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Chapitre 11 : Du plus profond des âmes
illustrations par Tchoucky

      Farkas Tedzec est le premier des compagnons de Tan-Klaroz a avoir découvert à quel élément il était relié. Mais à peine a-t-il le temps d'utiliser son nouveau pouvoir sur la terre pour sauver sec compagnons d'une mort certaine qu'un maléfice le transforme en statut de glace, obligeant le groupe à se séparer. Thurim Vessiel, Bianne et Val Harkan partent de leur côté, chercher les ingrédients d'alchimie qui permettront de lever le maléfice. Lhao est chargé de protéger le compagnon gelé. Les autres, eux, partent à la poursuite de Tan-Klaroz.

Len Arken :

             Cela faisait pas mal de temps qu'on marchait.
« Skronk chercher mais pas voir.
_ C'est vrai, fit Sabrane. On a aucune idée de l’endroit où il,ou elle, est.
_ Bon, fis-je. Attendez moi ici. »
            Je sautai à un arbre. De là, je vis la forêt dans son intégralité. Je l'observai précisément sans trop d'idées de ce que je devrai chercher.
           Soudain un vol d'oiseaux se fit voir à ma droite. Ils étaient apparemment dérangés par quelque chose.
           Je sautai en bas de mon arbre et rejoignis les autres.
« Essayons à droite. »
            Nous nous mîmes en route.
            Après quelques instants de marche, Sabrane prit la parole.
« Au fait, messire Arken, d'où venez vous?
_ Pas de salamalecs avec moi, petit. Tu peux m'appeler Len.
_ D'accord, messire Len. »
            Je poussai un soupir.
« D'ou je viens? Si seulement je connaissais la réponse à cette question.
_ Vous n'en avez aucune idée?
_ Absolument aucune. Tout ce dont je me rappelle, c'est que j'ai été recueilli par une bande de marchands itinérants. Il parait qu'ils m'auraient trouvés vers l'âge de six ans près d'une cascade. Mais je n'ai aucun souvenir antérieur.
_ Et vous avez quitté cette bande?
_ Presque. Elle s'est faite décimer par les Garkan-Lam. Une bande de rôdeurs très dangereux. Vous avez pu faire leur connaissance: C'est eux qui vous ont piégés dans la forêt. A cette époque, j'avais a peine quinze ans.
_ Vous avez réussi à survivre?
_ Coup de chance, fis-je. Je me suis enfui dans la forêt par laquelle on passait.
_ Et puis? Comment êtes vous parvenu à rejoindre la ville la plus proche? »
            Cette conversation avait déjà réveillé en moi de trop douloureux souvenirs. De plus, je n'avais pas le droit ni l'envie d'évoquer la suite.
« Désolé, petit, mais je ne pense pas pouvoir tout te raconter... Plus tard, peut-être. »
            Pendant notre discussion, nous nous étions arrêtés devant une espèce d'immense clairière.
           Je sentais que j'allais faire une couillonerie sans nom, mais tant pis.
« Sabrane, tu n'aurais pas un sort qui nous permettrait de savoir où peut être Tan-Klaroz?
_ Euh... Je pourrais essayer un sort qui montre la direction seulement, mais que je maîtrise assez bien, enfin, je pense.
_ Vas-y, on n'a plus trop de choix »
           Il marmonna une incantation. Du même coup, six flèches sortirent de sa main et partirent dans six directions différentes.
_ Oh, les belles choses lumineuses, Skronk en veut une pour lui.
_ Désolé, fit-il. Je réessaye
           Environ huit essais plus tard, on réussit à obtenir six flèches volant dans la même direction.
« Allons-y! »Fis-je.


