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Chapitre huit : Innacceptés
illustrations par Kallisto




Tan-Klaroz : 


             Des heures... Cela fait des heures que je scrute les moindres mouvements près de mon "abri". Comme je ne vois presque personne, je décide de me mouvoir sur les toits et explorer cette cité de nuit. Il n'y a pas âme qui vive. Je rampe alors vers une terrasse où plusieurs Elfes discutent, profitants de l'air frais de la nuit. Je n'arrive pas à leur trouver un âge mais je dirais que se sont des adultes. Ils parlent des nouvelles de la cité. J'écoute de quoi il peut bien s'agir. Une des Elfes se rapproche des autres et murmure :
« Au fait ! Il paraîtrait que l'Elu de la prophétie est ici...
_ L'Elu ! Tonne un Elfe. Il ne faut pas exagérer ! J'étais là quant il a passé le portail de la Vérité ! Les pierres ont pris la couleur rouge ! La couleur du sang ! Il a tué non pas par besoin mais par pulsion ! C'est un monstre !
            Une Elfe pousse un cri de surprise et une autre prend un air méfiant :
_ Il va falloir être vigilant ! Seuls les Dieux savent de quoi il est capable ! »
J'en ai trop entendu ! Je m'enfuis en courant vers la fenêtre de ma chambre.
            Il fait encore nuit mais le soleil ne va pas tarder. J'escalade le mur et me glisse dans la chambre. Tout est silencieux. Sabrane dort toujours. Je me dirige vers la cloison de bois, attendant le matin.
            Enfin, les premiers rayons du soleil inondent la chambre et je sors de ma cachette. Sabrane ouvre les yeux sous l'effet de la luminosité et me regarde étonné.
« Tan-Klaroz ! Te voilà ! Je me suis réveillé en plein milieu de la nuit et tu n'étais pas là ! Je me suis demandé ce que tu faisais et...
_ Je n'arrivais pas à m'endormir alors j'ai pris l'air, je réponds sèchement.
_ Ah d'accord ! La prochaine fois j'aimerais bien venir avec toi ! »
            Eh là ! Il ne faut pas rêver Sabrane ! Je ne suis pas dingue !


Sabrane Hyle :

             Mmmh, qu’est ce que j’ai bien dormi, dis-je quand je sortis ma tête des couvertures. Je pensais encore un peu à ma balade sur les magnifiques toits de cette citée, car j’adorais me balader la nuit, sauf que j’étais cette fois tombé des dits toits, pour atterrir dans une chariote de tissus velours qui était en stationnement.
           Je me demandais encore quelle serait la tête de l’elfe en voyant sa cargaison de velours un peu écrasée, quand je commençais à parler avec Tan-Klaroz.
          Quand je lui demandai si je pouvais l’accompagner avec lui la prochaine fois, il fit une tête que je connaissais comme celle que faisaient mes camarades de classe quand ils pensaient « de nous deux, c’est vraiment toi le plus fou ».
« Tan, commençais-je avec un grand sourire, pour le moment ce n’est que moi qui ai parlé depuis notre voyage sur le dragon-elfe, et si tu me parlais un peu de toi.
           Il semblait sentir quelque chose de très mauvais quand il fronçait le nez de la sorte.
_ Ce n’est pas parce que j’écoute que j’aime particulièrement parler, fit-il avec une certaine mauvaise humeur.
_ Bien, bien, dit-je précipitamment pour ne pas gâcher le semblant d’amitié que nous avions.
           J’entendis comme une cloche sonner dans le bâtiment.
_ Ah, dis-je en sautant du lit, le petit-déj, je meurs de faim. »


Lhao : 

          Mmmmmmmmmmmh, quel lit confortable. Pourquoi est-ce que les rayons du soleil arrivent si tôt ? J'émerge lentement de mon sommeil de plomb, me dresse et regarde avec des yeux qui ont du mal à s'ouvrir. Je me tourne vers le lit de Skronk. Eh bien, si le barbare n'a pas démolis la chambre, on aura de la chance !
.... Tiens je n'entends pas le bruit de grognement d'ours que fait son ronflement. SON LIT EST VIDE!!!!!!
          Je bondis, prends ma cape, la met par dessus mon torse nu, prends mon katana et mon arc, sort en trombe de la chambre. Si cette grosse brute reste seule, elle va faire des dégâts. Je fouille partout ouvrant toutes les portes sur mon chemin.
« SKRONK! REPONDS !
           Je cours en tous sens.
           AAAAAAAAAAAAAAAAAH!
          Je le vois, dans la rue, il rôde autour d'une taverne, sa hache en main.
_ Non ! S’il devient saoul il sera encore plus incontrôlable !!!
          D'un geste violent, il casse la porte et rentre dans le "saouloir". Il sera ivre avant que je n'arrive dehors, si je prends le chemin normal. Bien sûr ! J'ouvre la fenêtre et monte sur le bord.
_ Eh bien mon gars, me dis-je, tu as le choix, tu réussi ton coup et tu rattrape Skronk ou alors tu t'écrase par terre. YAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH.
           Je tends mon bras et balance un éclair ... 
           SPLORTCH!!!
           ...
           J'ai mal, partout, je suis réveillé par des cris, de colère et de peur.
           Skronk est là, enragé, il est saoul, et je n'ai pas pu l'arrêter...


