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 Peur du noir.

Par ChaoticPesme, le 7 septembre 2009

  Je suis un idiot. Je suis un malade.

  C'est ce que je me dis à chaque fois qu'il faut que j'aille me coucher. Je dors alors que la lumière est allumée, je fais cela depuis mon enfance, sauf qu'à présent mes parents ne sont plus là pour critiquer quoique ce soit.

  Pour m'endormir, je regarde la lune, les yeux exorbités et pleins de fatigue, et cela me suffit.

  D'habitude cela me suffit. Cela fait des jours que je ne dors plus. J'ai trop peur. Pourtant, la chaleur de la lumière m'a toujours rassuré pendant des dizaines d'années. Mais cette fois ça ne suffit plus.

  Je suis l'aîné d'une famille riche. Mon père me détestait et c'était réciproque. Mais en père responsable, il a eu la courtoisie de me léguer sa fortune alors que mes autres frères étaient morts de maladie.

  Lorsque j'ai eu l'âge de me séparer de ma famille pour de bon, je suis parti pour Kanwood. J'y ai racheté là bas un manoir délabré et isolé du reste du monde. Le village le plus proche est à vingt kilomètres... Cela reste raisonnable, tant que mes domestiques me tiennent au courant de ce qui se passe dans le monde. La seule chose dans laquelle je dilapide mon argent depuis est l'électricité. La lumière est allumée jour et nuit, c'est la seule façon que j'ai de m'endormir, sinon je passe la nuit les yeux ouverts et je regarde le plafond éclairé.

  Quelque fois, lorsqu'une panne d'électricité se produit, j'aperçois dans le noir des choses par la fenêtre. Des choses qui ne sont pas supposées exister, auquel personne ne pourrait croire. Je les vois lorsque je regarde la lune, sinistre et grise ces soirs-là. Elles s'approchent de la maison, elles ont quelque chose de démoniaque... Non, plus que cela. Même le Diable frémirait à leur approche. Ce ne sont ni des créatures de notre monde ni de l'autre monde, elles sont d'ailleurs...

  Mais lorsque je dors, elles ne peuvent rien contre moi, non absolument rien. Cependant, lorsque je me réveille le matin, je m'aperçois que les lumières sont éteintes... Cela veut sans doute dire que les créatures ont essayé de pénétrer dans ma chambre pendant la nuit, mais qu'elles n'ont pas eu le temps de me faire de mal. La lumière les repoussent et les révulsent sans doute au point que seuls les plus courageux osent s'approcher de moi et osent jusqu'à éteindre leur source de terreur. Jamais aucune ne m'a encore atteint, jamais.


  La journée, je n'ai pas beaucoup d'occupation. Mes domestiques entretiennent la propriété et s'occupent de ma santé au point que je n'ai à m'occuper de rien. Pourtant, s'ils savaient...

  Je fais le tour des environs de la propriété pour tenter de trouver par où mes mystérieux visiteurs arrivent, mais je ne trouve nulle trace, nulle empreinte de pas. Pendant des jours, j'en suis venu à douter de l'existence de ces créatures. Je n'osais en parler à aucun de mes domestiques, ils n'auraient pas compris.

  A présent je suis enfermé dans mes doutes la nuit et il ne se passe plus rien depuis des jours. Dans le manoir de Kanwood, tout le monde dort à point fermé.

  Tout le monde sauf moi.

  Les médicaments que je prenais jusque là ne font plus effet. J'ai peur, peur comme jamais que quelque chose m'arrive soudainement et que je n'y sois pas préparé. J'ai demandé qu'on double ma dose, mais rien n'y fait. La lumière de ma chambre est allumée, et pourtant elle ne me rassure plus. Je tremble de terreur dans mon lit sans pouvoir fermer l'oeil. Je veux éteindre moi-même, éteindre la lumière pour pouvoir dormir, mais je n'ose pas me lever, quelque chose de malsain me retient. J'ai l'impression que si je le faisais, une de ces créatures fondrait sur moi et me déchiquèterait... Alors je reste couché, prostré dans ma peur.


  La nuit suivante, je tente l'expérience. J'ai été poussé à bout.

