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Chapitre 14 : Une ruine appelée foyer

             Pour vaincre Malk Shur, un démon revenu des enfers pour s'attaquer à Thurim Vessiel, Bianne et Val Harkan ont du unir leur force et enterrer définitivement leurs vieilles rancunes. Pour prix de ce geste, chacun a reçu un don. Val Harkan est désormais relié au feu, Bianne à la lumière. Maintenant, il faut vite délivrer Farkas Tedzec, et retrouver Tan-Klarôz

Lhao :

          Des jours, ça faisait des jours que j'attendais, près de cette statue de glace, à essayer de la maintenir à l'abri des mauvais sorts.
           Les premiers jours, j'étais furieux. Je rageais, bouillonnais, fulminais, mais comme je n'avais que cette satanée statue à insulter, cela ne m'avançais pas à grand chose.
          Au bout du troisième ou quatrième jour, j'avais déjà épuisé tout mon répertoire d'insultes, et pourtant, il y en avait beaucoup. Je me contentais de rester à côté à ronger mon frein. Mais qu'est-ce qu'ils fabriquaient tous ? Ils m'avaient oublié, ou quoi ?
           Les jours et les nuits continuèrent de s'enchaîner. Je ne comptais même plus. Ne fulminais même plus. Je ne faisais plus rien que rester là, à attendre... Attendre... Attendre... C'étais bien la première fois que j'attendais vraiment, que j'arrêtais de penser à ta bataille, et ou sang que je voulais faire couler.
           Et arriva cette fameuse nuit, ou je ne pensais plus à rien, et où je regardais le feu.
           Il me manquait du bois sec. Il venait de pleuvoir, et je n'avais que du bois vert.
Je tendis la main vers l'une des branches que j'avais coupée, et la regardais l'esprit vide. Ca s'éveilla alors en moi. Ca me traversa. La branche que je tenais sécha, devint bonne pour le feu. Mais je n'y songeais plus, je ne pensais qu'à ce lien qui venait de s'ouvrir en moi. Mon élément. La sérénité absolue. La mort.


Len Arken :