Len Arken : 

          Après une nuit de marche entrecoupée d'une heure de repos toute les deux heures, j'arrivai à Victorbourg, la capitale du Royaume, ou le meilleur endroit pour trouver des infos. Histoire d'éviter les ennuis que j'avais eu hier à Laryn Timero, je me dirigeai dans un magasin de magie pour acheter une petite quantité de PSI.
          Un PSI est un Parchemin de Sort Instantané: Il permet de jeter un sort précis même sans être magicien. De petite taille, faciles à transporter, ces trucs là allaient sûrement me servir.
Je me dirigeai à la taverne. Entre les clients qui buvaient, j'entendis beaucoup de discussions pour le moins excitées. Je parlai au tavernier:
          « Bonjour, je viens d'arriver, c'est quoi les dernières rumeurs en vogue dans le coin?
_ On parle surtout de l'exécution.
_ Ah ben ça, fallait le voir, mon bon m'sieur, fit un client. Les gardes, y z-allaient exécuter un p'tit gars, je sais plus qui, et après, c'allait être le tour d'un tueur en série. Mais ce tueur là, y s'est enfui avec le p'tit gars. J'vous raconte pas comment y z-étaient, les gardes. Furibards d'chez furibards, mon bon m'sieur. Y se sont enfuis dans la forêt maudite.
_ Ah bon? Vous connaissez leurs noms?
_ Oui, fit le tavernier. Le tueur, c'était un Matamune je sais plus quoi, et l'homme qu'on allait exécuter, c'était Tan-Lorkaz ou quelque chose du genre.
_ Ce ne serait pas Tan-Klaroz?
_ Oui, vous connaissez?
_ De nom seulement.
_ Ah ben j'vous jure, reprit le client, c'était quek’chose, l'espèce d'immense tempête qu'il avait lancé, le tueur...
_ C’n’était pas une tempête, fit un autre client. C'était deux trois simples éclairs.
_ Dis tout de suite que j'suis complètement cinglé!
_ T'as trop bu, c'est tout.
_ Et toi, t'as-t'y vu ta tête? »
           Je laissai les types à leur bagarre et dit au tavernier:
« Ils les ont retrouvés?
_ Non. Evidemment, leur tête a été mise à prix. Pour le tueur, c'est évident qu'ils ont dit qu'il fallait le ramener mort ou vif. Mais vous savez le plus étrange ? Maintenant, ils veulent Tan-Klaroz vivant à tout prix. Plus mort. Ordre du Roi, on n’en sait pas plus.
_ Du Roi en personne?
_ Oui. »
           Ayant noté des informations, je pris le PSI du mur de silence et l'activai. Immédiatement, un mur invisible se dressa autour de moi et du tavernier qui ne remarqua rien. Sachant que la dernière fois que j'avais évoqué Biran Sted, c'était mal parti, je décidai de prendre mes précautions.
« Que savez-vous au sujet de Biran Sted?
_ Le conseiller personnel du Roi?
_ Oui.
_ Pas grand chose, pourquoi ? C'est un politicien comme les autres, on le soupçonne de tremper dans différentes magouilles mais pas plus.
_ Autre chose, connaissez-vous quelque chose qui s'appelle l'Aestes?
_ Jamais entendu parler, ce doit être un mot d'une de ces langues auxquelles je ne comprends rien. Vous devriez aller à la bibliothèque, vous trouverez peut être ce que vous cherchez. »
             Je désactivai le mur du silence, achetai a boire, remerciai le tavernier et partis.
             D'après ce que j'en savais, tout ça semblait remonter jusqu'au Roi lui-même. Décidément, ça commençait à se compliquer. Je me demandai si je n'allais pas retourner jouer de la flûte dans mon bois quand je me rappelai que j'étais censé être le huitième compagnon. Je décidai de suivre le conseil du tavernier et de me rendre à la bibliothèque.