Tan-Klaroz :

            Je cours, je cours. Je passe entre une volée de corbeaux qui s'envole à mon passage, projetant des plumes noires aux alentours. Je ne sens pas la fatigue me gagner et engourdir mes membres. Il faut que je sorte de cette forêt le plus vite possible. Si je continue à ce rythme, je serais hors de ce lieu feuillu avant l'aube.
           Ne regardant pas où je cours. Je m'emmêle les pieds dans une grosse racine et m'effondre à terre, projetant ma faux en l'air, transperçant un arbre au passage. Je me relève. Je n'ai rien de cassé ou de foulé. Je me dirige vers l'arbre et essaie d'arracher ma faux de l'écorce. Mais ma force physique a diminué avec le coucher du soleil. Je réunis toutes mes forces pour dégager ma faux et retombe par terre. Mon arme est un peu dégagée, encore un effort et je pourrais recommencer ma course folle.
           J'arrache ma faux du tronc de l'arbre et cours de plus belle à travers la forêt.   J'entends vaguement des bruits de bataille au loin. Il vaut mieux que je pense à la direction que je prendrais après avoir quitté la forêt. Je pense qu'aller vers mon village natal est une bonne idée. Ce n'est plus qu'une ruine hantée par des âmes tourmentées et des spectres. Cette province est devenue déserte depuis que...
             Encore faut-il l'atteindre. Je vais devoir traverser de nombreuses régions dont une des provinces les plus dangereuses du Roi. Mais plus je serais éloigné(e) du monde extérieur, mieux ça vaudra. Je vois déjà la plaine qui s'étend à l'infini. Je sort du couvert des arbres et pousse un cri de joie qui résonne en soulevant des myriades d'oiseaux effrayés.


Bianne :