           Je marchais toujours avec mes compagnons. Sabrane nous avait redonné le courage. Finalement, ce petit avait ses moments. Quelques heures plus tard, nous étions sur le point d'entrer dans une caverne pour y dormir. Juste à temps, de la pluie commençait à tomber. C'était assez curieux, d'ailleurs, la pluie commençait presque toujours à tomber quand nous arrivions à proximité d'une caverne pour y dormir. En fait, je commençais à avoir l'impression que la pluie se mettait systématiquement à tomber chaque fois que nous mettions Skronk de mauvaise  humeur.
« Allez, on rentre la dedans, c'est un endroit qui a l'air assez bien protégé pour se reposer. Fit Sabrane
           Il rentra le premier.
_ Skronk »fis-je.
Mais le barbare resta en arrière et se roula en boule.
« Skronk pas vouloir entrer là-dedans! Des lutins sont sûrement là! Skronk n'aime pas les lutins!
_ C'est quand même pas quelques petits lutins qui vont lui faire peur, répliqua Sabrane.
          A force d'effort, il était parvenu à maintenir un fil télépathique constant entre lui et Skronk, pour que celui-ci puisse entendre mes instructions malgré sa surdité. Dommage qu'il ait oublié ce détail au moment de faire sa remarque.
_ SKRONK DETESTE LES LUTINS ! Skronk être résistant! Skronk ne jamais attraper froi...oid...ah...ah...TCHOOOOOUUUUUMMMMMM ! »
           Skronk finalement entra dans la caverne.
La caverne était sombre.
« LUTINS!
_ Mais non, c'est juste un rocher pointu, répondis-je dans le vide.
_ Qu'est ce qu'il a ? demanda Sabrane.
- Apparemment, la phobie des lutins.
_ Messire Len, si vous voulez, je possède un sortilège qui me permettrait de l'endormir pour qu'on...
_ Nan, ça va, si tu fais ça, on aura de la chance s'il se réveille dans les siècles qui suivront...
_ AAAARRRRGGGGHHHH ! SKRONK DETESTE LES CAVERNES! SKRONK AURAIT JAMAIS DU VENIR ICI ! SKRONK VEUT SORTIR !
_ Enfin, en dernière extrémité, je pense qu’on n’a pas le choix. Vas-y, petit, mais bride ta puissance! »
           Sabrane leva une main en l'air et incanta:
« Soporificus Infligeum! »
           Immédiatement, une boule jaune de taille moyenne se forma dans sa main et fut projetée vers
           Skronk qui, quand il fut touché, tomba endormi profondément.
« Ne vous en faites pas, messire Len. Je possède un sortilège qui permet de le réveiller immédiatement.
_  Bien…fis-je avec un sourire hésitant. »
             On ne tarda pas à s'endormir
             Je fus réveillé alors que la nuit était toujours présente. La pluie avait cessé. Des bruits se firent alors entendre du fond de la caverne. Quand mes yeux se furent habitués à l'obscurité, je réussi à distinguer un lutin.
          Un lutin ? Rien de bien grave. Surtout ne pas réveiller Skronk, ou il dégénérera et risquera de nous tuer.
          Soudain, j'en vis un deuxième. Puis un troisième. Je distinguai le fond de la caverne pour voir...
          Une armada de lutins !
_  La, on a un problème, murmurai-je.
          Les lutins s'approchaient de nous... Je cherchai une solution pour nous en sortir. Je tendis soudain ma main vers l'un deux alors qu'ils faisaient autant dans ma direction. Immédiatement, l'ombre de la caverne sembla se réunir pour former une monstrueuse gueule de lion, dragon, loup, tigre ou autre animal avec ce genre de tête.
           Instinctivement, je projetai ma main devant moi. Alors, la tête partit tout droit dans cette direction et faucha le lutin en plein vol. Ensuite, elle se regroupa vers les autres lutins et je tendis ma main. La tête attaqua. Quelques minutes plus tard, il n'y avait pas un lutin vivant dans la caverne. Je refermai ma main et toute l'ombre reprit sa place dans la caverne.
« Wow! »
           Impressionné par ce nouveau pouvoir, je décidai de dormir et d'en parler aux autres le lendemain.
*
**
« On n'est plus très loin de l'endroit ou doit être Tan-Klaroz, lançai-je le lendemain. Bon, réveille Skronk et partons.
 _ Sveglio Infligeum! »
               Le barbare, ouvrit un oeil, puis deux, puis les referma.
« Euh... On dirait qu'il y a un problème.
_ Ah, bravo! Comment on fait, maintenant?
_ Ne vous en faites pas, j'ai une idée... ACQUA AVERSO !
_ Non, petit, ne fais pas... »
             Trop tard, un espèce de seau d'eau apparut et déversa de l'eau sans doute très fraîche sur la tête du barbare.
« WWWAAAAAUUUGGGGGHHHHHHH! QUI A FAIT ÇA !
             Je m'apprêtais à réprimander Sabrane pour la brutalité de ses méthodes, mais l'averse qui se mis aussitôt à tomber en écho avec les grognements du barbare me fit réaliser que celui-ci n'était plus à une douche près.
 _ Allez, en route. »

Skronk :