Thurim Vessiel :

               Après avoir longtemps médité sur ce que m'avait dis et fait voir Bianne, et rassemblé par ordre dans mon esprit toutes les nouvelles questions encore sans réponses qui m'étaient alors venues, je pus goûter avec une certaine délectation à la sérénité qu'éprouvent les non noctambules en m'abandonnant dans les bras reposants de Vijius, déesse des rêves.
              Je fus réveillé au petit matin par les premiers et intenses rayons du jour... puis je me levais en en sursaut, alerté par un bruit des plus sourds, comme un mur qui s'écroule. Habillé de ma longue toge de mythril blanche, je me précipitai vers ma fenêtre restée ouverte.
             J'aperçus, à quelques mètres en contre bas, une petite taverne, ressemblant plutôt à un salon de thé comme on pouvait s'y attendre chez les hauts elfes. La porte d'entrée était brisée en mille morceaux, et j'entendis en sourdine une grosse voix résonner de l'intérieur.
            « Skronk a encore soooooooooooif !! »
               Il ne fallut pas être extralucide ni clairvoyant tel mon supérieur hiérarchique, pour savoir qu'il s'agissait du barbare. Et cette fois, il semblerait qu'il mette une fois de plus les nerfs de son entourage à rude épreuve, ayant cette fois abusé du Nectar d'Aconit ou d'une autre quelconque boisson locale. Je m'en retournai vers mon lit, saisissant mon fidèle bâton.
              « Amonk Rhil !! »
              Je fus tout de suite entouré d'un halo bleuté pendant un instant, mais je disparus... pour me matérialiser devant ladite taverne. J'aperçus non loin à ma droite, le Nécromant qui paraissait avoir bien du mal à tenir debout. Je n'avais pas de temps pour me préoccuper de ce fossoyeur héraldique, il fallait que j'arrête cette brute sans cervelle avant qu'il ne fasse plus de dégâts_ car je remarquais aussi, tel que je l'avais ouïs de ma chambre_ un pan de mur s'était littéralement effondré, comme si un troupeau d'oliphants était passé au travers.
« Nin Mjolinir ! »
                 Je levai mon bâton bien haut, un série l'éclairs partant de la petite pierre située au sommet descendirent le long du manche en continue, et vinrent se lover tout autour de mon corps, me conférant une nouvelle allure mystique, divine, de quoi tromper un esprit obtus comme celui du barbare. J'entrai alors dans la taverne vide, sous le regard médusé des passants. Je vis Skronk, tout seul, assis sur une chaise à moitié cassée, chantant à tut tête. Mais lorsque son regard flou se posa sur moi, il sauta de sa chaise et s'agenouilla devant moi ; il semblait que ma supercherie fonctionnait.
  "Ô grand Carbunkle, Skronk ne s'attendait pas à te voir ici. Pitié ! Ne frappe pas Skronk avec ta foudre divine, pardonne à Skronk les bêtises qu'il a pu faire !!"
                  Sans dire un seul mot, je levais ma main gauche. Un éclair en jaillit et s'abattit au pied de l'imbécile qui hurla de peur... Avant de réaliser qu'il était indemne. D'un geste impératif, je pointai mon index vers la sortie.
 _ Merci, merci, merci d'épargner Skronk !! »
                  Il se releva et marcha, en titubant quelque peu, vers la sortie de l'établissement. Les chaînes de foudre cessèrent de me tourner autour du corps et disparurent lentement. Seul un nouveau-né aurait pu croire à une supercherie aussi grossière... dire que les Dieux du Destin tout puissants avaient choisi un tel être pour être l'un de ceux qui seraient le salut d'Islotanra tout entier...
                  Je sorti à mon tour, Skronk n'était plus en vue, j'espérais qu'il sache encore retrouver et ouvrir la porte de l'auberge sans que je fus obligé de le suivre pour l'aider. L'elfe noir quand à lui avait un peu récupéré de son mal mystérieux, il se dirigea vers moi.
« Bravo sorcier ! Vous avez réalisé un exploit ! Mais maintenant, je vais vous laisser entre les mains des propriétaires de la taverne... il semblerait que quelqu’un doive payer les dommages causés par notre ami ! »
                    Il rentra vers l'auberge à son tour, en boitant, je vis un elfe aux cheveux longs et argentés s'avancer vers moi, il était affublé d'un tablier blanc...


