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Chapitre 17 : Les vestiges du savoir ancien.








Mike Libane :
Le soleil. Plus d’un mois que je n’avais plus ce soleil pour me réveiller. Alors, quand un rayon de soleil me caressa les paupières, j’étais content. Mais, bizarrement, la puissance de la lumière semblait plus faible que sur Etrenank, comme si l’étoile incandescente était plus neuve.
_ Hmmmmm, encore une belle journée qui s’annonce, fis-je en m’étirant.
Après m’être levé, douché et habillé, je partis en ballade dans le vaisseau, profitant de la moindre écoutille pour admirer cette nature préservée. A un certain moment, quand j’entrai dans la salle de détente, je pus voir à travers la grande écoutille de la salle le réveil de nos hôtes à poils. Ils avaient aménagés des petites huttes devant le sas d’entrée. Je voyais l’un deux qui se démenait sur un grand tas de bois. J’observais avec intérêt cet être qui jouait habilement avec des pierres pour produire le feu, ce que nous, pauvres humains, avions réussi à faire au bout de plusieurs millénaires, alors qu’eux, y sont arrivés seulement en quelques siècles. Je décidais de rester à mon lieu d’observation, croyant naïvement qu’il préparait un barbecue géant. Je pus voir rapidement que ce n’était pas ça.
Deux Nimrodh portait un brancard, sur lequel était couché une autre de ces créatures fantastiques, qui devait être femelle, selon les caractéristiques physiques normale. Un petit Nimrodh marchait à coté, il semblait pleurer. Pour ce qui était de celle allongée, on aurait dit qu’elle dormait, avec plusieurs morceaux de peau mises à nues à cause de la chute des poils. Les porteurs la déposèrent sur le bois, qui ne brûlait pas encore assez, puis se retirèrent dans une hutte, juste à coté. Le petit restait là, en versant des larmes tandis que le visage de la femelle commençait doucement à se faire lécher par les flammes dévastatrices.
J’avais assisté à tout ça, et je me mis à pleurer doucement contre la fenêtre. Cet écran transparent montrant un monde agonisant, n’était plus qu’une faible cascade de larmes. En voyant cette scène, je m'étais souvenu de la mort de ma mère, emporté par la grippe spatiale qui sévissait il y a 10 ans. A l’époque, les dirigeants avaient dit qu’il n’était pas utile de débloquer des fonds pour la recherche, disant que la maladie n’était pas bien grave et qu’elle disparaîtrait d’elle même. Mais quand un cas fut détecté dans une colonie de politiciens, les chercheurs furent tenus de trouver un vaccin. Ce qu’ils réussirent au bout de deux mois. C’était ça l’humanité : un monde égoïste et égocentrique, mais heureusement, tous n’étaient pas comme cela. Le docteur Nilane Bah par exemple. Je trouvais qu’elle aurait dû dire sans hésitation qu’elle pouvait les guérir, quitte à mentir. Car ainsi, il aurait resté toujours un espoir en ces êtres magnifiques. Sachant qu’ils seraient un jour sauvés, ils se seraient battus, se disant de tenir jusqu'à ce moment béni.
Je m’essuyai les yeux, et regardai par la fenêtre. Le mini village se réveillait peu à peu, et tous se dirigeaient vers le grand feu, signe funeste d’un début de journée et de la fin d’un compatriote.
Je posai ma main sur cette vitre et avec un faible sourire, je murmurai :
_ Nous vous sauverons, je vous le promets.


Janus Winnfield
:
Il y a à peine quelques jours, jamais je n'aurais pris la décision que je venais de prendre... Mais maintenant, je sentais que j'avais parfaitement confiance en la doctoresse. Il ne me restait plus qu'a espérer qu'elle réussirai a trouver un remède pour la maladie. Je passai la nuit dans la hutte de l'ancien, à l'étage. La promiscuité de cette créature était embarassante, mais je finis par m'endormir. Au matin, quand je me réveillai, le jour semblait levé depuis longtemps. J'étais seul. Je descendis à l'étage inférieur de la hutte et m'approchai de la terrasse, me demandant comment j'allais descendre de l'arbre. A peine avais-je formulé cette pensée qu'un éclair de fourrure grise jaillit près de moi. Je me sentis empoignée, secoué comme un sac, et je me retrouvais au sol, au pied de l'arbre.. Le Nimrodh qui m'avait transporté jusque l'à s'éclipsa aussi rapidement qu'il était venu, et je me demandai ce que j'allais faire. Finalement, je pris pour parti de faire un tour dans le reste du village et peut être en dehors pour pouvoir réfléchir deux secondes. Je commençai par faire un tour à l'extérieur du village.
