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Chapitre 17 : la cérémonie.


Pour retrouver Tan-Klaroz, Bianne a du prendre sa forme angélique une fois de trop. Son père, qui la recherche depuis des année, a pu ainsi retrouver sa trace. Ignorant encore qu'un ange est à leur trousse, les huit compagnons et l'élu de la prophétie s'enfuient loin de la forteresse où les légions de la manticore voulaient les enfermer.


Bianne :
          Nous galopons sans nous arrêter, sans réfléchir, sans nous concerter. Sans plus chercher à savoir ce qui nous arrivera. Sans penser à rien, qu'à fuir, fuir loin de cette forteresse. Nous sommes à nouveaux dans une forêt à présent, mais quelle lugubre forêt ! Les arbres y sont décharnés, défeuillés, squelettiques. Un vent froid souffle sur les roches, les faisant siffler comme des âmes en peine. Puissance des Célestes ! Mais dans quel coin d'Islotanra avons nous atterri ? Impossible de s'interroger, la nécessité est de mettre le plus de distance possible entre nous et nos poursuivants.
            Len et Lhao ont fini par ramasser le barbare sur leur cheval. Harkan peine avec le sien. Ses mains blessées l’empêchent de guider les rennes. La notre souffre sous le poids des deux cavaliers. Décidément, on ne tiendra pas longtemps à ce rythme.
_ Messire Tedzek, soufflé-je difficilement, il vaudrait mieux pour nous changer de monture. 
            Il hoche la tête et fait bifurquer notre cavalcade hors du chemin. Les deux autres chevaux suivent par réflexe. Farkas tire sur les rennes et mets pied à terre.
_ Renvoyez les chevaux sur la route, crie-t-il.
          Je saisis les quatre montures par la bride et les ramène sur le chemin, tandis qu'il se transforme dans mon dos. Je n'ai même pas besoin d'effrayer les chevaux. Ils s'enfuient au triple galop dés qu'ils sentent la présence du dragon. Quand je rejoins les autres ils sont déjà tous montés sur le dos de notre ami métamorphosé. Je m'y installe avec eux, et nous décollons vers le ciel sombre. Au loin, pointe les lueurs de l'aube. A nos cotés, Tan-Klaroz est peu à peu en train de reprendre sa forme masculine. A son visage, je le devine soulagé. Il ne supporte pas sa forme nocturne. Je me glisse vers Harkan.
_ Montrez-moi vos mains.
_ Ca va, me répond-t-il abruptement, en évitant de croiser mon regard, ce qui arrange plutôt mes affaire.
_ Ne faite pas le gamin, et montrez.
            Avec une mine boudeuse, il tire ses mains de derrière son dos. Je les prends dans les miennes. Un frisson parcours malgré moi mon échine à ce contact. Je suis furieuse de me sentir ainsi. Je me compose un visage dur pour dissimuler mon trouble.
_ Il faut décidément toujours que vous vous fassiez remarquer, Harkan.
           Il ne réponds pas, tout aussi renfrogné que moi.
           Je cherche la lumière en moi, l'appelle... Quelques instant mes paumes se mettent à irradier contre les sienne.
           Ses plaies sont cicatrisées à présent. Je peux retirer mes mains. Je dois le faire. Je m'y attarde malgré moi. Lui ne fait rien pour m'éloigner. Je relève la tête. Nos regards se croisent. C'est alors que CA se réveille. Une aiguille de feu dans la poitrine. Je me redresse, paniquée.
_ Non ! Non ! Ce n'est pas possible !
            Je perds l'équilibre et manque de tomber du dos du dragon. Harkan me rattrape. Je me débats. Je dois fuir. Maintenant. Il est là. Il s'approche. Je le sens qui noue, de plus en plus solidement, le lien que je m'étais efforcée de défaire durant tout ce temps.
_ Lâches-moi ! Lâches-moi !
           Je crie maintenant comme une folle. Les autres me regardent tous avec des yeux ronds. Il faudrait que je leur parle, que je leur dise... Je n'arrive pas à penser. Il n'y a plus rien d'autre que la terreur, et cette présence en moi, qui grandit, qui grandit.
_ Farkas, hurle Thurim, il faut se poser, maintenant !
          Ma vue se trouble. Je remarque à peine le changement de sol. Je suis couchée au sommet d'une montagne, mes amis son penchés sur moi, Farkas à repris sa forme elfique. Va-t-en... S'il te plait. Va-t-en...
Sabrane s'est penché sur moi.
_ Dame Bianne, s'il vous plait, dites nous ce qu'il y a.
_ Il... il arrive...
_ Qui ?
            Je n'ai pas le temps de répondre.
            Ca éclate en moi, à présent. Il est là. Invisible. Il tire sur le lien qui nous lie, comme un pêcheur sur son hameçon. Je sens malgré moi l'extrémité de mes doigts qui commencent à se métamorphoser. Non ! Je dois garder ma forme humaine, coûte que coûte.
           J'entoure Sabrane de mes bras et le serre contre moi, comme un naufragé à la plante du salut. Rester humaine. Surtout, rester humaine. Il ne peut rien tant que j'aurais ma forme humaine. Thurim a redressé la tête. Il a senti sa présence le premier. Mais tous doivent la sentir à présent. Il est beaucoup trop là. C'est intenable, ma forme humaine ne peut en supporter autant. Mais il faut que je tienne, il le faut.
         Tu as été si longue à trouver, Nabnie Hata
         Je ne réponds rien, et ferme mon cœur autant que je peux. Pouvoir de mes ancêtres Aegis, aidez moi à tenir.
         Regarde ce que tu es devenue.
         Dans mes bras, Sabrane s'est mis à trembler. Il jette des coups d'oeil à droite et à gauche pour essayer de comprendre d'ou viens la voix.
_ Mon enfant
         Deux mots. Une bouffée de colère. La délivrance. Avec soulagement, je peux enfin me redresser et l'affronter en face. Ma fureur est ma force.
_ Je ne suis pas ton enfant, Eshiïl ! Je suis la Karnac d'Escarul, le peuple que tu as abandonné !
         Un silence. Je tremble toujours, mais je sens la présence des autres autour de moi. Ca me rend assez forte pour lutter.
_ Va-t-en ! Je ne te laisserais pas brûler mon humanité. C'est le seul héritage qui me reste encore de ma mère, je ne te laisserais pas me le pendre. Retourne parmi tes Célestes !
         Il se tait. Tous se taisent. Ils ne comprennent pas ce qui est en train de se passer, ni à qui je parle, ni de quoi je parle. Puis l'air se mets à frémir imperceptiblement. De multiples particules bleues et lumineuses se rassemble devant nous, prenne une forme... Je l'ai obligé à apparaître.
         Eshiïl, mon père...