Farkas Tedzek :

              J'avais passé la dernière soirée à discuter avec ma sœur. Cela faisait plusieurs années que je ne l'avais pas vu. Et c'est avec une grande peine qu'elle m'apprit la mort de nos parents, Beren Tur-anion et Nienna Tur-anion. Cette nouvelle avait épuisé le peu d'énergie qui me restait. Elle le remarqua et me proposa de dormir chez elle, offre que j'acceptai avec de nombreux remerciements. Elle m'amena à la chambre d'amis, me souhaitant une bonne nuit dans les bras d'Almenoria. Je l'entendis ressortir de la maison. Sans doute, après ces émotions avait-elle besoin de se promener. Et après avoir longuement pleuré mes chers parents, je m'endormis.
               Le lendemain, je fus un peu désorienté, ne reconnaissant rien. Puis les évènements - nombreux il faut l'avouer - me revinrent en mémoire. Malgré la douleur qui me transperçait le cœur, je devais m'acquitter d'une tâche. Et pour cela, je devais retrouver Tan-Klaroz. Ce fut vite fait : l'ambassadrice avait, comme l'indiquait notre loi, préparé des chambres pour les hôtes non elfes dans l'aile ouest du bâtiment administratif. Alors que j'arrivais à proximité des chambres, je vis justement Tan-Klaroz sortir de la sienne. Je l'interceptai dans le couloir :
« J'espère que vous avez passé une bonne nuit ! Commençai-je.
_ Excellente ! Me répondit-il, surpris de me voir si matinal.
              Il n'avait pas changé de vêtements, ce qui me permit d'entre apercevoir une nouvelle fois l'objet de ma visite. Je me décidai à lui en parler:
_ Joli pendentif ! Il me semble d'origine elfique, remarquai-je. Puis-je l'examiner ?
           Gêné, il voulu le cacher. Mais il se rendit compte alors que sa tunique était toujours déchirée.
_ Allons, il ne faut pas le cacher ! Après tout, je suis en droit de le voir non ?
           Son visage devint livide.
_ Je... Je... bafouilla-t-il.
           Ce petit jeu avait assez duré;
_ Vous avez volé cette amulette sacrée à mon village, annonçai-je froidement. Remettez-la moi maintenant et je veillerais à ce que cet "incident" reste entre nous.
            Il poussa un soupir et enleva l'amulette. Il y jeta un coup d’œil en me la tendant.
_ De toute façon, elle n'a jamais fonctionné ! dit-il.
_ Cela ne m'étonne pas, répondis-je. Seul un elfe peut l'utiliser !
           Je la mis autour du cou et la regarda: Un disque de Mythril ornée d'argent et incrusté d'une pierre aussi rouge qu'un rubis. Je me concentrai quelques instant et la pierre se mit à briller. Aussitôt une aura bleutée se forma autour de moi.
_ Vous voyez ?
            Tan-Klaroz écarquillait les yeux... tout comme Sabrane qui était là depuis un moment apparemment.
_ Sabrane ? Depuis quand êtes-vous là ? Demandais-je. Qu'avez-vous entendu ? »


Sabrane Hyle :