A la sortie du village opposée a celle qui menait au vaisseau, après un petit sentier au travers de la forêt, se déroulait une immense plaine. Je repensai à la Terre que j'avais quittée, et aux mémoires de ceux qui avaient vécu avant le cataclysme... Avaient-ils vu, eux aussi, un paysage tel que celui-ci ?
Bon, ce n'était pas le moment de faire dans le sentimentalisme. Il fallait que je cherche. Une nouvelle forêt s'étendait, pas loin de là où je me trouvais. Je m'en approchai...
Un Nimrodh surgit devant moi soudainement, et se mit a me parler. Je sentis dans ma tête des images...Foret...Peur...Mort...Interdit...
D'après ce que je pouvais composer, la forêt était un territoire interdit à tous les Nimrodhs. Ils en avaient peur...
Ou quelqu'un les forçait a en avoir peur.
Je m'avançai vers la forêt, en essayant de rassurer l'autre Nimrodh. Finalement, il me laissa passer, en pensant que de toute façon, j'étais considéré comme un dieu chez eux...
La forêt était beaucoup plus profonde, moins accueillante que celle où vivaient les Nimrodh. C'est vrai qu'elle avait de quoi faire peur... J'avançai vers le coeur, où j'étais sur que je trouverais quelque chose.
Une gigantesque clairière se découvrit devant moi à un moment. Entièrement couverte d'herbe. Enfin, presque. La technologie laisse toujours des traces... J'arrivai au centre de la clairière et je vis distinctement que l'herbe avait une texture différente que celle qui avais poussé naturellement. Je donnai un coup de talon dedans. Du métal en dessous de l'herbe synthétique... En suivant le reste de la plaque de métal, je trouvai des petits câbles quelque part. Il suffisait de les brancher. Soudain, le sol s'ébranla. Je reculai et quelques secondes plus tard, la ou se trouvait le carré d'herbe se trouvait maintenant une porte qui menait sous la terre... De construction humaine, sans aucun doute. Aucun Nimrodh n'avait jamais du aller la, et même s'ils y étaient arrivés, ils n'auraient jamais découvert la base... Je descendis.
Une espèce de base en préfabriqué. L'électricité avait été coupée, et l'obscurité régnait. J'enlevai mes lunettes pour la première fois depuis longtemps. Les systèmes de sécurité étaient généralement indépendants du système principal, et détectaient sûrement d'autres équipements électroniques. Mes yeux étaient toujours habitués à l'obscurité, et je n'eus aucun mal à trouver un chemin dans la pénombre... Finalement, j'arrivai dans une salle remplie de consoles d'ordinateurs... Enfermée dans l'ordinateur central, se trouvait la mémoire générale. Je pris toutes les précautions du monde pour enlever le panneau et sortir une petite carte mémoire que je rangeai dans ma poche. Cela pourrait nous donner quelques indices sur que faisait cette base ici... Je sortis de la salle...
...juste pour me rendre compte que l'ouverture de la porte avait attiré un petit robot de sécurité qui venait voir ce qu'il se passait...

"ALERTE! MENACE HUMAINE! ALERTE, MENA..."

Manquait plus que ça. Je sortis mon arme et tirai. Ce qui éparpilla de la tôle un peu partout. Une fois le programme de contrôle du robot bousillé, je rentrai dans la salle des ordis, et je trouvai ce que je cherchai: Une console de sécurité qui était restée allumée. Je la reprogrammai pour désactiver les autres robots. Ca servirait si les autres devaient revenir ici.
Une fois ceci fait, je sortis du bâtiment. Le soleil était haut, à présent. Je remis immédiatement mes lunettes de protection et repartit vers le village.