  C'est un jour d'été où la plupart de mes domestiques sont en vacances, j'ai dû m'occuper de tout. Ce soir, j'ai réclamé que l'on me laisse en paix dans la maison, j'ai demandé à ce que tous les serviteurs, quel que soient leur rang, dorment dans la grange à côté du manoir. Je ne peux plus tolérer la moindre présence humaine, j'ai le sentiment que chaque âme qui vive est une menace pour ma sécurité. Ils se sont tous exécutés, docilement.

  Ce soir, je n'ai pas laissé la lumière allumée dans ma chambre et j'attends... J'ai attendu jusqu'à prêt de trois heures du matin, lorsqu'il s'est produit quelque chose :

  J'ai regardé au travers de la fenêtre, et sous le regard pâle et froid de la lune, j'ai vu passer... J'ai déjà vu ce genre de chose en étant à moitié endormi, obscurcissant la face de la lune... Cette fois, elle passe au travers de ma fenêtre, s'approchant de mon lit... J'ai vu d'abord ce qui ressemblait à des mains, ensuite à une tête, et...


  Je me réveille au petit jour. Un de mes domestiques est en train de me secouer. Alors que je me calme, il me dit qu'il m'a entendu crier « comme un goret que l'on égorge ».


  Je suis resté au lit toute la journée. Ils n'ont pas arrêté de me surveiller pour voir si j'allais bien. J'ai demandé à ce que l'on augmente encore ma dose de médicaments, mais le médecin a refusé, prétendant que cela serait néfaste pour ma santé.


  Comme d'habitude, les trois nuits suivantes, j'ai été couché la lumière allumée. Couché, sans pouvoir dormir. Le lendemain, j'ai demandé à mes domestiques de me laisser à nouveau seul, mais ils se ont obstinés à rester. Ils sont tous aux aguets à chaque issues du manoir et deux sont postés derrière ma porte. J'en ai entendu certains d'entre eux pendant la journée : Ils disent que je deviens agressif, misanthrope et même... fou. Mais comment pourrais-je leur expliquer ce que j'ai vu ? Comment pourrais-je décrire avec des mots ces choses qui se présentent à moi à chaque fois que je regarde la lune ? Et comment pourrais-je communiquer avec ces êtres qui apparaissent seulement lorsque j'ai peur ? Car je veux savoir ce qu'ils me veulent, je veux comprendre. Je veux savoir s'ils me veulent du mal ou non, même si je dois en subir les conséquences... De toute façon, il est trop tard pour reculer. Ces êtres se sont beaucoup trop avancés vers moi pour que je continue à les ignorer.

  Cette nuit là, la lumière allumée, j'ai quitté discrètement mon lit et me suis dirigé vers la fenêtre. Il y a longtemps que je n'ai pas observé la maison du haut de ces cinq étages, mais la lune est encore plus impressionnante... Une éclipse a semblé se former lentement, lentement, puis elle a prit forme.

  Une forme hideuse, semblant tout droit sortir des cauchemars de mes rares nuits de sommeil, une forme que l'esprit humain ne saurait décrire... Pourtant, elle est étrangement fascinante. Je retiens un hurlement étranglé lorsqu'elle approche sa « patte » vers moi à travers le verre de la fenêtre. Elle m'invite à la rejoindre. Je ne sais où elle veut m'emmener, mais qu'importe... A présent, je sais qu'elle ne me veut aucun mal, elle cherche seulement à aider. Cette invitation muette me semble mille fois plus tentante que la vie végétative que je mène dans ce manoir.

  La texture de cette « main » est douce, presque imperceptible. Je sens la force qui me presse la main, mais je n'arrive pas à la définir. J'ouvre la fenêtre de l'autre main pour me laisser passer.

  J'entends la porte de ma chambre s'ouvrir et les domestiques hurler au suicide, mais je me sens déjà tellement loin d'eux, emporté par cette créature extraordinaire. Porté dans le ciel étoilé de la nuit, je vois loin au dessous de moi un corps inerte au pied du manoir, sous la fenêtre de ma chambre. Je ne saurais sans doute jamais de qui il pouvait s'agir.


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