             Je regardais fixement messire Farkas, sentant mes yeux sortir un peu. Comme j’avais entendu une question, je remis chaque œil à sa place aux fonds de mes orbites, puis me résolus à répondre intelligemment à la dite question, comme un bon collégien que je suis.
« J’ai entendu que l’amulette que vous tenez en main, m’sieur, se trouvait dans votre village, puis, c’est retrouvé par la loi de ‘‘pillage vol et action semblable’’ que l’on connaît bien, en possession de monsieur Tan ici présent. Voilà ce que je sais, m’sieur."
             Tous les deux transpiraient à grosse gouttes. J’eus peur d’avoir mal répondu, peut-être aurais-je du décrire l’amulette.
_ Mais je peux vous posez une question ? Fis-je innocemment.
_ Oui, répondis messire Tedzek qui semblait terrifié.
_ Que fait cette amulette au juste ?
_ Et bien elle… l’elfe semblait hésiter. Elle permet à celui qui le porte d’être protégé.
_ Ah, alors c’est une amu-protect de la dynastie Ping des elfes c’est ça ?
_ Euh, oui, dit-il, mais comment sais-tu cela ?
_ Et ben, fis je avec un grand sourire, la semaine dernière, j’ai du recopier cinquante fois une page du livre elfique les grandes époques du petit âge, car je n’avais pas réussi à faire voler délicatement une table, sans qu’elle ne s’encastre dans le mur…… du bâtiment d’à côté. Et le sujet de la page était sur cette amulette.
                 Il semblait avoir envie de garder son visage plein de terreur, et de rire en même temps.
                Je commençais tranquillement à aller prendre mon petit-déjeuner, quand Tan me prit l’épaule pour que je me retrouve face à lui.
- Tu… tu ne semble pas choqué par le fait que j’ai volé quelque chose ? Hasarda-t-il, de peur a mon avis que j’ai fait semblant de ne pas y penser.
             Je fis le grand sourire plein de compréhension que je prends souvent devant une révélation.
_ Bah tu sais, fis-je, pourquoi devrais-je te punir pour avoir fait une des choses qui se fait depuis l'aube du temps. Par exemple, il existe un oiseau dans notre monde qui attend qu’un autre oiseau ait fait un nid, pour le prendre et s’y installer, juste après avoir criblé de coup de griffe le visage du constructeur. Je suis d’ailleurs soulagé de voir que tu n’as tué personne pour prendre cet objet, qui d’ailleurs sert à se protéger, à montrer que l’utilisateur est un être plein de bon sens, et qui pense à sa survie. Et puis je pense que les gens ont trop d’objets pour faire leurs bonheurs, alors que très peu, c’est déjà suffisant. En prenant cette amulette, tu as équilibré la balance du ‘‘bonheur par le matériel’’. D’ailleurs, moi même, pour ce voyage, j’ai volé quelques trucs à mon père. Il avait un drôle d’objet que je ne connaissais pas. La nuit d’après, je l’avais mis sous mon oreiller. Le lendemain je me suis retrouvé avec un bec d’oiseau, des dents de Troll, un œil de cyclope et des oreilles de cheval. Heureusement, ça n’avait duré qu’une journée.
Ils semblaient tous les deux abasourdi par mon long discours, puis je me retournais face aux escaliers.
_ Bon, excusez-moi, mais j’ai une folle envie de manger des œufs, ce matin.


Skronk :

           Skronk avait beaucoup de chance d’avoir échappé à Carbunkle. Quand il reviendra à son village personne ne le croira quand il le racontera, car dans son clan les seuls qui avaient ce privilège étaient ceux qui tombaient au combat. Ce village n’est pas normal. La petite voix nasillarde qui l’accompagne depuis toujours se met à siffler dans ça tête :
« Skronk tu dois partir. La vielle dame t’a dit d’aller voir le roi. As-tu oublié le message ? Ne perds pas ton temps ici. Récupère l’or et file, et pendant que tu y es, récupère la tête du nécromancien car il se moque de toi.
_ Anusik, espèce de lutin perfide tais-toi ! La dernière fois que Skronk t’a écouté, tu n’as attiré que des ennuis à Skonk !! »
             Hurlant sur la place, complètement enivré et chancelant, il ne remarque pas Thurim Vessiel sortant de la taverne, un regard noir braqué sur lui. Quand Skronk le remarqua il lui fit un grand sourire, et toujours en pestant contre le lutin, ne sachant pas où aller, Skronk se contente de suivre le sorcier.


Tan-Klaroz :

             Sabrane s’éloigne et descend les escaliers, suivi de Farkas Tedzek tenant le talisman dans sa main. Je ne sais plus trop ce que je fais ici ni ce que je dois faire. J’ai volé ce talisman dans le seul but de me protéger, il n’a jamais marché et je l’ai rendu.
              Je suis d’ailleurs soulagé de voir que tu n’as tué personne pour prendre cet objet, qui d’ailleurs sert à se protéger, à montrer que l’utilisateur est un être plein de bon sens, et qui pense à sa survie.
             Non, je n'ai pas tué pour avoir ce talisman. Mais je ne suis pas un être plein de bon sens. Et je ne pense vraiment qu'à ma survie...
             Sabrane, quelle tête ferais-tu si jamais tu savais combien de personnes j'ai tué et comment...
             Je retourne dans ma chambre et saisis ma faux, posée sur mon lit. Je regarde l'éclat qu'elle projette en pensant à tout ce qui s'est passé avec elle. Je l'ai eu à ma naissance, jamais elle ne m'a quittée... Je l'attache dans mon dos puis descends les escaliers pour rejoindre les autres.