Thurim Vessiel
          Il me semblait bien l'avoir entendu prononcer ce nom étrange une fois, une seule fois, pendant qu'elle se croyait sans doute hors de portée d'une oreille aussi indiscrète que la mienne. J'ignorais jusqu'à maintenant à quoi correspondait ce nom, mais la voix profonde venue de nulle part qui venait de parler venait de nous épargnez bon nombre d'explications tardives. Même s'il n'avait prononcé que simplement deux mots, tout devenait très clair : "Mon enfant". Ainsi, Bianne, ou plutôt Nabnie Hata, puisqu'il s'agissait de son vrai nom, avait renié les siens. C'était donc son père en personne qui daignait à présent nous rendre visite sur le plancher des vaches afin de réclamer sa descendance.
           C'est alors qu'apparut devant nous une forme humaine, entourée d'un halo de lumière bleuté. Il était de grande taille, sa silhouette svelte. Son visage fin rappelait à s'y méprendre celui des elfes, tout comme la longue chevelure, blanche comme les neiges éternelles des montagnes orientales. Une fragilité extérieure qui cachait à merveille une puissance terrifiante à l'intérieur, peut être même cette force était-elle encore bien supérieur à celle, pourtant destructrice et démoniaque de Malk Shur. Lorsqu'il prenait la parole, ses lèvres ne bougeaient pas, comme s'il s'adressait à nous par la seule voie mentale, préférant ne pas user de sa salive immortelle avec les pauvres humains que nous étions.
« Humains, vous êtes en présence d'une force mille fois supérieure à la votre ! Nabnie Hata ! Rendez-moi immédiatement ma fille, ou vous serez détruits !
_ Moi seule ai décidée d'accompagner ses gens, tu ne peux me forcer à rentrer parmi tes tiens, Eshiïl ! Cria Bianne, qui s'était avancée vers lui.
_ Tu veux dire, parmi les NOTRES, Nabnie Hata ! Tu es, et tu resteras une Céleste ! Je t'emmènerais avec moi par la force, si tu m'y obliges ! Mais je voudrais cependant que tu viennes avec moi de ton plein gré. Je ne veux plus continuer à devoir te chercher, il est temps que tu reprennes le rôle que tu dois assumer. »
           Il lui tendit une main, aussi maigre que le reste de son corps, en signe d'invitation. Bianne le refusa.
« Il est hors de question que je retourne parmi TON peuple ! Tu ne me feras jamais changer d'avis !
_ Ces temps passés parmi les humains ont obscurci tes jugements, ma fille. C'est une gangrène qui s'est propagé dans tout ton être ! Je t'emmène avec moi, que tu le veuilles ou non, et je te libérerais de cette humanité qui a parasité ton esprit ! »
           Le corps du Céleste se mit à s'illuminer, jusqu'à presque devenir aveuglant, se préparant sans doute à capturer Bianne. Mais alors qu'elle reculait, prise d'une certaine appréhension, nous nous interposâmes tous au milieu de ce conflit de famille. Même Sabrane eut le courage de se dresser face à cette toute puissance rayonnante.
           Il se remit alors à nous parler mentalement, tout en concentrant sa force en vu d'une attaque.
« Ceci est mon dernier avertissement humains : écartez-vous de mon chemin et occupez vous de vos affaires mortelles, ou je vous détruirais sans aucune pitié !
_ Bianne est une amie, nous ne nous vous laisserons pas l'emmener contre sa volonté ! Cria Harkan.
_ La prophétie se doit d'être accomplie. Vous ne passerez pas ! Hurlai-je à mon tour.
           Mais alors nous nous apprêtions à nous ruer tous ensemble sur notre ennemi, tout s'arrêta. Je sentis au plus profond de mon âme un grand malaise, correspondant à une immense montée en puissance. Les oiseaux ne turent, le vent qui soufflait sur les feuilles tomba, tous eurent leur souffle coupé et cessèrent de respirer. Au dessus de nos têtes, le tonnerre commença à gronder, de telle manière qu'on aurait cru à une tempête. Une pluie fine se mit à tomber, attirant même l'attention du Céleste. Personne n'eut un œil assez rapide pour le voir que plusieurs arbres autour de nous furent frappés par la foudre et prirent feu. Le ciel se devint littéralement un amas de lumière blanche et de bruits d'enfer, comme si tous les Dieux d'Islotanra avaient décidés en même temps de déchaîner leur fureur sur la terre afin de la rayer du Plan des Etoiles. Je ne m'en rendis pas compte tout de suite, mais c'était bien moi qui avais déclenché ce véritable holocauste céleste, qui, agissant sur les masses d'air au dessus de ma tête, avait créé, ces éclairs... Le Vent ! Je venais de découvrir un pouvoir que je ne contrôlais pas... Mais je pouvais toujours le guider.
_ Ecartez vous, tous !!
           Surpris, mes compagnons prirent mon ordre pour tel et s'écartèrent de moi.
_ NIBELAR IRNA FIRRRILNA VALESTI
           J'achevais de prononcer mon incantation qu'un coup de tonnerre, comme n’en serait capable produire Carbunckle seul, vint frapper de plein fouet l'angélique ennemi. Ne laissant qu'après dissipation, un cratère d'au moins vingt pieds de profondeur. Je me retournais vers mes amis, effarés.
_ Tzal Valesti  "le cachot des Dieux". Cela le maintiendra enfermé dans une prison hors du temps et de l'espace pendant un moment... mais il sera sous doute capable de s'en libérer. Il nous faut partir sans attendre !