            Impossible de prendre la direction de Nimeg. Les légions de la Manticore sont sur la route. Elle font barrage, arrêtant tout voyageur. Une barrière de houx a été dressée, arrêtant la magie. Impossible pour Thurim de se téléporter au delà.
« C'est vraiment à Nimeg que nous devons aller ? S'étonne Harkan.
_ Oui. Il y a là un grand laboratoire, dans lequel nous devrions trouver les ingrédients dont nous avons besoin.
_  Il est peu probable qu'on nous laisse y entrer.
_ Il est peu probable, réponds-je, que je me donne la peine de demander la permission, avant d'y entrer.
           Dissimulés derrière un buisson, nous observons la route bloquée.
_ Nous n'avons pas le choix, murmure Harkan. Il faut prendre l'autre chemin. Celui qui passe par les marais.
           D'un même mouvement, Thurim et moi nous retournons vers lui.
_  Les marais ? Répéte-je.
_ Les marais de Marec Stenla ? Renchérit le sorcier
_ Ben, oui. Les marais.
            Vessiel et moi nous nous regardons. Nous n'y avons jamais été dans ces satanés marais, mais leur réputation a fait le tour de Brakerval. On n’y a jamais vu sol plus traître. Les zones de terres meubles s'enchaînent aux zones de terres dures sans que rien dans l'apparence du chemin ne le laisse deviner.
            Harkan semble lire dans nos pensées.
_ Je suis souvent passé par là. Je connais le chemin.
_ Passé par là... Au court de vos chasses ?
             Il me lance un de ces regards de feu dont il a le secret. J'ai fait mouche. Thurim lève la main, pour prévenir toute dispute.
_ Si vous dîtes que vous connaissez le chemin, je vous crois. Allons-y. »
            Il saisit nos bras et nous téléporte plus loin.
            C'est ainsi depuis cette nuit. J'ai peur qu'il s'épuise de téléportation en téléportation. La distance qu'il nous fait parcourir à chaque fois est de plus en plus courte. Mais nous ne pouvons pas nous reposer. Nous devons avancer.
            Un fouillis désordonné de végétation touffue, s'entremêlant de telle sorte qu'on ne peut voir où on marche. Voilà ce que c'est le marais de Marec Stenla. Pas une belle végétation luxuriante comme je les aime, juste un amas verdâtre de branches squelettiques, de lichen, de feuilles jaunies, et de mauvaises herbes.
« Vous êtes sûr de ce que vous faites, Harkan ? Demandai-je.
_ Je connais le chemin. Mettez vos pas dans les miens, et tout ira bien. »
              Je retiens sur mes lèvres la série de phrases empoisonnées qui me vient à l'esprit, et le suis.
              Je n'arrive pas à comprendre comment il se repère. Même pour quelqu'un de sa... nature, la distinction entre sol dur et sol meuble doit être dure. L'instinct animal, sans doute, qui lui indique comment sauver sa vie ?
              En parlant d'instinct... Je me sens soudain mal à l'aise. Quelque chose de difficilement perceptible.
« Quelqu'un nous observe, murmurai-je.
              Harkan renifle, écoute.
_ Il n'y a personne dans ces marais, à part nous.
_ Il y a quelqu'un qui nous observe, je vous dis.
_ Elle a raison, murmure Thurim. Je le ressens aussi. Quelqu'un nous observe par le biais de la magie. Une boule de cristal, une projection dans l'eau, je ne sais pas, mais quelqu'un nous observe bel et bien. Peut-on accélérer ?
              Accélérer, c'est plus facile à dire qu'à faire. Seul Harkan "voit" notre chemin. Thurim, les sourcils froncés, essaye de ressentir l'aura de notre observateur.
_ Il prépare quelque chose. Il rassemble sa magie quelque part.
               Et nous voyons.
               Un bourdonnement sourd. Puis de plus en plus fort. Un nuage de guêpe. Un million de millier de guêpes sont en train de fondre sur nous.
_ Artestandé Hamanré ! Hurle Thurim.
                Nous nous retrouvons tous les trois entourés d'un halo de protection, qui empêche les insectes de nous attaquer.
_ Thurim... Murmurai-je.
_ Ca ira.
                Non, ça n'ira pas. Il ne l'admettra pas, mais il n'en peut plus. Toutes ces téléportations, et maintenant ce halo, à maintenir.
_ Thurim !
            Ses genoux viennent de fléchir. Je ne perçois plus rien de lui, que les efforts qu'il fait pour rester conscient et nous protéger.
_ Plus le choix, dis-je. Harkan, vous irez plus vite en le portant sur le dos. Emmenez-le en sécurité, et revenez me chercher ensuite.
_ Comment ? Vous rigolez ! Dès qu'on sera éloigné, le halo qui vous protège disparaîtra.
_ J'ai d’autres ressources. Faites ce que je vous dis. »
           Il me lance un regard froid, puis charge le sorcier sur son dos. Je les regarde s'éloigner. Il faut que je me transforme le plus tard possible. Si je reste transformée trop longtemps, "ils" vont me retrouver.
           Déjà la fine bulle bleue qui m'entoure se désagrège. Alors j'ouvre les bras. Mon corps devient peu à peu lumineux, immatériel, léger. Ma vision change. Les choses solides passent au second plan, et les âmes m'apparaissent dans leur entier. Je cesse d'entendre le vrombissement furieux des insectes, j'entends seulement les cœurs battre. Thurim... Qu'il est faible ! Et Harkan, décidé à faire le plus vite possible. Il s'inquiète pour moi... Moi, son ennemie... Enfin, je le trouve, celui qui nous attaque ainsi.  Enfin, je le touche, je lui parle.
« Sorcier Martel Angor, membre de la secte des Aetes, retiens ton attaque !
            Il sursaute en m'entendant et se retourne. Mais sans parvenir à me voir.
_ Que veux-tu ? Qui es-tu ?
_ Mon nom est Nabnie Hata Karnac Escarul Eshiïl, et je te somme d'arrêter.
_ Je ne connais pas ton nom. Qui te mandate ?
_ Personne ne me mandate. Je ne suis pas un démon.
_ Qui es-tu ?
             Je m'entends malgré moi répéter la formule apprise par cœur durant mon enfance.
_ Je suis la voix de ceux qui n'ont plus de voix. Je suis le dernier sang de ceux qui ne sont plus. Une dernière fois, je te somme d'arrêter ton attaque, ou je te détruis.
              Le sorcier hausse les épaules.
_ Passe ton chemin, Nabnie Hata Karnac Escarul Eshiïl. Je n'ai pas peur de toi. Les Célestes étaient puissants, au commencement des temps, mais aujourd'hui, ils n'existent plus.