Jonas Atrayde :
Ce fut notre première journée sur cette planète, laissée depuis si longtemps à l’abandon par les miens. J’avoue que j’aurais trouvé tous ces hommes chats assez amusants en temps normal… mais plus rien n’était normal pour moi à présent. J’avais suivi les autres, rencontrés et les fameux Nimrodh et fait connaissance avec eux, mais je ne sentais toujours pas à ma place parmi l’équipe. Il n’y avait pas que moi, il y avait aussi le balafré, mais lui, il avait l’air de s’en ficher. Et Mike… Dire que je le traitait à Oblivion, parfois comme un moins que rien, mais il avait au moins le mérité d’avoir trouvé sa place ici.
Et moi ? J’étais Solarian, pilote et soldat, je ne savais que piloter et tuer… après tous ces souvenirs qui venaient de resurgir dans ma mémoire, je doutais même que je sois encore capable d’aimer. Je me sentais inutile. Nilane, sa fille et la terrienne Lilyah allaient-ils encore supporter longtemps ma présence ? Depuis qu’elle m’avait retiré ce bracelet, elle m’avait permis de faire ce que je voulais… C’est là que je me rendis compte que je n’avais plus de volonté propre. Je ne faisais que suivre les ordres depuis des années et maintenant j’étais livré à moi-même. J’avais vraiment l’impression d’être un petit garçon qui vient de perdre ses parents, perdu, ne sachant pas quoi faire, n’ayant nulle part où aller sauf dans le premier refuge qu’il aurait trouvé.
Je décidais d’arrêter de réfléchir et de me lever de ma couchette où j’avais pensé des heures à penser. Je sentais que si je continuais ainsi, qui pouvais prévoir quel genre d’envie me viendrait à l’esprit…
Je sortis de mon compartiment et tombais sur un hublot. Il faisait nuit. Etrange, rien qu’en voyant l’obscurité au dehors, je me sentis tout de suite mieux à l’aise. Je n’avais jamais eu la chance de voir la nuit sur notre bonne vieille planète, et à présent je le regrettais. Je regrettais de n’être jamais resté assez longtemps sur Terre pour observer les étoiles la nuit. Je n’avais pas envie de me coucher, et j’avais envie de voir la nuit au dehors du vaisseau. Je traversais les couloirs du Magellan, prenant soin d’éviter les nombreux Nimrodh qui s’étaient installés sur des peaux de bête un peu partout. La plupart dormaient, mais certains n’avaient, comme moi, pas sommeil. Leurs yeux luisaient dans le noir et me suivaient lorsque je passais devant eux. Tous ces « gens » qui avaient dans l’espoir que le docteur pourraient tous les guérir de ce mal inconnu qui les rongeaient. Toutes les pensées des Nimrodh transparaissaient dans leur regard. Certains étaient pleins d’espoir, certains étaient persuadés qu’ils allaient être sauvés, d’autres paraissaient moins confiants, certains avait déjà abandonné tout espoir et avait sans doute suivi un proche, plus confiant. Lorsque que je sortis du vaisseau, j’avais eu l’impression que le village s’était étendu jusqu’ici avec tous les abris provisoires que les Nimrodh avaient installés ici.
Impossible… Nilane n’y arriverait jamais ! Il y avait déjà tellement d’habitants dans ce village, alors, guérir la planète entière, c’était peine perdue…
Je ne savais pas où aller, alors je pris le premier sentier qui menait en dehors du village, tandis que l’astre du jour de ce système se levait déjà. Au bout d’un petit moment, j’arrivai à l’orée d’une forêt. Je vis sortir de là une silhouette avec des lunettes, c’était… Le balafré ?! Que faisait il là ? Il m’aborda en premier.
_ Jonas ? Qu’est ce que vous faites ici ?
_ J’allais vous dire la même chose !
_ Je me promenais !
_ Bien sûr…
_ Et j’ai découvert quelque chose d’intéressant !
_ Qu’est ce que c’est ?
_ Une base ! dit il le plus simplement du monde
_ Quoi ?!
_ Bon, puisque vous êtes là, venez voir !
Il retourna dans la forêt et m’invita du geste à la suivre. Nous traversâmes des herbes hautes et évitèrent des arbres difformes pour arriver au bout d’une vingtaine de minutes à un carré d’herbe plus court et beaucoup plus clair que l’herbe environnante. Il mit ses main au sol et souleva la carré qui étaient en fait une cache à une plaque de métal sur laquelle il y avait une marque : le symbole d’une planète noire traversée d’un éclair.
