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Pensée en fumée

Sebrich, samedi 6 juin 2009, illustration par Tchoucky

           Je regarde avec insistance le paquet de cigarettes. Les tubes qui en sortent ont un effet attirant que bien des hommes et femmes de notre époque ont compris. Je détache mon regard pour le porter sur les voitures qui circulent. Un coup de vent m’envoie dans les narines un nuage de CO².

           La terrasse de ce petit café bourdonne de conversations. A ma droite, un vieux couple qui se dispute pour un problème de bijoux ou de soirée, les deux sujets se mélangeant. A ma gauche, un jeune couple riant et discutant joyeusement de leur cours. La comparaison me fait sourire.

           Les puristes de romantisme pourraient penser que le jeune couple s’entend bien parce qu’ils ont appris à bien se connaître ou que sais-je encore comme trait philosophique, et que les autres se disputent car ils n’ont jamais appris à ce connaître. C’est faux.

            Le jeune demande à sa copine ce qu’elle veut, alors que le vieux sait parfaitement ce que veut sa femme.

             Ils ont appris à se connaître. Et ils en sont frustrés.

             L’homme est fait pour le changement, la découverte. Alors que ce qui stagne l’énerve.

             La nature humaine est ainsi.

             Je soupire et lève les yeux au ciel. Les nuages qui jusque là cachaient le soleil de printemps, choisissent ce moment pour se retirer. La lumière m’aveugle un cours instant. Mon regard se reporte alors sur le paquet de cigarette.

             Je n’ai jamais fumé de ma vie. A part un joint ou deux. J’en ai parlé une fois avec un ami, mais il m’a rétorqué de ne jamais essayer, car ça le rongeait à petit feu, et qu’il n’avait jamais su s’arrêter. Ce réflexe qu’ont les gens de ne pas écouter leurs propres conseils est assez drôle. Et triste.

              La nature humaine est ainsi.

              On dit que la cigarette tue. C’est peut être vrai, mais bon, un jour ou l’autre on meurt, alors, pourquoi ne pas en profiter ?

               Au moins comme cela, on a l’impression de contrôler son destin, sa vie. Le moment de sa mort.

               De toute façon, je suis déjà accro aux jeux vidéo, aux histoires d’Héroic-fantastique, aux mangas, à la fainéantise. Alors, pourquoi ne pas avoir une « tare » de plus comme disent les gens de la bonne société.

               Je prends une cigarette dans la main.

               Car c’est bien la société qui a créé tout cela, et maintenant elle tente de tuer ses chefs-d’œuvre.

                « Fumer tue », « les mangas sont mauvais pour l’éducation », « les jeux vidéos tuent l’entourage ».

                J’utilise le briquet et tire une première bouffée. Les yeux me piquent, la gorge me gratte, je tousse.

                Le couple jeune me regarde, l’air réprobateur, comme si je participais au meurtre des bébés phoques pour m’en faire des chaussons.

                Je ne m’en occupe pas, leur avis n’a rien à voir avec mon plaisir. Car je ressens comme un accomplissement, un passage vers quelque chose.

                On a beau crier contre le progrès, la pollution, les guerres. Mais on est tout de même bien content d’avoir chaud en hiver, de pouvoir manger à sa faim, et ne pas avoir à travailler dans les champs.

                On dit que l’on tue notre propre planète pour notre propre confort.

                Et alors ?

                On détruit la planète faite pour des animaux simples, pour un faire un monde pour l’homme. De toute façon, cette terre n’est pas habitable sur le long terme pour l’homme. Une période glaciaire, qui n’est pas si loin, balaiera tout ça un jour ou l’autre, que l’on ait été bon ou mauvais avec l’environnement.

                Maintenant, ça devient une planète faite pour l’homme.

                C’est devenu un monde presque magique. Beaucoup de choses arrivent sans que l’on sache se l’expliquer, à part les scientifiques bien sûr. La majorité des gens ne savent pas comment marche une voiture, encore moins une télé. Il y a même des gens qui croient vraiment que les légumes poussent dans les supermarchés. C’est ainsi.

                On apprend, on évolue, puis on désapprend.

« Je n’ai pas été trop longue ?

                 Emilie se rassoie à sa place, regardant la cigarette allumée.

_ Tu ne m’avais pas dit que tu fumais ?

                 Je lui fais un doux sourire.

_ Je viens de commencer.

                 Elle me regarde, l’air sceptique.

                 Je tire une nouvelle bouffée, et je tousse à nouveau.

_ Tu sais, ça me rappelle ma première expérience avec un joint.

_ Ah bon ? Comment c’était ?

                  Aah, la découverte de l’autre.

_ Horrible, j’ai cru que j’allais mourir.

_ Mhm, tu sais, je dois vraiment te mettre en garde. Moi même je n’arrive pas à m’arrêter, avec la cigarette.

                  Ses propres conseils qu’on n’écoute pas. Ils veulent la garder pour eux-mêmes.

_ Mhm. »

                   Je refais un sourire. Je souffle un rond de fumée vers le ciel. Un oiseau passe.

                   Ceci est le premier jour du reste de ma vie.

                   Et il fait beau.


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