_ Est-ce là ton dernier mot, Martel Angor ?
_ C'est le dernier.
            Soudain, il panique. Je me suis approchée, invisible. Ma présence envahit son espace. Il saisit une poignée de billes de plomb sur sa table et les lances autour de lui, à l'aveugle. J'esquive les projectiles, me penche, et dépose sur son front le baiser qui ôte la vie.
            Son âme s'envole, s'éloigne. Je ne sais pas où elle va. On m'a proposé ce savoir, et je l'ai refusé. Je préfère tant être humaine...
             Ca me saisit alors. Leur présence. Ces appels. Nabnie Hata, Nabnie Hata, mon enfant Il faut que je revienne vite, avant qu'il parvienne à savoir où je suis.
             Je me réduit et reprends corps, j'atténue ma lumière et la change en chair. Je suis de nouveau sur le chemin, au milieu du marais. Les insectes ont disparus. Je ressens une douleur aiguë à l'épaule. Je saigne abondamment. L'une des billes de plomb m'a sans doute touché, malgré tout.
             Je tombe à genoux, épuisée, retenant avec peine un gémissement de douleur.


Thurim Vessiel :

            J'était seul à présent, assis sur un tapis de mousse, un épais brouillard s'était soudainement levé sur ces déjà sombres marais. Je récupérai lentement les efforts que je venais de fournir pour nous protéger... décidément, ce genre de magie n'était vraiment pas ma spécialité première. Harkan, qui m'avait porté sur son dos pendant un petit bout de chemin, sans doute à contre cœur, m'avait laissé ici et s'était précipité vers l'endroit où nous avions laissé Bianne.
             Je me levai enfin, au milieu de cette purée de pois. Je savais que je ne devrais pas bouger, mais il me semblait, avant que ce voile de brume ne vienne brouiller ma vision, avoir aperçu non loin de nous une sorte de grande motte de terre surélevée, comme une maison de petits hommes, entourée par quelques stèles. Je m'avançai à l'aveuglette, bâton en avant et épée en main pendant une cinquantaine de mètres, prenant garde de rester sur la terre ferme. J'arrivais enfin à une petite alcôve, qui faisait en fait office d'entrée, fermée par une grande pierre plate. Dame Fortune avait enfin eu pitié de nous ! S'il y avait une chance pour que trouvions le premier ingrédient dont nous avions besoin, c'était ici : un Tertre des Marais.
              Il fallait maintenant prévenir mes deux compagnons, quoi qu'ils puissent faire. J'étais hélas un peu épuisé pour utiliser ma propre magie pour me faire remarquer, je n'avais pas le choix, car je ne pouvais pas non plus faire demi-tour pour aller les retrouver. Je brandis Cetil vers le ciel, et la vidais de son énergie du Tonnerre afin de provoquait le plus de bruit et le plus de lumière possible...


M. D. A. Lartos Hao :

               Pff, ils en avaient de bonnes, eux ! Ils voulaient surtout se débarrasser de moi. Maintenant, pas question que je bouge, ils vont regretter de m'avoir laissé ici, sous prétexte de garder Tedzek qui était congelé. Il n'allait pas s'enfuir que je sache ! Je me tournai vers le bloc de glace et lui dit :
« Toi, on peut dire que tu m'ennuies. Je m'occuperai aussi de toi, quand ils t'auront libéré. »
              M'entendait-il ? Si oui, tant mieux, il s'attendrait à ma vengeance.