_ Etrenank !!
_ A vos souhaits !
_ Non, c’est le symbole d’Etrenank depuis qu’elle existe, sur cette plaque !
_ C’est quoi Etrenank ?
Je ne pris pas le temps de lui répondre, je me précipitai à l’intérieur. L'ancienne base Solarienne, à l’abandon depuis le départ des humains de cette planète ! C’était incroyable que le balafré l’ait découverte par hasard !
Je tombais en 1er sur une salle sombre, où étaient disposée un peu partout des consoles vétustes au possible. C’était de véritables antiquités, je n’en avais jamais vu de pareilles auparavant. Tout dans cette salle était recouvert d’une épaisse couche de mousse, et les petites bêtes et insectes pullulaient. Dire que cela faisait plus de huit cents ans que personne n’avait mis les pieds dans cette base… Mais il y avait une chose étrange, ça sentait le brûlé. C’est alors que mon regard se porta vers un amas de tôle calciné, j’entendis une voix derrière moi.
_ Ne vous en faites pas, il n’attaquera plus ! fit le balafré.
_ Vous avez trouvé autre chose à part de vieux robots ?
Il sortit de sa poche ce qui ressemblait à une vieille carte.
_ Faites moi voir ça !
_ Ca servirait à quoi ?
Sentant sa réticence à me donner cette vieillerie, je lui arrachais de la main.
_ Hé !
_ Je m’y connais mieux en matériel Solarian que vous, alors laissez moi faire !
Je l’examinai attentivement, mais il n’y avait rien qui pouvait me dire ce que cette carte pouvait contenir.
_ Est-ce qu’il y a encore un appareil en état de marche, ici ? demandais je
Sans dire un mot, il pointa le doigt vers une autre salle au fond d’un petit couloir. Cela ressemblait une vieille salle de contrôle, le plus incroyable était qu’il restait un ordinateur encore en état de marche. Je dégageais d’un coup sec de la main un bon centimètre de poussière et saisis quelques commandes basiques que mon instinct me dictait sur cette machine archaïque. Une petite fente s’ouvrit alors dans la console. Elle correspondait exactement à la taille de la petite carte. J’hésitai un instant, puis je la plaçai dedans avec une infinie précaution. Des symboles étranges s’affichèrent en masse sur l’écran à moitié cassé en face de moi. En école militaire, j’avais étudier l’histoire d’Etrenank et les technologies du passé m’avaient particulièrement intéressés… cela allait enfin me servir à quelque chose…
Je retirai la carte de la fente, le balafré commençait à se poser des questions.
_ Alors ? Vous avez trouvé quoi ?
_ Cette carte est encodée dans un vieux langage informatique Solarian ! Je pourrais rien faire ici, mais je pourrais peut être en déchiffrer le contenu au Magellan !
_ Rentrez si vous voulez, moi, je retourne au village !
Il sortit de la salle en 1er et me laissa avec mes réflexions. Bizarre, comment une base qui datait de plus de 800 ans pouvait encore fonctionner ? Qu’est ce qui pouvait bien l’alimenter ?



Franck Rhoan :
Je portais le verre à mes lèvres, et avalait cul sec l'eau et les comprimés.
Ca ne durera pas longtemps songeai-je en rebouchant le flacon et en le reposant sur une table.
Ce tube était le dernier de ma petite réserve que j'avais fauché à l'infirmerie. Des comprimés contre la fatigue, contre les spasme et convulsions mineures. Ainsi, moins de risque d’accidents dus au tremblement de mes mains. Un jour avant d'arriver sur Epsolin, mes mains devenait rigoureusement incontrôlable aux moins cinq fois par jour. Ces convulsion étant trop dangereuse, j'avais dû prendre des mesures. Ces médicaments, et deux "gants de métal relié à mes avant-bras, immobilisant en partie mes mains. Je pris une profonde inspiration, et me levait. Le prototype était presque terminé. Il ne me restait plus que la géode à facette à réaliser. La partie la plus délicate.
 
Foutues mains !