            Apres la douche forcée, et de surcroît complètement réveillé, Skronk, scrute l'extérieur de la caverne. il pleut encore. Mais Skronk se rappelle de la marmotte chassée hier, qui constituera un bon petit déjeuner, et ça le met de bonne humeur. Alors qu'il prépare la viande sur le feu que Sabrane vient d'allumer, il remarque que la pluie s'est arrêtée aussi brusquement qu'elle est venue. Le ciel est bleu, pas une trace de nuage annonciateur de pluie, du moins pas dans l'immédiat. Le chemin étroit de la montagne continue sur quelques kilomètres. Le petit déjeuner est vite avalé, et on se met en route.
             Après avoir escaladé, dégringolé, survécu à une attaque d'abeilles que Sabrane a malencontreusement dérangé avec son bâton - que Skronk s'est amusé à briser plusieurs fois, ils sont arrivés de l'autre côté de la montagne. Au fur et à mesure que le groupe progresse, la végétation se fait de plus en plus rare.
             Au détour d'un canyon bouché par un énorme rocher, Skronk découvre un squelette. Celui-ci n'a même plus de peau, les os apparents sont brillants comme nettoyés par le soleil. Len en déduit que c'est un marchant ambulant. Skronk l'entends dans sa tête. Depuis quelque temps, Skronk n'entends plus le lutin, dans sa tête, mais la voix de Sabrane et Len. Mais ça ne lui fait pas peur, parce qu'il a compris que c'était à cause de Sabrane, et que si jamais Sabrane essaye de l'embêter comme le lutin, Skronk saura taper Sabrane. A quelques mètres, l'expédition découvre un chariot remplit de marchandises, et les dépouilles de chevaux. Skronk profite que le petit magicien et son compagnon discutent, s'approche de la charrette, fouille un peu les débris. Souriant, Skronk découvre quelque chose qu'il n'espérait plus, un tonneau de bière intact ! Il se sert de sa hache pour ouvrir le tonneau, malheureusement il est vide. Maussade il se rapproche de ces deux compagnons toujours en grande discussion certainement pour déterminer un nouvel itinéraire. Skronk s'ennuie. Intéressé par le cadavre, Skronk s'amuse à lui faire tourner la tête autour de son cou.
           Quelque chose vient d'effleurer la main de Skronk ! Skronk veut partir maintenant ! Sabrane et Len se retournent vers lui, se demandant bien ce qu'il peut encore avoir fait.
            Stupéfaits, ils voient le squelette pendre au bras de Skronk, celui-ci se débattant comme un beau diable pour le lâcher, hurlant, courant dans tout les sens. 
           Skronk arrive enfin à se débarrasser du squelette qui maintenant gît a terre. La mâchoire semblant articuler des mots, Len l’écrase. Skronk n'entends pas ce qu'il dit. Il se demande pourquoi. Il regarde Sabrane, mais celui-ci a l'air d'avoir très, très peur. C'est peut-être parce qu'il a trop peur qu'il ne met plus les voix dans la tête de Sronk. Mais apres ce petit incident, la tension est palpable, Skronk n'a pas besoin d'entendre pour se rendre compte que le petit magicien n'est pas rassuré et que le rôdeur aimerait être ailleurs. De toute évidence, tout semble indiquer que leur proie est dans les environs, enfin surtout le bâton du magicien, et vu que la route est bloquée par le rocher, il semblerait bien que Skronk devra marcher encore pour contourner le canyon. Skronk ne veut pas escalader. Skronk préfère toucher le sol. Len et Sabrane, résignés devant le barbare têtu, ouvrent la marche.
               D'après la direction, la proie devrait se trouver derrière le canyon. Evidemment, avec tous les imprévus c'était difficile d'évaluer en combien de temps ils atteindront leur but. Au bout d'une bonne heure de marche ininterrompue, l'horizon laisse apparaître un clocher d'église, mais au-dessus le ciel semble obscurci, pas comme la nuit, mais comme si le ciel bleu avait terni. Aucun nuage pourtant.
           Au fur et a mesure qu'ils se rapprochent, tous les environs sont de cette couleur, que ce soit la terre, les arbres, comme si le temps s'était arrêté. L'entrée de ce village étrange est une sorte de portique de bois accroché entre deux rocher, Skronk essaie de déchiffrer le nom du village : Mamur, Cornofulgur, Namur...
           Skronk n'aime pas le village Namur, on dirait le Cimetière du village de Skronk. Ses deux compagnons, même si ils ne sont pas beaucoup plus confiants que Skronk, franchissent la porte, et celui-ci pas vraiment plus intéressé de rester tout seul se précipite à leur suite.