Val Harkan :

             Je courais, me dirigeant de toute ma vitesse vers l'endroit où nous nous étions séparés. Mais plus j'avançais, plus je m'inquiétais. Je ne sentais pas son odeur, je ne l’entendais pas.
            J’arrivais enfin devant l'arbre mort, là où elle m'avait ordonné de fuir. Je cherchais la moindre trace de son passage. Rien. Je poussais un profond soupir...qui se bloqua d'un coup. Une nouvelle odeur. On aurait dit celle de Bianne. Mais elle avait quelque chose de différent, de pur. Guidé par mon flair, j'écartai quelques broussailles et jetai un oeil. Ce que je vis me stupéfia.
             Ho mes dieux, pensais-je. 
             Alors que l'être devant moi se tournait, je la reconnu. Bianne. Elle semblait blessée et épuisée. Elle se mit à changer, et quelques instants plus tard, se tenait la femme que je croyais connaître.
              Durant une seconde, une mince seconde, j'envisageai sérieusement de m'avancer vers elle et de lui jeter ce que je venais de voir à la figure comme elle l'avait fait pour moi. Mais quelque chose, j'ignore quoi, m'en dissuada. Je reculai de deux ou trois toises et lançai bien fort:
« Bianne ? Où êtes vous?
_ Ici, me répondit-elle d'une voix faible. »
              Je me précipitais vers elle et allai examiner sa blessure, lorsque le ciel explosa. Du moins c'est ce que je cru. Une lumière phénoménale illumina le brouillard et un vacarme titanesque meurtrit mon ouïe surdéveloppée. Après avoir reprit mes esprits, je réfléchi. Vessiel sans doute.
              Je regardai l'endroit d'où était venue la lumière. Le tertre de Maryac.
              Un signal d'alerte s'alluma alors dans ma tête sans que je sache pourquoi. Cela me revint très vite lorsque nous entendîmes le premier hurlement. C'était un hurlement à mi-chemin entre le cri humain et un hurlement animal.
« Des Dantes, murmurai-je. Il faut vite rejoindre Vessiel avant qu'ils ne s'aperçoivent qu'il est sur leur territoire. Pouvez-vous marcher, ou mieux, courir?
_ Marcher oui, me répondit-elle, mais courir, j'en doute.
_ Tant pis, répliquai-je après une hésitation. Bianne, ne vous vexez pas, d'accord ? »
              Je passai un bras sous ses jambes, un autre sous ses aisselles et la soulevai, ignorant ses protestations. Lesquelles se muèrent en cri lorsque, après avoir pris mon élan, je sautai dans les airs. J'eu l'impression de voler, le marais défilant en dessous, puis je ré-atterris une cinquantaine de toises plus loin. J'exécutai à nouveau cette manœuvre, puis une autre fois, et encore une autre. Je m'arrêtai lorsque nous ne fûmes plus qu'à une centaine de coudées du tertre. Là, je plongeai ma main derrière moi, dans ma sacoche bleue, et en tirait une fiole. Je l'ouvris, but quelques gouttes de son contenu puis le tendis à la chasseuse de prime qui se remettait.
« C'est quoi ça ? Me demanda t'elle avec aigreur.
_ Cà, c'est le seul antidote contre le poison des Dantes, répondis-je sur le même ton.
_ Les quoi?
_ Taisez-vous, lui ordonnai-je tout à coup. »
            Nous étions arrivés juste à temps. Un groupe de Dantes, presque invisible dans la broussaille, s'approchait du tertre silencieusement. Je pris la main de Bianne et couru en la traînant presque vers l'îlot de terre. Vessiel nous aperçut et nous appela. A peine arrivés, je lui tendis Bianne
« Faites du feu, lui ordonnai-je en lui tendais également une fiole tirée de ma sacoche rouge. Ceci vous y aidera. »
           Il saisit Bianne d'une main et la fiole de l'autre. Je tournai alors les talons et vis les premiers Dantes prendre pied sur le tertre. J'entendis un « mais qu'est-ce que... » derrière moi mais n'y fis pas attention. Les Dantes firent un arc de cercle autour de moi. C'était des créatures immondes : ils avaient la silhouette de grand singes, mais la ressemblance s'arrêtait là. Leur peau écailleuse était suintante de boue et d’autres substances gluantes sécrétées par leur corps. Le pire était le sourire effrayant dû à la longueur excentrique de leurs nombreuses dents. Lesquelles étaient dégoulinantes de poison provenant d'une glande dans leur palais. Celui que j'identifiai comme le meneur s'avança.
« Humain, articula t'il difficilement. Manger. »
            Les autres le rejoignirent et poussèrent à nouveau un cri.
           Sans hésiter, je tirai mon arbalète de poing. D'un seul geste, je la dépliais et l'armai, puis j'appuyai sur la gâchette. La flèche partit avec une telle puissance qu'elle traversa la tête de la cible. Une Dantes, juste à côté du chef, tomba. Je fis alors une chose que je faisait rarement : j'émis un grondement rauque. Je lançai un défi au meneur.
            Ledit meneur hésita. Son flair étant au moins aussi développé que le mien, il savait, sans doute, ce que j'étais. S'il acceptait, il avait peu de chance se survivre. Mais s'il refusait, il passait pour faible auprès de son groupe. Dans les deux cas il perdait. Il choisit la solution la plus folle : il m'attaqua.
            Je le laissai venir. Puis, au dernier moment, je dégainais ma lame croissant et para son coup de griffe. Puis, pivotant sur moi même, je lui assenai un coup circulaire qui lui ouvrit la gorge. Il hurla de douleur, vacilla quelques secondes, puis s'écroula.
Le reste du groupe regarda tour à tour le chef mort, ma lame, puis à nouveau le cadavre. Ils grondèrent une ou deux fois, puis s'enfuirent.
            Je me tournai vers les deux autres. Bianne était prostrée, trop épuisée pour faire des remarques. Vessiel essayait de faire du feu. Je m'approchai de lui, ramassant ma fiole qu'il avait posée sur le sol. Je mit une noix de son contenu sur mon doigt, et la jetai sur le tas de bois. Les bûches explosèrent et prirent feu.
« De la glycérine, murmurai-je.
           Puis j'ajoutai en regardant l'obscurité:
_ Ils vont revenir. Dès qu'ils se seront choisis un nouveau chef. »