 
Rageant, je me saisis vivement d'une feuille de céramique, et la plaçai dans le ciseleur que j'avais construit de mémoire. Quand soudain, la porte du laboratoire s'ouvrit. Je me tournai, et leva un sourcil étonné. Un Nimrodh se tenait sur le seuil. Il étais plus petit que moi, sans doute un jeune. J'éteignis le ciseleur, et marchai vers lui. Me voyant arriver, il fis un pas en arrière, puis sembla se concentrer. J'allais lui dire de sortir, lorsque je sentis une onde de curiosité aller de lui à moi. Ce Nimrodh était curieux! Il voulait savoir ce que je faisais.
_ Et puis quoi encore ? marmonai-je. Je ne suis pas guide touristique, et ce n'est pas un parc d'attraction ici.
D'un geste ample du bras – pas trop brusque pour ne pas paraître insultant – je l’invitais à sortir. Il ne remarqua pas mon geste, trop occupé à observer le socle terminé du prototype de 2R2A. Irrité, je claquai des doigts devant ses yeux. Il eu un sursaut violent et me bouscula dans son mouvement. Incapable de maintenir mon équilibre, je tombai lourdement au sol. Il eu un autre mouvement de recul en me voyant par terre. Je tentai de me relever, mais mes jambes me trahirent, et cédèrent. Le Nimrodh tendis la main vers moi, comme voulant m'aider, mais je la repoussais violemment. Il pris peur, et détala, couinant comme un chat. De plus en plus irrité, je ramenai mes jambes sous moi, m'appuya sur le manteau de la porte du labo, et me relevai.
Peut-être devrais-je...commençai-je a penser.
- Non! me réprimandai je. Hors de question de demander de l'aide!


Dr Nilhane Bah :
Une nuit a passé. Puis un jour. Et la nuit est revenue.
Il n'y avait pas assez de couchettes dans l'infirmerie du Magellan, il a fallut donc laisser les malades dans le camp de fortune à coté du camp.
Seule cette Nimrodh là, je l'ai portée à l'intérieur.
Elle est en stade terminal. Elle s'est portée volontaire. Lilyah reste à mes côtés, pour servir d'interprète.
_ Dis-lui que ça va piquer, dis-je en préparant une seringue.
Lilyah murmure quelques mots, fait quelques gestes. La Nimrodh répond.
_ Elle dit que tu peux y aller, elle est prête, me traduit Lilyah.
J'enfonce l'aiguille dans la nuque de la créature.
Elle n'a plus rien à perdre. Bien sûr, ce que je suis en train de lui faire, je l'ai déjà essayé, prudemment, sur Xorth, et n'ai pas constaté la moindre altération de sa santé. Mais je ne pouvais pas appliquer le résultat de mes expériences sur Xorth aux malades, de manière aléatoire, sans une ultime expérience.
_Et maintenant ? Me demande Lilyah.
_ Maintenant ? Il faut attendre. Si demain, je constate une amélioration dans son état, j’appliquerais ce traitement à d’autres malades en phase terminale.
_ Pourquoi seulement au malade en phase terminal.
_ Ce n'est qu'un dernier recours, destiné à prolonger leur vie. Comme la drogue que je donne à Kara pour retarder le développement de son cancer. Ce n'est qu'un traitement, et ce n'est pas le remède. De plus...
_ De plus ?
_ Le produit que je leur injecte stimule leur système immunitaire, mais également leur pouvoir psychique. Je n'ai constaté aucun changement chez Xorth. Mais je suis mal à l'aise.
Je joue nerveusement avec mon stéthoscope.
_ Je ne les considère pas comme des rats de laboratoire sur lequel je peux faire des expériences. Tenter des choses sans être sûre de leur faire du bien me parait...
_ Mieux vaut faire des erreur plutôt que ne rien faire, me répond-elle. Tu n’as pas à douter de toi, dans la situation ou nous sommes, ce n'est pas un crime d'essayer des choses.
Je souris et regarde la Nimrodh. Elle s'est endormie.
_ Aide moi !
Nous l'amenons dans une des alcôves, là où sa famille l’attend. Lilyah leur explique, dans des termes simples, ce que j'ai fait, et qu'il faut attendre.
_ Après, Lilyah, tu peux aller te coucher. Il est tard.