Tan-Klaroz :

             Des ruines, des ruines...
            Je suis assis(e) sur le clocher de mon village. Un vent léger, chargé par l'odeur de la mort, soulève mes cheveux et traverse ce qui reste de Namur. Je vois en bas les quelques spectres et âmes tourmentées qui cherchent à me rejoindre sans y arriver. Je sais pourquoi je suis inaccessible pour eux... Je suis leur bourreau.
            Cela fait presque dix ans que je n'y suis pas retourné(e), dix ans que j'ai fuis d'ici. L'érosion et le temps n'ont presque rien fait sur ces ruines.
             Lorsque j'ai franchi le portail de bois et de pierre, tous les ectoplasmes ont accouru pour essayer de voler mon âme. Ils se sont arrêtés devant moi puis ont fui en hurlant des phrases de désespoir.
« L'enfant maudit ! L'enfant... celui qui... Il est de retour ! »
            C'est ainsi depuis quelques jours, mais je suis satisfait(e). Plus de soldats, de chasseurs de primes et plus cette histoire de ‘‘prophétie’’...
           Mes pensées se stoppent, je sens une vague présence dans mon dos. Je me retourne.
           Une silhouette frêle et translucide est placée derrière moi. Ses cheveux blancs se soulèvent avec la brise. Une mince tresse noire accompagne cette cascade blanche. Deux pâles yeux couleur de sang me fixent avec une lueur maternelle. Un sourire invisible transparaît sur ce visage de spectre. Elle tend sa main sur mon front. Je ressens une chaleur agréable. Bien qu'elle puisse me traverser, le spectre fait comme si elle était matérielle. Elle se poste dans mon dos et « pose » une main sur mon épaule. Les minces rayons de soleil font rougeoyer le ciel d'une teinte pourpre.
          Une voix douce brise le silence pesant :
« Tan-Klaroz, mon enfant... J'espérais te revoir avant de disparaître...
           Je lève la tête, surpris(e), vers le visage de ma mère.
_ Disparaître ? Que va t-il t'arriver mère ?
_ Je vais rejoindre les cieux. Je suis restée ici en attendant de pouvoir te revoir une dernière fois. Pour te dire quelque chose...
           Ma mère s'agenouille alors et me souffle dans l'oreille :
_ Accepte-toi dans ton entier... »
           Elle dépose un doux baiser sur mon front et recule. Une lumière aveuglante l’enveloppe et elle disparaît dans ce torrent lumineux. Ne laissant d'elle qu'une minuscule étincelle qui s'envole, emportée par le vent...
            Mère, que voulais-tu dire ? Pourquoi disparais-tu alors que je voulais te dire tout ce que n'avais pas eu le temps, lorsque tu es morte entre mes bras d'enfant...
            Des larmes perlent sur mes joues avant de s'écraser sur la pierre terne. Un simple mot résonne dans mon esprit et se répercute à l'infini.
              POURQUOI... Pourquoi... pourquoi...
             Je me remets à fixer le ciel, comme pour vider mon esprit de mon passé. Mais les spectres gémissants me le rappelle... me font resurgir des douleurs si souvent enfouies pour ne plus jamais renaître. Ma faux brille de sa lueur rouge, sans arriver à me réconforter.
             Un bruit ! Une conversation ! Des gens, ici ?! Dans ce village hanté ?!
J'aperçois de mon perchoir Skronk et un homme que je ne connais pas. Puis Sabrane apparaît dans mon champ de vision.
            Le barbare gronde, il a peur de l'atmosphère pesante qui règne. Les spectres ne veulent pas les approcher, ils ont en eux quelque chose qui les repoussent.
           Sabrane et l'homme avancent en avant et explorent les ruines. Ils savent que je suis là.
           Je ne bouge pas, je ne fuis pas. Je reste prostré(e) en attendant...