Farkas Tedzek

            Nous enfuir ! C'était vite dit ! On était près du sommet d'une montagne ! Et hors de question de me transformer à nouveau en dragon ! Le temps que j'effectue ma métamorphose et que tout le monde embarque, le "père" de Bianne se serait certainement libéré. Nous n'avions pas d'autre choix que de courir droit devant nous, essayant de mettre te plus de distance possible entre notre groupe et _ comment l'avait-elle appelé déjà ?
           Grâce à mon agilité naturelle, je me retrouvai rapidement en tête du groupe. Cherchant un endroit sûr, mon regard s'accrocha rapidement vers un petit groupe d'arbres accrochés comme par miracle à la roche. Ralentissant à peine, je me rapprochai pour mieux voir. Ces petits groupes d'arbres, d'apparence anodine, pouvaient cacher un passage que les elfes utilisaient pour les longs voyages. Peut-être que justement celui-ci... Oui !!!
« Venez par ici, criai-je aux autres. J'ai trouvé un moyen d'aller très loin d'ici.
            Ces derniers mots attirèrent mes compagnons vers moi comme la lumière d'une torche attire les papillons de nuit.
_ Qu'est-ce que c'est ? demanda Harkan.
_ Un portail magique elfe qui permet les voyages sur de longues distances, expliquai-je.
_ Et il mène où ? demanda Thurim.
_ Je ne sais pas, répondis-je. Mais ces portails permettent de parcourir des centaines de lieues en un battement de cœur. »
          Et sans hésiter, je plongeai dons le trou que cachaient les arbres... pour me retrouver dans une paisible forêt, non loin d'une petite clairière. Je me retournai et vit Bianne apparaître, suivit du reste du groupe. Skronk étant le dernier.
Nous nous regroupâmes dans la clairière avoisinante pour faire le point.
« Bon ! Et maintenant, que faisons-nous ? Demandais-je.
_ La prophétie ! répondit Bianne. Il y a une cérémonie à faire pour que Tan-Klaroz...
           Mais tout à coup, Skronk se mit à crier:
_ Skronk se souvenir ! Skronk doit dire quelque chose d'important !
_ Qu'est-ce qui lui prend ? demanda quelqu'un.
_ Il avait l'air de ne pas comprendre comment on avait changé de lieu si rapidement. Je voulais lui faire comprendre, mais je me suis trompé, je lui ai lancé un sortilège pour améliorer la mémoire, répondit Sabrane.
_  Et apparemment, ça a marché rétorqua Thurim. »