_ Et toi ?
_ Moi, dis-je en rejoignant le labo, j'aimerais continuer à examiner cette pierre que Xorth m'a rapportée. Ce n'est pas possible, pendant la journée.
Ces deux jours ont été comme une plongée sans bouée dans un torrent fou. Scanner, prise de sang, analyse, et surtout, tout ces regards, tout ces regards qui attendent.
Sur terre, j'avais choisi Itokyo pour aider ceux qui étaient dans la misère, ceux qui loin du confort des bâtiments militaires, traînaient dans les bidonvilles. La misère ne me rebutait pas, puisque je n'avais jamais connu autre chose.
En découvrant le confort d'Etrenank, j'ai baissé ma garde. Il a fallut apprendre à me protéger, à garder la tête froide, même devant les patients les plus atteints. Je dois rester concentrée sur les symptômes. Renforcer leur système immunitaire, tout en cherchant à comprendre la maladie.
Dans ma salle d'expérience, je regarde la pierre. Enfermée à double tour derrière la parois translucide du cageot anti-irradiation ou je l'ai mise.
Je m'approche du boîtier de commande et manie le bras mécanique à l'intérieur du cageot pour récupérer les deux éprouvettes que j'y ai placé hier, et je les envoie directement à l'analyse.
Le résultat s'affiche sur mon écran. L'une des éprouvettes contenait mon sang. L'autre celui de Xorth.
Je fixe les résultats sans bouger. Les cellules humaines sortent intacte de l'exposition aux radiations de la pierre. Pas les cellules Nimrodh.
Etrenank. La ville espoir. La ville avenir. La ville où un meilleur monde, sans guerre et sans mépris, semblait possible, tant il y avait de penseurs et de philosophes pour la guider.
Pas de conclusion hâtive.
La pierre a tout d'une pierre volcanique. Pour l'instant, je n'ai aucune raison de croire qu'elle ai pu être créée artificiellement, d'ailleurs si elle l'avait été, je ne vois pas par quel moyen. Il me faudrait sans doute l'avis d'un géologue, mais je n'en ai pas à bord. Je reviens à l'éprouvette contenant le sang de Xorth. La réaction des cellules est curieuse. D'ailleurs, c'était curieux dés le départ, une irradiation n'est pas sensé être contagieuse.
On dirait que les cellule sécrètent quelque chose, quelques choses déjà contenues en elle, et qui, une fois libéré, provoque leur destruction.
Songeuse, je regarde le sang de Xorth se détruire lui-même lentement devant mon écran. Et soudain, un imperceptible mouvement de l'air, quelqu'un derrière moi, juste derrière moi, s'est approché sans que je l'entende. Je sursaute, me redresse, prête à frapper l'intrus, s'il m'attaque. Pour apercevoir l'ex militaire, debout derrière mon siège, le poing fermé sur quelque chose.
_ Bon sang, Jonas, ne vous approchez pas sans bruit comme ça, vous m'avez foutu la trouille.
_ Je ne me suis pas approchée sans bruit, mais vous étiez trop concentré pour m'entendre.
_ J'ai eu une rude journée, alors s'il vous plait, passons là dessus. Qu'est-ce que vous me voulez ?
Mon ton a été plus agressif que je ne l'aurais voulu. Je ne sais pas pourquoi, mais je ne supporte pas qu'il m'ait surprise au milieux de mes tâtonnements incertains. Il me regarde un instant, en apparence imperturbable. Puis hausse les épaules.
_ Sans importance, continuez votre travail.
_ Ne m'énervez pas, Atrayde, j'ai déjà la maladie des Nimrodh pour ça, et je vous assure qu'elle remplit très bien cette fonction.
_ Bon, écoutez, le Balafré a exploré un peu les environ, et il a découvert une ancienne base solarienne.
_ Une ancienne base ? En ruine ?
_ Non, curieusement non. Après Huit cent ans, elle fonctionne encore. Elle s'est auto-entretenue automatiquement pendant tout ce temps. Et nous avons trouvé ça.
Il me tend quelque chose. Une carte. Une carte magnétique.
_ C'est la première fois que je vois une carte magnétique de ce genre.