Skronk :

            Skronk n’aime pas suivre. Skronk est un chasseur et même si les petits traits scintillants indiquent la proie, Skronk préférait faire comme il a l’habitude c’est plus sûr. Mais de toute façon personne n’écoute Skronk.
             Ca fait bien plusieurs minutes, voir une heure qu’ils couraient dans une sorte de forêt, Len devant précédé par Sabrane. Skronk, vexé, ferme la marche en traînant.
Le mage et l’inconnu stoppent soudainement leur progression. Skronk exaspéré, lève la tête et aperçoit une nuée d’oiseaux qui échappe de quelque chose. Souriant, il raffermi la prise de main sur sa hache, lance un rire assourdissant suivi d’un cri :
           « QUE LA CHASSE COMMENCE !!! »
            Sans prêter la moindre attention à ces deux compagnons de route, un peu déroutés par cet étrange rituel, il s’élance aussi vite que possible dans la direction des oiseaux. En quelques secondes Skronk franchi la lisière de la forêt où un léger brouillard commence à tomber sur la vallée. Skronk aime chasser avec le brouillard, car il arrive toujours à surprendre ces proies. De plus, celle-ci étant spécial, car il sait qu’il ne doit pas la tuer : la dernière fois qu’il a essayé, ça n’avait pas beaucoup plu. A force de courir, il aperçoit une silhouette dans le brouillard qui s’est épaissit. N’ayant plus d’arbre pour le gêner, Skronk redouble de vitesse, se basant sur sa vue. Bien qu’avantageux pour surprendre, il s’avère aussi, comme dans le cas présent que le brouillard soit très gênant surtout quand le territoire est inconnu.
             Forcé de s’arrêter, Skronk regarde autour de lui, complètement perdu. Enragent et frappant la terre du pied, Skronk se laisse tomber au sol, attendant que le brouillard se dissipe.