Skronk

           Au beau milieu de la foret, Skronk est assailli par les souvenirs. Plus rien autour de lui ne semble réel, par moment il se voit dans le désert, il y a si longtemps quand les oiseauxchantaient encore, puis revient la foret silencieuse, tout le monde autour de lui atteint visiblement quelque chose. Skronk essaie de faire de l'ordre dans ces idées, comme si une partie de son cerveau lui montrai quelque chose qu'il avait sous les yeux mais qu'il se refusait à voir. La raison de son voyage, Anuzik l'a toujours mis en garde de ne pas oublier, mais c'était trop dur à garder. De toute façon, il avait ordre de ne le dire que au roi, mais maintenant que Skronk commence à se souvenir il ferait bien de le dire ici, à tous ceux qui l’écoutent, comme ça il aurait accompli une part de cette satanée mission et pourrait retourner chez lui.
           Ce sont les mots de l'oracle qui sort de la bouche de Skronk :
« Les huit se regrouperont sur la montage où ne pousse aucune plante, où le ciel et la terre se rejoignent, où la lumière et les ténèbres cohabitent, où la vie et la mort ne sont plus contraire, où le feu et l'eau ont même couleur, la contrée oubliée jadis appelée : "Aerestil Nothara". » Apres cette tirade, Skronk s'assiet essoufflé, comme si d'avoir dit tout ces mots était la plus grande épreuve qu'il n'ait jamais eu à affronter.


Bianne

             Un silence tombe dans la forêt. Nous sommes immobiles. C'est la première fois que nous entendons le barbare parler autant. J'ai entendu les mots, mais ils n’ont pas encore terminé de pénétrer mon âme. J'entends quelqu'un derrière moi murmurer : "Mais qu'est-ce qu'il a dit ?". Enfin, mon esprit intègre l'information. Aerestil Nothara. Voilà donc ce pourquoi il était là. Voilà donc, le rôle qu'il avait à jouer parmi nous !
            Je m'approche du barbare et le secoue.
_ Ce n'est pas tout ? Ca ne peut pas être tout ! Il y a forcément autre chose ! Où est-ce ? Comment y va-t-on ?
           Il me regarde.
_ C'est vraiment tout, Skronk ? Vraiment tout ce que contenait le message ?
            Il me regarde avec des yeux vides. Il ne peut pas m'entendre, bien sûr... Mais il n'a rien de plus à dire.
            Thurim s'approche, soucieux lui aussi.
_ Amdesco netroth. Ce qui ne doit être prononcé qu'une fois. Ce message a été implanté en lui, et il ne peut plus le répéter. Cet homme a du être conditionné des années durant pour porter cette information et ne la dire qu'à qui de droit.
            Je hoche la tête.
_ Oui. C'est pour cela, sans doute, qu'il est ainsi aujourd'hui. Un esprit ordinaire ne résiste pas à ce traitement.
_ Dites, intervient Len, nous aussi, nous aimerions comprendre.
            Thurim se tourne vers les autres, tandis que je me penche sur Skronk qui, épuisé, s'est laissé tombé au sol.
_ Aerestil Nothara. La porte du Ciel. Elle peut mener n'importe où dans l'univers. N'importe où. Même sur Kargor Dûm, la planète où dort, depuis des millénaires, le Dieu dont le nom ne doit pas être prononcé. Et notre ami barbare vient de nous livrer une description du lieu ou nous pourrons la trouver.
           Les autres se taisent de nouveaux... Se regardent. L'elfe fixe Thurim droit dans les yeux.
_ Vous ne croyez pas ce que vous dites, Thurim. Un homme de science comme vous n'y croit pas.
_ Jusqu'à ce matin, je ne croyais pas aux Célestes. Et jusqu'à quelque jour, je ne croyais pas aux prophéties. Mais puisque cette porte nous est livrée, elle doit exister.
_ Une porte, répète Sabrane. Une porte qui mène sur l'astre ou vit le Dieu...
_ Quelle idée d'habiter sur un astre, marmonne Len.
_ Les Dieux ont toujours la folie des grandeurs, rétorque Harkan, sans joie.
            Lhao s'est approché du barbare, toujours prostré.
_ Il savait ça depuis le début, et il nous a rien dit !
           Je me redresse, bien décidée à éviter une altercation.
_ Il nous a livré son message en temps et en heure. Maintenant laissez-le. Il est épuisé. Vous voyez bien !
           Lhao continue à regarder le barbare avec un regard mauvais.
           Resté à l'écart, Tan-Klaroz s'est adossé à un arbre, serrant sa faux dans ses mains. Il est soucieux.
_ Bianne. Il ne nous a rien dit.
_ La description peut sembler vague, dis-je. Mais si elle nous a été livrée telle quelle c'est qu'elle est suffisante pour trouver l'endroit.
           Le sourcil froncé, Harkan récite :
_ "Sur la montagne où ne pousse aucune plante, où le ciel et la terre se rejoignent, où la lumière et les ténèbres cohabitent, où la vie et la mort ne sont plus contraire, où le feu et l'eau ont même couleur" Sans vouloir vous offenser, ça veux dire tout et n'importe quoi.
          Je perçois son sarcasme. Mais je perçois autre chose aussi. Quelqu'un vient de s'ouvrir à une émotion inconnue. Je le cherche du regard. Len. Len est devenu très pale.
_  Dites... Vous allez rire... Mais je crois que je connais l'endroit en question...
_  Comment ?
_  Un souvenir qui me revient. Un souvenir d'avant mes six ans. Je n'en avais jamais eu. Je vivais près d'une montagne. Et puis la terre s'est mise à trembler. L’herbe a cessé de pousser. Il s'est mis à faire nuit et jour à la fois. Et une eau de la couleur du feu s'est mise à couler.
_  Un volcan, marmonne Thurim.
 _ C'est cela. C'est notre porte. Dis-je, soudain très excitée. Len, vous sauriez retrouver l'endroit ?
_ Si je retourne à la cascade où on m'a trouvé... Je crois que oui. Je crois que je sauvais trouver...
           Le dessin se précise. Les pièces du puzzle se rassemblent. Je regarde Thurim, puis Farkas.
_ Alors, fait Sabrane, quand le Dieu se réveillera, nous n'aurons qu'à rejoindre cette porte pour aller l'affronter ?
_ Pourquoi attendre ? Lance soudain Thurim d'une voix forte. Pourquoi attendre qu'il se réveille. Nous le regardons tous, interloqués.
_ Vous rigolez, fait Harkan.
Mais le visage du sorcier est plus grave que jamais.
_ Pourquoi attendre qu'il se réveille ? Pourquoi ne pas allez au devant de lui tant qu'il est encore vulnérable ?
          Je me sens traversé par la vague d'angoisse qui naît dans les huit cœurs qui m'entourent. Aller plus vite que la prophétie. Anticiper. C'est la chose la plus folle qu'on ait jamais dite, et pourtant...
_ Nous réfléchirons, dis-je. Il y a plus urgent : la cérémonie qui doit réveiller en Tan-Klaroz de pouvoir de la race Georym. Je vais vous expliquer toute la procédure.