Thurim Vessiel :

            J'indiquais à Skronk du doigt, le chemin du palais que, même s'il était très proche, il aurait été capable de perdre. Après m'être longuement entretenu avec le propriétaire de la taverne, je m'apprêtais à me diriger moi aussi vers l'auberge afin de prendre une collation matinale bien méritée. Mais je senti non loin de moi une présence familière qui m'empêcha de procéder ainsi. Je tournai alors mon regard vers une petite alcôve que formait la jointure de deux habitations. J'aperçus ladite personne dont je venais de sentir l'aura dans ce petit coin sombre ; nos ennemis ayant beaucoup d'informateurs avisés, peut être même dans cette cité, il valait mieux rester prudent. Je choisi un moment où la rue fut déserte, un instant pour aller à la rencontre de mon mystérieux interlocuteur, un elfe, mais pas un elfe de cette ville.
            Il portait un bâton de mage avec, tout comme moi, une boule de verre fixée au bout portant les symboles de l'Académie. Il portait une longue et large robe bleu azur sans capuche, laissant voir son visage paraissant aussi jeune que le mien, mais il avait le crâne rasé de près.
« Bonjour, Enir _ équivalant de "seigneur" en terme de présentation _ Vessiel, il semblerait que vous ayez passé une bonne nuit, même après ce que vous nous avez...
_ Il suffit, Yanoc ! L’interrompis-je. Si le clairvoyant Archimage vous a envoyé à ma rencontre dans un tel lieu, que je croyais pourtant hors de portée de l'Académie, ça n'est certainement pas pour palabrer inutilement ! Venez-en à ce qui me vaut votre visite !
_ Comme il vous siéra, cher Thurim. Me répondit-il sur un ton légèrement agacé. Le Clairvoyant Trébonius a reçu votre dernier rapport de mission, qui fut vraiment fort intéressant. Mais il pense que nous devrions modifier quelque peu vos ordres de mission !
_ Mes ordres de mission ? Jusqu'à preuve du contraire, cher messager ignorant, je n'ai reçu que pour seul ordre avant mon départ, de retrouver ce jeune homme que l'on nomme Tan-Klaroz. Je n'ai même, en fait, point reçu "d'ordre" tel que l'on peut en appeler ainsi.
_ Et bien, certaines choses doivent changer, ô grand sorcier !
              Il sortit de sous sa robe un parchemin fin de grande qualité comme l'Ordre des Arcanes en avait le secret, il me le tendit.
_ Voici donc vos "ordres réels" de mission, Thurim Vessiel !
             Je pris des mains ce fin papier, je le déroulai et le lus attentivement, après avoir jeté un dernier regard autour de moi afin de m'assurer que des regards indiscrets ne nous surveillaient point. Lorsque je finis la lecture du document, j'eus une soudaine envie de la jeter à la figure du messager, accompagné d’une chaîne d'éclair.
_ L'Archimage se fiche-t-il donc de moi ?! Je ne suis pas un vulgaire mercenaire que l'on envoie effectuer les basses besognes !!
             Il était rare que je perde mon calme, mais le contenu de cette missive m'aurait fait bondir si j'eus été assis.
_ Surveillez vos propos, Enir ! Sachez qu'un ordre du vénéré Archimage, est une priorité pour la richesse occulte et culturelle de l'Académie. Notre Ordre se charge de projets aussi diverses qu'éducation, enseignement...
_ Je sais tout cela ! Mais il y a d'autre moyen de procédé, cela ne ressemble pas aux méthodes de notre brillante enseigne !
_ Alors pensez à votre rang, enir Vessiel ! Ignorer un ordre venant d'en haut ou refuser d'y obéir est passible de rétrogradation, voir pire...
           Il m'attaquait à un point sensible, je ne pus faire autrement devant lui que de me résigner.
_ Que le vénérable Archimage me laisse le temps qu'il faudra pour accomplir cette nouvelle mission !
_ Heureux de vous entendre parler ainsi, Enir ! Continuez aussi à nous envoyer vos rapports via connexion mentale collective. Je tâcherais de convaincre le vénérable Trébonius de vous laisser tout le temps nécessaire à l'exécution de votre mission ! Que la bénédiction des Dieux vous accompagne. »
            Il leva son bâton et s'entoura d'un halo bleu avant de se dématérialiser et disparaître. Je sortis de l'alcôve avec le parchemin en main, je le rangeai rapidement sous ma robe et me dirigeai vers l'auberge pour enfin calmer cette petite faim qui me tenaillait l'estomac. Je n’aimais pas cet ordre, mais il faudrait tôt ou tard m'y plier.