_ C'est un modèle d'il y a huit cents ans, docteur. Mais elle est encodée dans un langage d'il y a huit cents ans. Impossible de la lire. Mais avec le matériel du Magellan, j'arriverais sans doute à la décrypter. Il me suffit d'un code Alpha et d'un réinpolateur de transmission...
Je le regarde bouche bée. Il y a cinq minutes c'était un homme morne et apathique. Maintenant, il semble rempli d'une énergie nouvelle, ses yeux brûlent de passion.
_ Vous avez étudiez les technologies anciennes, dis-je.
_ A l'école militaire, oui. Mon père n'avait pas vu ça d'un très bon oeil, ça ne servait à rien pour ma carrière, mais j’adorais ça. D'ailleurs...
Il se tait soudain. J'attends avec impatience qu'il continue, mais il se renfrogne.
_ Bref, je pense pouvoir le décrypter, oui. Fait-il simplement.
Son regard me fuit. Il ne voulait pas m'en révéler autant sur lui-même, je le sens. Je voudrais poser des questions, une foule de question. Son père, l'école militaire, et les technologies anciennes. Je les retiens. Une part de moi est dérangée, de devoir admettre que dans ce colosse de cynisme, de froideur, il y a une place pour la passion, l'intérêt. Mais le médecin que je ne pourrais jamais cesser d'être triomphe. Jonas Atrayde a trouvé le fil d'Ariane qui pourra le mener vers la guérison.
_ Eh bien, dis-je d'une voix soudain très douce, je compte sur vous pour nous le décrypter, ce code. Il se peut que vous teniez entre vos mains un élément très important pour mes recherches.
_ Ce n'est peut-être qu'une carte d'accès à de vieux labos vides.
_ Peut-être. Mais c'est peut-être aussi la pièce manquante du puzzle.
J'hésite un peu avant d'ajouter :
_ Si vous la décodez, vous sauverez peut-être les Nimrodh.
J'ignore si cette phrase peut le toucher. Je n'ai d'ailleurs aucun moyen de le savoir. Je ne suis même pas sûre de la penser, mais je dirais n'importe quoi d'autre pour l'empêcher de s'éloigner, de ce couper de nous.
Le silence tombe entre nous. Il faudrait que je me remette au travail, et que lui parte commencer le sien, mais aucun de nous deux ne bouge.
_ Pourquoi m'avez vous sauvé la vie ? Finit-il par me demander.
_ Parce que je suis médecin, Jonas. Parce que c'est mon métier.
_ C'est la seule raison ?
_ C'est la seule. C'est dur à comprendre, sans doute, mais j'ai toujours été médecin. Je ne peux pas faire autrement, quand quelqu'un souffre, que de vouloir tout faire pour le guérir. C'est plus fort que moi. C'est ma nature.
_ En ce qui me concerne, commence-t-il...
Il s'arrête. Je sais qu'il allait dire "En ce qui me concerne la pitié aurait été de me laisser mourir", mais je fais semblant de ne pas l'avoir compris. Ne pas s'engager sur cette voie, non, surtout pas.
_ Je vais devoir m'y remettre, Jonas.
_ Je vais commencer à voir ce que je peux faire avec cette carte, dit-il.
Il s'éloigne vers la porte et se retourne.
_ Bonne nuit, docteur.
Pas d'ironie dans son ton. Il ne doit pas se rendre compte que je ne pourrais pas dormir avant plusieurs heures.
_ Bonne nuit, Jonas.
Je reste seule dans le silence du labo. Il faudrait que je retourne à l'examen du sang contaminé. Mais je me répète encore une fois ce que j'ai dit à Jonas. "Je ne peux pas faire autrement, quand quelqu'un souffre, que de vouloir tout faire pour le guérir."
Non. C'est vrai. Je ne peux pas faire autrement.
Je dirige mon curseur vers un dossier archivé, dans la mémoire des ordinateurs du labo. Un dossier intitulé "Franck Rhoan". Je n'ai pas fait d'examens à Franck Rhoan, il a du utiliser les appareil en mon absence. J'ai découvert ce dossier ce matin, et jusqu'à présent, j'ai résisté à l'envie de lire, attendant que Rhoan vienne m'en parler de lui-même. Mais il ne m'en parlera pas.
J'ouvre le dossier et regarde.


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