étaient sortis d'un danger pour aller droit dans un autre... peut-être plus terrible.



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