Val Harkan

            Bianne entrepris de nous expliquer ce « rituel ». Personnellement je n'avais jamais prisé les cérémonies religieuses, et j'écoutais d'une oreille quelque peu distraite. Je retins donc uniquement les grandes lignes. Nous devions nous mettre en cercle autour de Tan-Klaroz, chacun placé devant un objet ou un être représentatif de notre pouvoir, puis, répéter chacun notre tour une formule en faisant en même temps usage de notre nouvelle capacité. Nous nous exécutâmes donc. Tan-Klaroz se plaça au centre la prairie tandis que nous cherchions les choses ou êtres précédemment cités. Le plus facile fut pour Farkas et Vessiel. Ils n'eurent qu'à se mettre à leur place, vu que la terre et l'air étaient omniprésents. Sabrane voulu faire apparaître un animal qui ainsi pourrait représenter la vie, mais il ne réussit qu'a se changer en chien, ce qui détendit un peu l'atmosphère. Vessiel lui redonna sa forme humaine et lui conseilla d'un ton patient.
_ Voyons Hyle, il vous suffit de prendre une branche d'arbre encore verte.
            Le barbare posa quelques difficultés. Il ne paraissait pas comprendre ce que l'on attendait de lui. En dépit des messages télépathique que Sabrane tentait de lui envoyer, il résistait, encore trop troublé, sans doute, par la révélation qu'il venait de nous faire. Il répéta plusieurs fois « Skronk pas comprendre » de sa grosse voix, jusqu'à ce que Bianne se penche vers le sorcier.
_ Thurim, lui chuchota t'elle. Pourriez-vous lui implanter une injonction à apporter de l'eau et à user de son pouvoir au bon moment ? Sabrane n'y arrivera pas tout seul.
_  Ca doit être faisable, répondit-il.
            Il prononça une formule en levant la main. Le barbare cligna plusieurs fois des yeux, puis s'éloigna dans les broussailles à grand pas.
_ Où va-t-il ? Demanda Sabrane.
_ Hé bien il va chercher de l'eau, répondit le sorcier.
_ Vous n'auriez pas pus tout simplement lui dire de la prendre dans nos gourdes ? Remarquai-je d'une voix sarcastique. Ca aurait pris moins de temps vu que le premier cours d'eau est à un quart de lieue.
           Vessiel me jeta un regard noir et je tournais les talons. Je sortis de ma sacoche rouge deux petits silex et une mèche d'amadou, puis j'entrepris de faire du feu. Ce fut au tour du sorcier d'être sarcastique.
_ C'est tout de suite plus difficile sans glycérine n'est-ce pas ?
_ C'est sûr. Tiens pendant que j'y pense, vous m'en devez une fiole.
_ Quoi ? dit-il incrédule.
_ Souvenez-vous : ma réserve a finit dans la gueule de votre démon.
_ Mon démon ? Répéta-t-il estomaqué.
_ Ca suffit, intervint Bianne, l'heure n'est pas aux enfantillages.
           Je souris et repris mon activité. La mèche pris très vite, ainsi que le bois et les bûches que j'entassai. J'eu bientôt un véritable feu de joie à moins d'un mètre de moi. Je jetai un regard alentour. La nuit tomba, fournissant à Len Arken son élément. Bianne émettait d'elle-même une légère lueur. Le cercle était presque complet, il ne manquait plus que le barbare. Nous l'attendîmes, patiemment. Il arriva au bout d'un quart d'heure, visiblement essoufflé. Alors la cérémonie commença.
           Bianne fut la première. Elle fit monter, puis tourbillonner la lumière autour d'elle, tout en déclamant :
- Lumière, je t'ai portée. A présent, lumière, je te donne.
           De la lumière pure sortit alors de son corps, forma un ange, et s'éleva au dessus du cercle. Nous nous regardâmes, et Vessiel pris la parole. Il fit souffler le vent, formant une petite tornade devant lui, puis prononça.
_ Air, je t'ai porté. A présent, air, je te donne.
            La tornade prit la forme d'un sage portant un bâton identique à celui du sorcier et s'éleva au même niveau que l'ange de lumière. Suivant le cercle, ce fut autour de Len, qui condensa dans ses mains une sphère d'ombre. Lorsqu'il eut prononcé la formule, l'ombre prit l'apparence d'un humain ayant des dagues au lieu de mains avant de rejoindre les deux autres. Cela continua. Sabrane, prit le rameau dans ses mains, puis donna vie à une petite fleur. Son pouvoir devint un enfant tenant un bâton de mage, puis monta. Farkas modela la terre, puis son pourvoir, prenant la forme d'un elfe, rejoignit les précèdent. Enfin, Lhao tua un insecte, en prononçant la formule. Nous eûmes quelques inquiétudes pour le barbare, mais il exécuta le rituel de façon mécanique. Un petit barbare d'eau s'éleva donc au dessus du cercle. Ce fut mon tour. Je plongeai la main dans le feu, et essaya d'en absorber une partie. Rien ne se passa. J'essayais a nouveau, mais sans plus de résultat. Le feu ne me brûlait pas, mais je n'arrivai pas à l'absorber. Les autres me regardèrent sans comprendre.
_ Bizarre, observa Vessiel, vous l'avez pourtant déjà fait.
_ Oui, répondis-je d'un ton las, comprenant le problème, mais à ce moment je n'étais pas le même.
           Bianne et Vessiel accusèrent le coup.
_ De quoi parle tu Riel'nal ? Me demanda Farkas.
_ Je ne suis qu'à moitié humain Farkas. Et lorsque j'ai utilisé mon pouvoir, j'étais sous ma forme....animale.
          Il eut un recul, mais compris à son tour.
_ Et il est hors de question que je me transforme ici, ajoutai-je.
_ Vous pourriez laisser remonter votre coté animal tout en gardant le contrôle et une apparence humaine ? demanda Vessiel.
_ Sans doute. Je le fais à chaque fois que je vais chasser.
           Je fermai les yeux, utilisant la même technique que pour faire pousser mes griffes. Mais cette fois ce n'était pas mes griffes qui devaient changer. C'était mon esprit, ma façon de penser. Au bout d'une minute, j'ouvris les yeux. La nuit, qui était jusqu'alors sombre, me parut presque lumineuse. Une profusion d'odeur me parvinrent, et je du me retenir de ne pas m'élancer dans les sous-bois. J'eu du mal à approcher ma main des flammes. Le loup a, par instinct, peur du feu. Je finis par plonger ma main. Le feu remonta alors le long de mon bras, et j'articulai la formule d'une voix grondante. Du feu s'échappa alors de mon corps, prenant la forme d'un loup, puis alla rejoindre les autres.
_ Et maintenant, fit Bianne, on répète tous la formule ensemble.
           Nous comptâmes jusqu'à trois et prononçâmes les mots ensemble. Les huit pouvoirs convergèrent alors vers Tan-Klaroz qui se mit à briller de manière indescriptible.