Sabrane Hyle :

            Nous étions enfin arrivés à notre destination : Namur. Bizarrement, ce nom me disait quelque chose, mais je l’avais oublié. Tant pis. Quand je vis le village, je me dis que j’avais trouvé quelque chose de plus sinistre que le cimetière qui était à côté de mon université. Faut dire que le cimetière était toujours dans la pénombre, même à midi, et certains morts ne savaient pas qu’ils l’étaient. Dans ce village, tout semblait tellement mort, que l’on se demandait si cela avait déjà vécu une fois. Je voyais des spectres noirs à mesure que nous marchions dans le village. Chaque fois qu’ils me voyaient, ils semblaient avoir peur et s’enfuyait.
« Dîtes, dis-je finalement. Comment ça se fait qu’ils nous évitent comme ça ?
 _ Sans doute à cause de ton pouvoir, dit finalement messire Len.
             Je souriais tout seul en pensant encore à mon pouvoir, qui semblait nous protéger depuis le milieu du voyage.
_  Bon, dit à un moment messire Len, où pourrait bien se trouver Tan ?
_ Ben peut-être qu’il (elle) est dans un de ces bâtiments ? Dis-je.
_ Skronk veut pas entrer dans maisons.
          Len et moi le regardâmes en ouvrant grand les yeux pour qu’il comprenne que nous voulions savoir pourquoi.
_ Skronk ne se bat pas bien quand il est dans maison, lui préférer les grandes plaines désertes.
_ Mais, on ne va pas se battre contre Tan ! Dis-je inutilement.
           J’entendis le bruit d’un clocher. Sans doute le vent qui avait fait bouger la cloche. Et comme j’étais de nature curieuse, alors je regardais autour de moi où se trouvait le clocher, et quand je le vis, je vis aussi Tan.
_ Le voilà ! M’écriais-je.
           Messire Len retourna rapidement la tête, en regardant quel endroit mon doigt montrait. Et comme Skronk regardait ailleurs, il ne vit pas que nous étions déjà près de l’église. Quand il se retourna, et qu’il nous vit, il courut en beuglant :
_ EH, VOUS ATTENDRE SKRONK.
          Avec tout se ramdam, je m’étonnais de ne pas voir Tan relever la tête.
_ Bon, dis messire Len, je monte pour aller le chercher, puis on rentre.
_ Attendez, messire, lui dis-je en lui prenant le bras. Il… ou elle… ne vous connaît pas, il vaut mieux que ce soit moi qui monte.
          Déjà, je mis un pied dans un trou du mur.
_ Mais tu sais grimper ? Me demanda-t-il.
_ Oui, avec mes amis nocturnes, on fait toujours une course d’escalade sur les murs de l’université depuis mes huit ans.
           Je montais, le vent faisant fouetter ma robe de mage. Quand j’arrivais au sommet du mur, je déposais mon bâton, afin de me hisser sur le toit.
_ Bonjour, Tan.
             Il restait toujours en boule.
_ tu nous as fait courir, tu sais ? Mais ce n’est pas grave, car il en faut de l’exercice pour rester en forme.
            Je m’assis à coté de lui, car nous étions le jour. A ce moment, il relève la tête pour me voir. Je vis qu’il avait les yeux encore humides.
_ Vous êtes venus pour quoi ? Me dit-il ? Pour me vendre à un cirque ? Ou pour m’utiliser comme objet pour cette prophétie ?
           Je poussai un petit soupir, puis me tournai vers ce visage mélancolique avec un sourire.
_ Rien de tout cela, mon ami, dis-je. Je suis venu pour qu’il ne t’arrive rien. Car, vois-tu, ce sont les pensées que les amis ont. Tu sais, que tu te transformes en femme la nuit, ça n’a aucune espèce d’importance. Pour moi, tu es un(e) ami(e), et c’est tout.
             Il ne dit rien
_ En venant, repris-je, j’ai découvert que j’avais un pouvoir.
_ Lequel ? Me demanda-t-il.
_ J’ai le pouvoir de la vie. Et j’ai appris une chose. On vit, quand on a des amis avec qui parler. Qu’en penses-tu ?
            Il semblait vouloir réfléchir, comme s’il se retenait de raconter des choses. Je retenais ma respiration en attendant sa réponse.