Thurim Vessiel

            Ce fut la première fois que je me réjouissais d'avoir un tueur à gages à mes côtés. Grâce à l'intervention d'Harkan, les immondes créatures avait été chassés. Il valait mieux pour nous, aux vues de notre état à Bianne et à moi, ne pas trop nous attarder en ce morne et sinistre endroit. Avec l'aide d'Harkan, je poussai la stèle qui bouchait l'entrée du tertre. Une odeur de moisi et de corps en putréfaction s'en échappa, nous piquant les narines. J'entrai à moitié, faisant briller la petite boule de verre au bout de mon bâton, lorsque Val Harkan me dit :

« Allez-y Vessiel, vous savez ce que vous devez y chercher. Je vais rester ici et veiller sur Bianne!
_ Comme il vous siéra ! Laissai-je avant de m'enfoncer dans la sombre tombe. »
             Même avec l'éclairage que me fournissait mon bâton, j'avais peine à voir où je me dirigeais. Cet endroit était si profond, l'atmosphère était si impure, qu'une torche ordinaire n'aurait pas pu y brûler bien longtemps. Les étroits couloirs avaient été aménagés pour permettre d'y aller et venir assez facilement. J'en déduisais que l'entrée avait dû être bouchée pour y emprisonner quelque chose. Je tombai alors enfin sur une plus grande salle et c'est là que je vis ce pourquoi l'accès avait était scellé : devant moi s’étalait sur le sol, les os d'une grande créature cornue. Je tentais de les toucher, mais ils tombèrent aussitôt en poussière. Sans doute avait-ce été un Ghar, ou peut être un Tévodus sauvage, toujours était-il que ce prisonnier du tertre s'était éteint il y a déjà longtemps de cela. Je me mis à faire le tour de la salle et je pus m'acquitter d'une vision que le Nécromant aurait qualifié de "délectable" : dans de nombreux petits renfoncements creusés dans les parois étaient disposés divers os de nature humaine ou elfique, semblait-il, accompagnés de plusieurs petites offrandes aussi diverses : de vieilles pièces de cuivre, les armes courtes rouillées ou encore une protection ternie par le temps et l'humidité. Mon attention fut attirée par un de ses restes de corps.
                 Le squelette était quasiment intact, et sous la cage thoracique, une petite plante avait réussi a pousser malgré la pierre, à l'endroit même où s'était décomposé le cœur du défunt : c'était une Fleur de Fel Rhun, "la fleur du cœur pourrissant", je venais enfin de trouver le 1er ingrédient. Je dégageai les os et coupai délicatement la fleur pour la placer dans une petite sacoche. Je ne devais pas perdre plus de temps dans cet endroit suintant la mort, je sortais rapidement par le même chemin.
                 Une fois à l'extérieur, j'annonçais que j'avais récupéré ce pourquoi nous étions venu. Harkan releva Bianne qui s'était assise contre une grande pierre, et plaça son bras derrière son épaule pour la soutenir. La chasseuse de prime me lança alors.
« Quelle est notre prochaine destination ?
_ Il faut d'abord que nous trouvions un village dans lequel vous pourriez prendre quelques soins, ne maîtrisant pas ce genre de magie, je ne peux rien faire._ Et une fois cela fait ?
_ Il me semble qu'il existe beaucoup de villages en ruines dans cette région...
_ Oui, beaucoup d'entre eux dateraient de l'Age d'or des elfes, avant qu'ils n'aient totalement désertés cette partie du pays ! Continua Val Harkan à ma place
_ Exact, il nous faut donc aller vers ces lieux et trouver sur place les anciens greniers. Comme vous devez le savoir, cher Harkan, les herbes de Kersh et les racines de Xande n'étaient récoltées que par les elfes de cette région, il nous faut donc les chercher non loin de leurs anciennes habitations !
_ Mais, ces ruines ne sont-elles pas hantées ?
_ Elles le sont très certainement, mais nous n'avons pas d'autre choix... »
               Nous avancions lentement, quand nous fûmes presque sortis de ce nuage nauséabond qui ne nous lâchait plus depuis les marais. J'espérais que ces "Dantes" n'avaient pas eu la mauvaise idée de nous suivre...
 

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