_ C'est fait, murmura Bianne.


Tan-Klaroz

             Tous les éléments tournent autour de moi en se mêlant. Puis soudain, ils de divisent à nouveau et plongent dans ma poitrine. L'énergie coule en moi. Chaque partie de moi, chaque particule de mon âme est imprégnée de ce pouvoir. Je sens que je me soulève de terre. Une lumière étincelante sort de mon corps et irradie l'espace. Je ferme les yeux et étends mes bras.
            La lumière s'éteint et la nuit reprend ses droits. Je me laisse tomber à terre et regarde mes "compagnons". Ils ont tous l'air fatigués. Lhao, Skronk et Sabrane s'écroulent littéralement par terre. Les autres sont debout et me regardent d'un drôle d'air. Je leur rends leurs regards avant de tourner les talons et m'éloigner d'eux.
            Arrivé(e) devant un immense chêne, je m'arrête et m'assoie, dos au tronc. Je me sens étrangement bizarre, et en même temps puissant(e)...
            Je sens toujours cette énergie en moi. Elle coule dans mes veines et me donne l'impression de vouloir s'échapper à tout moment.
           J'ai mal au cœur, je le sens lourd(e)... lourd(e). Comme si ce pouvoir était trop dur à porter pour moi. Comme si je n'aurais pas dû l'avoir...
           Et au juste... Pourquoi est-ce à moi d'être l'Elu(e) ? Pourquoi pas un autre ? J'ai affronté beaucoup trop d'épreuves jusqu'à maintenant. Et désormais je dois me battre encore une fois... contre un Dieu ! Comme si je n'avais pas assez souffert !
           Je balance une pierre le plus loin possible. J'hurle de rage et de peine, un hurlement qui secoue la forêt de toutes parts :
« POURQUOI MOI ?! »
            Je prends ma tête entre mes mains et me crispe. J'en peux plus...
           Une main se pose sur mon épaule et une voix profonde se répercute aux alentours :
« C'est maintenant que tu pleures ?
            Lhao ! L'Elfe noir ! Il est derrière moi avec une expression grave qui ne lui ressemble pas. J'enlève sa main de mon épaule.
_ Laisse-moi tranquille s'il te plait...
            Pour toute réplique, il s'assoit à côté de moi et soupire.
_ Les autres n'arrêtent pas avec leurs histoires ! Ca commence à me plomber.
            Il prend un de ses genoux et le colle contre lui. Tout d'un coup, je n'ai pas envie qu'il parte. Lui aussi est "héros malgré lui".
_ Je ne comprends pas pourquoi ils me mettent à l'écart ! J'suis comme eux pourtant !
_ C'est vrai, et en plus... Tu as un pouvoir très puissant ! La Mort !
            Sous l'impact de ma phrase, Lhao tourne la tête vers moi.
_ Tu trouves ? Tu sais pourquoi on m'a donné ce pouvoir, toi ?
- Peut-être, je commence, peut-être parce que tu es un Nécromancien ! Ou alors parce que tu as dû tuer beaucoup de personnes...
_ Oui... J'ai tué beaucoup de gens. Des femmes, des hommes, des enfants... énonce t-il.
_ Toi aussi ? Moi j'ai décimé mon village d'enfance. J'ai même tué ma mère...  
          Cette fois, Lhao me regarde dans les yeux. Il garde le silence, il cherche peut-être quelque chose en moi.
_... Le pire, je continue, c'est que je les ai tué sans le vouloir vraiment... par pulsion de désespoir...
_ Moi je tue par plaisir. J'aime voir les cadavres autour de moi. Entendre mes victimes agoniser et sentir l'odeur du sang. Tu sais... Tu as tué, tu as tué. On ne peut pas remonter dans le temps. Il faut accepter ce qu'on a fait dans le passé et profiter du présent !
            Il parle, il parle... Ces paroles me font du bien. Oui, il faut que j'accepte mes actions passées pour ne pas les refaire... Je sers ma faux et souris.
_ Merci Lhao... »
           Il écarquille les yeux. C'est peut-être la première fois qu'on lui dit "merci". Il sourit à son tour. Je voudrais lui poser une question qui me travaille depuis la discussion que j'ai eu avec Sabrane sur le clocher de Namur.
« J'ai une question... Sais-tu ce que c'est qu'aimer ?
           Lhao ouvre grand les yeux et ouvre un peu la bouche. Puis, il reprends son air normal et ajoute :
_ Non, ch' ais pas. Demande-le à Bianne. C'est un "ange" elle doit bien le savoir ce genre de trucs.
_ D'accord. Encore merci Lhao. "
          Je me lève et m'éloigne, je reprends le chemin vers la plaine et cherche Bianne des yeux. Je la trouve et lui prend le bras :
« Bianne... Peux-tu venir parler avec moi deux minutes ? »
           Elle hoche la tête, assez étonnée puis me suis vers un coin tranquille.