Bianne :

           Il règne dans l'air cette douce fraîcheur parfumée des matins printaniers, ou tout semble à nouveau possible. Je me sens légère comme je ne l'ai pas été depuis des années. C'est stupide, mais à présent qu'il y a quelqu'un qui sait, j'ai le sentiment d'être libérée, rendue à moi-même. Je reste accoudée à la fenêtre, le visage dans la lumière, les yeux clos, à goûter à cet instant. Merci, Thurim Vessiel d'être venu me trouver. La sensation d'étouffement qui m'oppressait depuis que nous sommes entrés dans cette ville s'est atténuée. Il n'en reste qu'un léger malaise sans importance.
            Je soupire et m'éloigne de la fenêtre. Il est temps que j'aille rejoindre les autres dans la salle commune.
            Lorsque j'arrive, ils sont presque tous attablés. Sabrane mange avec appétit. Je sens un malaise en Tan-Klaroz, qui le regarde avec un mélange d'appréhension et... d'angoisse ? De douleur ? Impossible à savoir. Il n'en sais sans doute rien lui même. Face à eux, Farkas les observe, en chien de faillance. En passant près de lui, je sens son cœur lourd, tout un tas de sentiment mêlés. Deuil. Colère. Soulagement, comme quand une longue quête est terminée. A côté, le Nécromancien mange, amusé pour une raison qu'il est seul à connaître.
            Je me heurte à Harkan, qui arrive de la rue. Son contact me glace. Que d'amertume en lui, ce matin ! J'en suis prise d'un frisson, malgré moi.
            Le Barbare est débordant de soulagement et de plénitude. Il est content d'avoir à manger. Enfin un être en accord avec mon humeur. Je m'approche de lui, dépose un baiser sur sa joue, et m'installe à côté de Sabrane en lui demandant joyeusement s'il a bien dormi.
             C'est alors que Thurim Vessiel fait son entrée.
             C'est comme si d'un seul coup, un courant d'air froid envahissait la pièce. La tension qui émane de lui me fige. Il est inquiet. Il est terriblement inquiet. Je me relève, vais à sa rencontre comme pour le saluer, mais l'entraîne à l'écart.
« Vous semblez soucieux. Y a-t-il un problème ?
_ Rien de particulier, me répond-il froidement.
_ Ne me mentez pas, Thurim. Je reconnais toujours le mensonge. Parlez-moi. Vous le disiez hier, nous devons pouvoir nous faire confiance.
              Il pose sur moi un regard impénétrable. Durant quelques secondes, je parviens à percevoir tout ce qu'il ressent. Mais impossible de faire le tri, tant il y a de sentiments mêlés. Dans son esprit règne une confusion que je ne lui ai pas vue depuis les deux jours que j'ai passé à ses côtés. Mais il se ferme à moi, se dérobe, s'éloigne.
_ Alors ne cherchez pas à savoir, Dame Bianne. Car quelque soit la question que vous me posiez, je n'y répondrai pas. »
             Je m'apprête à insister, quand quelqu'un frappe à la fenêtre de la salle. Trois coups secs, répétés, nerveux. Nous tournons tous la tête. Par l'embrasure, je reconnais le visage de la jeune elfe qu'Harkan a reconnue et embrassé dans la rue la veille. Mais, contrairement à mes attentes, c'est Tedzek qui se lève pour aller à sa rencontre.
« Petite sœur ? Mais que se passe-t-il ?
Sa sœur ? J'ai juste le temps de m'en étonner. La jeune elfe a l'air effrayée.
_ Il faut que vous quittiez la ville. Maintenant !
_ Quitter la ville ? Mais pourquoi ?
_ Je ne peux pas vous le dire. Vous êtes en danger, il faut me croire !
            Elle est au bord des larmes. Farkas, inquiet, lui tend la main pour la faire entrer. Je ressens un profond malaise, près de moi. Harkan. La présence de cette elfe le trouble au plus haut point.
_ Racontez-nous, dis-je.
_ Dans quelques minutes, un corps de garde va franchir cette porte et vous abattre tous. Officiellement, le garçon de la prophétie aura perdu la raison, provoqué une rixe et vous aurez été tués au court de la tentative pour ramener le calme.
            Un froid tombe dans la salle. Tan-Klaroz et Sabrane relèvent la tête, même le barbare, sentant qu'il se passe quelque chose, s'arrête de manger.
            Farkas Tedzek ouvre de grands yeux.
_ Mais... Qui ordonne ça ? Pas l'ambassadrice, tout de même ?