Tan-Klaroz :

             Parler, parler...
             Sabrane est toujours à côté de moi, attendant sûrement que je parle. Je continue d'observer l'horizon en pensant à ce que je pourrais bien dire. Un froissement de tissu sur ma ceinture me ‘Réveille’’. Je décroche le mouchoir que m'a donné l'apprenti mage. Il est défraîchit, pâle mais c'est quelque chose de précieux pour lui.
             « J'ai vu ma mère...
            Cette phrase est sortie sans que je m'en rende compte. Sabrane prends un air surpris. Comme s'il pensait : " Tu as eu une mère ?"
_ Oui j'ai vu ma mère. Mais sous sa forme de spectre. Elle est morte il y a dix ans... Sabrane garde son air surpris. Il souffle :
_ Moi aussi... J'avais cinq ans. Elle s'est faite dévorée par des crocodiles mangeurs d'hommes. Elle avait oublié qu'il y en avait dans le lac.
_ Elle est morte par ma main, dis-je en murmurant.
             Cette fois, Sabrane a l'air effrayé. Comme si j'allais lui sauter dessus pour lui donner le sort que j'ai fait à ma mère. Il fixe étrangement ma faux.
 _ Et... et comment était ta mère ? Lâche-t-il.
 _ C'était une femme très douce. Au village, on la craignait car elle était issue de l'union d'un Elfe noir et d'une humaine... Mais elle était très belle.
 _ Moi aussi, ma mère, elle était très belle, mais elle avait une mauvaise mémoire, dit Sabrane en riant. J'ai hérité de ça. C'est pour ça que je suis mauvais pour la magie.
            Il rigole. Cela me donne envie de sourire. Un spectre hurle dans le lointain, pour annoncer que la nuit tombera dans quelques heures.
_ Tu sais pourquoi ce village est en ruine ? Me demande soudain Sabrane.
           Je balaie Namur du regard et observe Skronk et l'homme, en bas du clocher. Les quelques spectres aventureux s'approchent timidement d'eux pour s'éloigner aussi vite. Je me retourne vers Sabrane et explique :
_  Ça s'est passé il y a 10 ans. J'étais un enfant que les gens du village montraient du doigt. Personne ne voulait m'approcher à cause de ma faculté de...
 _ D'hétéromorphe !
 _ Oui voilà. Et un jour, mon père a voulu empêcher des jeunes du village de me frapper à mort. Ils l'ont égorgé. Puis ensuite... Dans un élan de désespoir... J'ai... j'ai...
         Sabrane me sourit.
_  Tan, parle ! Parler à un ami fait du bien tu sais...
 _ Je les ai tous massacrés, y compris ma mère. Quand je m'en suis rendu(e) compte, ma mère était mourante dans mes bras. Elle m'a murmuré quelques mots et a rendu son dernier souffle... » Sabrane ne parle pas, il ne fait que me regarder. C'est alors que j'entends un grondement venant d'en bas :
« Skronk en avoir ras le dos d'attendre ! Que faire petit Lutin ?! »
           Sans que l'apprenti mage ne fasse quoi que se soit, je suis déjà descendu du clocher et regarde curieusement l'homme qui m'est inconnu.
« Je suis Len Arken, le huitième compagnon, me lance-t-il. Bon, nous t'avons trouvé alors nous retournons sur le lieu de rendez-vous. En route ! »
            Il emboîte le pas suivi de Skronk marmonnant je ne sais quoi. Sabrane et moi fermons la marche en direction de la sortie du village.