Bianne

            Je le suis... Ou la suis, puisqu'on est en pleine nuit... Non, je LE suis, puisque c'est ce qu'il préfère, être homme, plutôt que femme... C'est tout de même perturbant, cette silhouette svelte et féminine qui se profile entre les arbres devant moi. Sa faux à la main, et cette aura particulière, émanant toujours de lui depuis la cérémonie, il ressemble à quelque déesse de la vengeance.
« Nous sommes assez loin, Tan-Klaroz, dis-je d'une voix douce. Pose-moi ta question.
_ Que dois-je faire à présent ? Affronter ce Dieu dont je n'ai jamais entendu parler jusqu'à il y a quelque jour ? Sauver un monde qui n'a jamais voulu de moi?
_ Oui, c'est ce que tu dois faire. Et plus encore, car avant de détruire le Dieu, il faut que tu te rattache aux races qu'il a créé, pour les empêcher de disparaître avec lui.
_ Et comment dois-je faire ?
_ Tu n'as rien à faire. Il faut juste que du plus profond de ton cœur tu désires voir ce monde survivre. Les elfes avant tout. C'est eux qui risquent le plus.
_ Les elfes... Ceux qui nous ont chassés de leur ville ? Tu veux que je désire les sauver du plus profond de mon cœur. Bianne, comment pourrais-je ? Je ne sais même pas comment vous aimer, vous, qui êtes mes compagnons, qui me protégez. Et tu voudrais que, du plus profond de mon cœur, je désire la survivance d'inconnus qui ne m'ont fait que du mal. Nabnie Hata, je ne me sens pas capable d'accomplir cette tâche. Je n'en ai ni la force ni l'âme. Pourquoi a-t-il fallu que je le fasse, moi, qui suis incapable d'aimer ?
_ Il fallait que ce soit toi. J'ignore pourquoi. J'ignore même à quoi il peut servir que tu sois homme et femme en même temps. Mais si la race Georym se réveille en toi, c'est parce qu'elle ne pouvait pas se réveiller en quelqu'un d'autre.
_ Mais je ne sais pas aimer, Bianne. Je ne peux pas aimer les elfes. Ils disparaîtront, parce que mon cœur est paralysé.
_ Non, il ne peut pas l'être. Sinon, tu ne te donnerais pas tant de mal pour le faire taire. Tout est déjà en toi, Tan-Klaroz, la compassion, l'amour... Mais ce sont des sentiments trop lourds pour toi, qui a déjà tant à porter, alors tu te dérobes à eux, tu refuses de les écouter. Ils t'effraient. Mais tu n'as pas à les craindre. Tout était prévu depuis des siècles, et tout ce qui est en toi a une raison d'être.
          Il se tait, essaye de réfléchir. La lune tombe à travers les branchages, éclairant son visage de femme... Comme il parait fragile...
_ Bianne, qu'est-ce exactement, qu'aimer ?
         Je soupire, émet un rire fatigué... Pourquoi est-ce toujours à moi de répondre à cette question ?
_ Il y a autant de façon d'aimer que d'être sur terre. Comment pourrais-je te répondre ? Tu sais déjà la réponse que tu veux entendre, moi pas.
_ Réponds-moi, s'il te plait.
          Et pour la deuxième fois, je fais l'effort de prononcer quelques évidences. Il ne les écoutera pas, de toute façon, il n'écoutera que ce qu'il est en train de découvrir de lui-même.