_ Non... Non, mon fiancé, le premier officier de la chambre. C'est son initiative. En allant le voir, ce matin j'ai aperçut l'ordre sur sa table. J'ai couru aussi vite que j'ai pu...
Prise d'un doute, je m'approche.
_ Votre fiancé, n'a-t-il pas une marque rouge sur le front ?
_ Oui, c'est cela. Il s'appelle Lisletz Kaelt, et je ne comprends pas, c'est un être si bon, si généreux, d'ordinaire.
             Thurim Vessiel est le premier à reprendre ses esprits.
_ Remontez aux chambres, vite, et rassemblez votre matériel. Les secondes comptent.
              Prestement, nous nous exécutons. Je remonte en quatrième vitesse et ramasse mes armes, mon bagage, la nouvelle sarbacane que je me suis fait apporter hier pour remplacer celle que j'ai perdue dans la forêt. J'ai à peine le temps de tout plier que la sœur Tedzek est déjà dans le couloir.
_ Ils arrivent ! Ils sont à la porte du palais !
_ Il y a un autre moyens de sortir ?
_ Par les terrasses ! Suivez-moi !
              Elle s'éloigne vers l'escalier principal. Nous la suivons, désordonnés et pressés.
              La terrasse du palais n'est pas très éloignée du toit suivant. La sœur de Farkas bondit, et franchit l'espace de vide qui les sépare. Je l'imite et atterris sur les toits suivants. Harkan et Farkas n'ont aucun mal à nous suivre. Tan-Klaroz non plus. Mais le barbare ne semble pas comprendre à quoi nous jouons.
              Thurim et Lhao se regardent, et à contrecœur, se résolvent à unir leurs forces. Saisissant Skronk chacun par un bras, ils s'évaporent ensemble et réapparaissent près de nous. Le barbare rigole : il n'a rien compris. Mais déjà la sœur de Farkas nous entraîne. Il faut s'éloigner.
              Je m'apprête à partir à sa suite, quand une main me retient par le bras. Thurim Vessiel. Sans mot dire, il me désigne, en contrebas, dans la rue, un groupe de soldat qui entre dans le palais que nous venons de quitter. Pas n'importe quels soldats.
_  Les légions de la Manticore ? Un groupe d'elfe dans la légion de la Manticore ?
Je suis stupéfaite.
_ Il faut croire que oui, marmonne Thurim. Ne moisissons pas ici.
                 De toit en toit, il nous faut une demi-heure pour atteindre les portes. Nous évitons soigneusement la large voûte de marbre blanc par laquelle nous sommes entrés. Notre jolie guide nous conduit à une poterne écartée, donnant sur l'extérieur, la liberté.
Je tire de ma ceinture une fléchette blanche.
_ Je vais devoir vous endormir, vous ligoter et vous bâillonner. Jamais votre fiancé ne voudra croire que vous nous avez aidé contre votre gré sans cela.
_ Je comprends, me dit-elle, confiante. Allez-y.
                 Je m'approche d'elle et surprends sur moi le regard d'Harkan. Un regard comme il n'a pas l'habitude d'en poser sur moi. Il observe la fléchette dans ma main avec une terreur sans nom. Oui, bien sûr. Je pourrais très bien changer au dernier moment, et en utiliser une noire... Je pourrais très bien le faire.
                  Une bouffée de plaisir cruel s'empare de moi. Imperceptiblement, impitoyablement, je ralentis mon geste. J'approche lentement l'aiguille de ce cou blanc et vulnérable qui s'offre à moi. Harkan est au supplice. Il tient à elle plus que tout au monde, et il sait que je le sais...
Je plante l'aiguille dans la peau tendre. La jeune elfe ferme les yeux, devient molle, et se laisse tomber. Je la retiens dans mes bras. Harkan se mort les lèvres. Il sait qu'elle dort, que ce n'était pas une de mes fléchettes qui tuent, mais j'ai réussi à lui faire mal, très mal, et je suis effrayée par le bonheur que j'en éprouve. Je dépose tout doucement ma victime à terre - l'unique amour de l'homme qui a tué mon unique amour - et commence à lui lier poings et pieds.
               Harkan me regarde faire avec une colère froide. Il a eu raison d'avoir peur. J'aurais très bien pu le faire. S'il n'y avait pas plus important à penser que la vengeance personnelle.
Inconscients du combat invisible qui vient de se mener entre nous, les autres se sont déjà éloignés. Je souris et passe devant mon adversaire, avec un air faussement aimable.
_ Ne nous attardons pas.
              Si ces yeux étaient des flammes, je ne serais déjà plus que cendre.


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