Skronk :

           Enfin on a fini d'attendre ! Skronk est content de partir de ce village, surtout qu'on ne peut même pas assommer les spectres. Très, très ennuyeux d'attendre.
           Sabrane redescend enfin avec Tan. Celui-ci a l'air fatigué, mais Skronk ne le portera plus, Skronk n'est pas un chameau...
            Et maintenant il faut retourner à notre point de départ, là où l'elfe est congelé. Skronk ne se souvient même plus où c'est. Heureusement que Len a l'air de connaître le chemin.
            Au fur et mesure que nous nous éloignons du village, les fantômes, en prenant grand soin d'éviter Tan, nous tournent autour. Skronk n'aime pas cela. Dans son village, de vielles légendes disent que si les revenants viennent vous hanter vous serez maudis à jamais... Skronk n'a pas envie d'être maudit.
            D'un petit coup d'épaule, Skronk bouscule Len qui est devant lui pour l'inciter à avancer plus vite. Celui-ci, contrarié, se retourne pour lancer un regard noir au barbare, ce qui a pour effet de le rendre encore plus nerveux qu'il ne l'est déjà.
             Sous l'insistance du passage des fantômes qui se fait de plus en plus fréquent et en plus grand nombre, le petit groupe accélère la marche, pour finalement se mettre à courir. Le portail est à quelques mètres, et plus ils avancent, plus il semble s'éloigner. Eberlué, Skronk se frotte les yeux, mais il ne rêve pas, la sortie à l'air de les fuir.
             Les fantômes deviennent une masse compacte. A chacun de leur passage, les quatre compagnons ont l'impression de subir une tempête. Skronk ne veut plus avancer. Comment affronter des ennemis qu'on ne voie pas ?!
             Len hurle entre les agressions, Sabrane n'a pas l'air d'être d'accord avec ce qu'il propose, ou alors il ne veut pas le faire. Tan lui ne bouge pas, regarde les fantômes qui prennent bien soin de l'éviter, mais il ressent quand même l'effet de la tempête.
Finalement Sabrane remue des lèvres. Skronk se méfie à chaque foi qu'il remue des lèvres, car il se passe des trucs bizarres. Une lueur bleue surgit, à peine plus forte que le ciel du village. Une sorte de limace tombe sur le sol. Skronk regarde la bestiole avec amusement. Il se demande si c'est ce que le petit magicien voulait. Tan et Len le regarde avec de drôle d’expression. Ils doivent penser comme Skronk, si il n'y avait pas autant de fantômes dans les environs que la sortie ne se barrait pas aussi vite qu'un lièvre, la situation serait presque marrante.
             La petite limace, que Skronk n'a jamais vue auparavant, se met brusquement à aspirer et les fantômes qui passent vers elle sont tous aspirés à l’intérieur, au fur et à mesure qu’elle les ingurgite.
              Le pouvoir des fantômes faiblissant, la porte se rapproche de nouveau. Saisissant l'opportunité, le petit groupe s'engouffre dans la sortie. A peine sont-ils sortis qu'une sorte d'explosion retentit dans le canyon. En se retournant, Skronk voit que la limace, ne pouvant plus aspirer de fantômes, a explosé, les libérant tous, mais maintenant ils sont hors de portée.
            Skronk a faim. Skronk en a marre de marcher. Skronk veut dormir ! Mais personne ne l'écoute. Skronk est seul à traîner en arrière. Tout en grommelant, il effectue quelques enjambées pour les rattraper. Le chemin du retour risque d'être pénible, surtout quand Skronk a faim, et ça Skronk va leur faire comprendre.
            Tiens, pourquoi est-ce qu'il recommence à pleuvoir ?


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