_ L'amour prend bien des formes. Il s'empare de toi quand tu ne l'attends plus. Il te fait regarder un être comme si soudain, il était devenu le centre de tous les univers. Tu le vois auréolé d'une lumière qui n'entoure pas les autres. Ou alors il dort en toi, longtemps, et te murmure imperceptiblement à l'oreille, "Lui, lui, c'est lui qu'il faut regarder, c'est lui et aucun autre" et peu à peu, tu dois te rendre à l'évidence. Mais il y a des constantes. Quand tu aimes, la présence de cet être devient aussi importante que l'air et l'eau. Le fait qu'il existe, ça se mets à compter, le fait qu'il continue à exister, ça devient primordial, et le fait qu'il sache que tu existes, même en mal, c'est plus qu'une nécessité. Et il ne faut chercher ni à juger, ni à comprendre. C'est un élan qui part de toi, malgré toi, spontané, irréfléchis, et ni la raison, ni la volonté n'y ont à voir. Mais il ne faut pas chercher à le retenir. Souvent, l'autre se montre décevant, cruel, il profite. C'est dangereux d'aimer. Mais il ne faut pas se retenir. Car si tu te retiens, ton cœur dépérira, et tu ne sauras plus vivre.
            Je me tais. Il est déjà parti dans son propre coeur. Comme tu le faisais autrefois, mon bien-aimé, qui me posait des questions sans écouter les réponses, car ces réponses, tu les avais déjà. Tan-Klaroz se tait et médite. Je sais qu'il doit chercher en lui. Il y a trop longtemps qu'il a fait taire tout ce qui pouvait le mener à cela, qu'il s'en défend. Je sais qu'il ne peut pas effacer, en quelque minutes, des années de silence et de peur. Pourtant, mon amour, il ne t'avais fallu que quelques mois pour effacer des sciècles.
_ Tu sauras, Tan-Klaroz. J'ai confiance en toi.
_ Et si je ne sais pas ? Farkas et Lhao disparaîtront ? Avec toute la race Elfe ?
_ Tu sauras.
            Je pose la main sur son épaule. Juste la main. Tan-Klaroz n'est pas le genre de personne qu'on peut étreindre juste pour le rassurer. Et je reste ainsi, le temps qu'il réfléchit. J'évite de le regarder. Je sais qu'il a honte de cette forme nocturne. Pourtant, c'est une très belle femme...
_ De quoi parlaient les autres, avant que je vienne te chercher ?
_ De l'idée de Thurim. Allons-nous oui ou non aller au devant du Dieu avant qu'il se réveille ?
_ Et qu'avez vous conclu ?
_ Sabrane nous a tous mis d'accord, en faisant remarquer, très justement, que la décision ne pouvait revenir qu'à toi seul.
           Il se tait de nouveau. Puis se lève.
_ Alors, partons. Maintenant. Allons à la recherche du Volcan de Len.
_ Tu es sûr ?
_ Vraiment sûr. Je ne peux pas rester ainsi immobile.
_ Alors, je vais vous transporter, dis-je. Mon père sentira ma présence, mais il ne nous suivra pas, là ou nous allons.
_ Soit. Mais partons vite. »
           Il ramasse sa faux, et reviens vers les autre. Je trouve le groupe anormalement silencieux, respectueux. C'est comme si la cérémonie avait changé nos rapports. Jusqu'à présent, nous étions mage, sorcier, chasseuse de prime... Maintenant nous sommes bel et bien les huit compagnons de l'Elu(e).
           Je me tourne vers Len, tandis que Tan-Klaroz informe les autres de sa décision.
« J'ignore où nous allons. Il va falloir que vous me guidiez. Essayez de vous concentrer sur vos souvenirs.
_ Bien. »
          Ils se rassemblent autour de moi, tandis que je me transforme. Je les emporte sur mes ailes, loin, loin, vers l'inconnu.


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